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Thrinakìa settima edizione: premio internazionale di scritture autobiografiche, biografiche e poetiche, dedicate alla Sicilia / A cura di Orazio Maria Valastro / Vol.23 N.1 2025

Découverte d’une insularité

DOI: 10.17613/rmj55-3a759

Bernard Troude

magma@analisiqualitativa.com

Bernard Troude (Saint Gervais Les Bains, France) | Découverte d’une insularité | Prima opera classificata Sezione Diari di viaggio Lingua straniera | Thrinakìa Settima edizione Premio internazionale di scritture autobiografiche, biografiche e poetiche, dedicate alla Sicilia | Motivazione della giuria: L’autore narra del piacere provato nel suo soggiorno a Catania, una città insulare che apre gli occhi dello spirito nella contemplazione delle bellezze, manifeste e celate, della sensualità di una comunità e dell’anima singolare che vivifica ogni persona nata in questa città. La scoperta della Sicilia e la scelta di Catania è un ritornare indietro nel tempo che lo sottrae ai condizionamenti acquisiti per sentirsi a proprio agio in un luogo che percepisce come propria.

 

 

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Thrinakìa settima edizione: premio internazionale di scritture autobiografiche, biografiche e poetiche, dedicate alla Sicilia | 31 maggio 2024 | Il Maggio dei Libri | Palazzo della Cultura | Città di Catania

J’ai eu souvent à visiter des cadres géographiques fascinants. Néanmoins, c’est la première fois qu’un monument géographique géologique’’ me fait ressentir sa présence même en centre-ville et dans les bâtiments construits ou ayant résisté à des phénoménologies éruptives : je parle de l’Etna. Banalités touristiques, me direz-vous ! Non, car non prévenu en aucun document et nulle part, j’ai ressenti cette pression invisible et omniprésente par la poussière grise et de la lave si fine amplifiée d’une configuration urbaine due à la montagne notoirement inerte mais connue comme explosive …Peut-être est-ce un élément écarté de la vie et la vue des Catanais ? Partout au monde et en bord de mer, il est recherché une platitude. Il se peut que cet effet soit moins sensible au Japon ou certaines îles grecques. À Catane, il faut presque toujours monter depuis les places centrales ou les bordures du port, les contours de l’aéroport.

Par obsession pour ne pas me fatiguer, je n’aime pas marcher, j’emprunte les rues transversales pratiquement horizontales. Découvrir la Sicile et faire le choix de Catane, c’est remonter le temps, c’est encore me transposer depuis une histoire contemporaine et me sortir des avenues’’ neurologiques, physiologiques et psychologiques, enfin de tous mes acquits. Je me surprends et me fais un défi dès l’atterrissages et la sortie de l’aéroport, l’arrivée en taxi à mon lieu de résidence : un hôtel en travaux. Me mêlant à mes premières foules catanaises, ce dimanche en mai, je me mets en route descendant tout droit. Dixit le jeune homme de l’hôtel. Des angoisses et des sursauts, de la marche rapide et mon souffle accéléré, tout mon corps réagit avec la seule obstination : celle d’arriver à mon rendez-vous à la fontaine de l’éléphant ? Sur cette voie Via Vittorio aux trottoirs encombrés de stands, je respirai un air chaud avec une luminosité blafarde.  Je souris en demandant et redemandant mon chemin, j’entre en moi-même pour descendre cette avenue. Comment comprendre autrui dans mes conditions du moment ? Voilà un sujet en ma tête. Comment interpréter mon voisinage particulier en ces instants de fin de journée de voyage ?

Je suis européen et mon identité me dit européen, je peux ainsi me considérer chez moi. Pour me protéger de cette situation et m’élever un peu, une solution pointe : me voulez-vous comme double représentant régional en étant citoyen de nulle part ? Autour de moi, ces personnes ont leurs racines et je suis accueilli et existe alors une forme de réciprocité hôte et étranger[1]. Cependant à cause de mes univers plastiques, j’ai ce besoin d’un motif pour confirmer l’intention de savoir où je vais aller, ce que je vais faire, ce que je vais voir. Je me demande si les passants que j’observe quand même dans la rue ne sont que des corps en mouvement ou s’ils ont aussi des émotions directes face à moi, des avis et des attraits au même titre que moi dans cette avenue. Je m’interpelle sur le face à moi : l’autre n’est-il pas en fait précisément un autre que moi-même ? À tel point, alors que je suis dans la rapidité immédiate vers mon rendez-vous, je ne peux jamais être clair sur ce que l’autre pense et ressent dans le même espace-temps ? Je ne suis, en effet, que dans le visible de son extérieur discernable, son image que j’interprète tel un flux lumineux au mieux dans ma vision. À l’inverse, un accès direct privilégié adhère à mes propres états mentaux. Aucun besoin d’attendre de voir comment je réagis pour savoir ce que je ressens.

Cette asymétrie entre la connaissance de ma personne et la compréhension d’autrui semble toutefois remise en cause par les actes complexes tels que mes réactions directes me le font savoir. Je tremble un peu à l’utilisation de ma reconnaissance. D’où cette approche directe et raffinée vers ces personnes, familles et enfants, amies ou amis, voisins voisines, tous en plein amusement. Je ne regarde même plus ni les façades ni mes pieds. J’ai rendez-vous en un premier restaurant pour connaître le groupe de travail de la conférence. J’ai l’impression d’être un point virevoltant et ne répondant à aucune demande des tenants de ces stands vendeurs de produits à manger ou en bimbeloterie ; isolement d’un être sur un nouveau territoire. Mes précipitations me font découvrir une population joyeuse qui me promène’’ vers le port, qui me fait remonter l’avenue au lieu de la descendre. Un fait plein d’ironies pratiqué partout dans le monde, une population qui balade un touriste. Enfin je suis compris, un peu énervé : alors deux policiers en tenue me font arriver à ce centre-ville, sur la vaste place de la Piazza del Duomo où se font voir la statue fantaisiste de la Fontaine de l'éléphant’’ et la cathédrale sainte Agathe patronne de la ville’’ de Catane, richement ornée. L’ensemble que je peux être est enfin apaisé et ravi de rencontrer.

Enfin, je m’expose dans un calme auprès de mes amis et l’ensemble des personnes au dîner, tous autour d’une table, en extérieur. Il fait superbement bon, la météo plutôt agréable, découverte de la cuisine sicilienne ou catanaise, je ne pense plus à rien d’important. Aidé de la pénombre et des faibles lumières ambiantes, jaunes dans mes souvenirs, je ne vois plus rien. Je ne dis pas grand-chose suite à ma présentation. Ai-je pu évoquer à ce moment la beauté de Catane ? Ai-je pu deviner l’enthousiasme de la population ? Comment ai-je pu faire attention à cette personne vue à la sortie de mon hôtel et qui, en remontant cette avenue sombre bordée d’arbres et de chaque côté un escalier interminable aux marches extra-larges, marchait à quelques mètres derrière moi. Mes idées sont devenues attentives et je marche maintenant au milieu de la route à la lumière. Bizarrement, je n’ai pas eu de peurs, je n’ai jamais craint le danger dont j’ignorais les possibilités. Dire que cette émigration de quatre jours puisse être un modèle de la condition d’homme contemporain et qu’alors nous sommes tous des immigrés, c’est évidemment plus facile à penser quand on ne l’est pas. Au présent, je n'ai pas de reconnaissance de cette île qui, sans être angoissante, est d’une inquiétante étrangeté en une originale familiarité me concédant le pouvoir d’être tendu vers l’extérieur à la seule pensée de mon retour possible.

Ayant satisfait ma curiosité avec quelques éléments livresques et photographiques, j’ai découvert des traductions pour le mot populaire catane’’ ou plutôt son homonyme katane’’ désignant le village siculien’’ Katane’’ avec sa population autochtone des sikèles’’[2]. Avoir accès à presque deux mille cinq cent ans d’histoire, une inquiétude se pointe pour mes savoirs en contemplant toutes ces architectures civiles et religieuses avec ces nombreux édifices plus ou moins entretenus, certains abandonnés, ces vestiges d’un passé avec des constructions contemporaines accolées. Les preuves d’un cataclysme parvenu par l’éruption sont à presque tous les coins de rue. Cataclysme ajouté vieillissement des matières, voilà ce qui me fait percevoir une ville en mouvements incessant.

Me fondre dans l’épopée sicilienne et catanaise ne m’a pas dérouté en observant la carte géographique sur la côte orientale de la Sicile dans les environs de Catane autour de l'Etna. Dès l’aéroport et ce premier temps après mon arrivée à l’hôtel, je suis pris par l’observation auditive directe et immédiate de la rue qui descend vers mon rendez-vous. Je pense que quelque part dans les lieux où je vais me trouver, une bibliothèque me confirmera les sons que j’entends puisque je ne parle pas un mot de l’italien. Cela se fera pendant le colloque et les différents rendez-vous. Je me dis que je vais être confronté à un moment donné - et surpris - à l'analyse comparative et historique de documents écrits modernes voire très anciens et des témoignages de personnages étrangers ou insulaires. Avec les courtes périodes pendant lesquelles je suis seul, j'arrive à mettre en relief à ma manière (essai d’objectivité) une aptitude générale dominant une phonétique dans les espaces traversés. Avec cette passe au langage écouté, je suis en poussée à des sentiments de monotonie de la même manière que je peux avoir accès à mon propre vécu émotionnel, car je partage, comme avec vous tous, la même émotion de l’épreuve.

Je n’ai à évoquer aucune aversion, cette petite période de quatre jours me laisse un souvenir de grand calme, d’une infinie volonté de conjonction et de beaucoup d’applications d’autrui et de moi-même afin de réussir cette plongée sicilienne. Finalement, mes dires et mes contacts ne se font que dans ma langue natale, le français connu. L’histoire écrite et dessinée me démontre que la ville surmonte ces immenses catastrophes que sont les éruptions volcaniques et les tremblements de terre les accompagnant. Lorsque je partage une uniformité avec l’histoire, le physique ou le mental, j’appréhende le trouble, non pas de l’extérieur à partir d’une perspective en troisième personne, mais de l’intérieur à partir d’une perspective réelle des personnes en promenade, des personnes circulant en ville. En ce sens, mes intuitions et la dérive de mes émotions en ces lieux découverts, dépassent le fossé entre autrui et mes attentes intimes. Très peu d’informations me suffisent, juste quelques indices corporels. Sur le voisin qui passe qu’il ait un sourire rêveur, une intonation de voix un peu abrupte, une posture affligée, une crispation fugitive, la joie, la colère, la tristesse ou la douleur se reconnaissent. Ce qui me fascine, c’est que je ne reconnais pas le bonheur de la même manière que je reconnaîtrais un animal, par exemple. Sur cette place ou je finis par arriver, je fais appel à un certain savoir théorique sur les animaux en scrutant l’éléphant haut perché.

J’apprends que la Piazza Duomo est le point de départ de toute vie civile, un centre de la ville : le résultat d’une reconstruction qui a suivi le tremblement de terre désastreux de 1693. S’y retrouve, et j’en reparlerai avec la cathédrale, la mairie et des palais baroques[3]. Mon premier contact après cette descente d’avenue encombrée est au pied de la fontaine de l’éléphant, étonnante surprise au sujet du nom et du monument devenu important, un symbole urbain de Catane même, jouxtant ce palais palazzo degli Elefanti’’[4]. En un rien de temps, j’utilise ma notion naïve du pachyderme comme animal qui ressemble à un dieu de poids lourd’’ à la peau grise et noire comme la cendre de l’Etna, description abstraite que j’applique pour identifier l’animal que je vois. Cependant, ma joie n’est pas cet animal étrange. Pour reconnaître que je suis cet heureux voyageur, j’utilise non pas une description en troisième personne du concept de bonheur, mais mon propre vécu du bonheur en première personne envers l’insulaire qui m’aborde. J’apprends instantanément un sens de la rupture avec qui je suis.

Grâce à cette insularité caractérisant toute énergie autour des iliens, j’apprécie d’une part, le catalogue toujours en vigueur d’un ensemble d'opiniâtretés permettant des dispositions de retour à des normalités dont le maintien de l’ordre, j’apprends aussi le rétablissement des cultes, un redémarrage de l’économie. Puis d’autre part en bibliothèque, je me satisfais de prendre en compte des mesures qui, grâce à des pondérations innovantes, vont faciliter les processus de reconstruction, de stabilisation des mentalités. J’en sais quelque chose car au cours de cette escapade à Catane, j’ai pu trouver des solutions pour en finir avec le stress et l’anxiété qui me minaient au quotidien : parmi des lieux nouveaux et des coexistences nouvelles avec des bains de foule, j’ai utilisé un pouvoir de méditation de pleine conscience et une fois assis quelque part m’hypnotiser et me mettre hors de portée. Avec l’aide de la mémoration et de mon entrée possible dans ma synesthésie, j’évolue en étant le corps présent et mon moi ailleurs. Par cette option, c’est une réussite d’obtention d’un bien-être premier pas vers les compréhensions des actes périphériques. Je ne suis pourtant pas tout à fait au bout de mes peines quant à la solution pour évaluer l’insularité. Pour véritablement lâcher prise et profiter du moment présent avec les insulaires, les vrais insulaires finalement tous ceux qui reviennent en leur île, j’omets en effet quelques étapes importantes. Une étape importante que je franchis toujours : la peur de l’inconnu. Elle peut être doublée de la peur d’une menace dont je ne maîtriserais pas la probabilité et par-là les conséquences. Ayant toujours recherché l’imprévisible, je ne connais pas l’état d’anxiété ou d’angoisse. Ce qui me rend favorisé face aux incertitudes et me fais comprendre le sens du « on ne sait jamais… » « j’ose toujours prendre le risque de… »

Notes

[1] En langue grecque, le même mot xenos désigne les deux sens : hôte (accueil) et étranger (qui est accueilli).

[2] De l’histoire : Le village siculien : Katane. Ce mot de la population autochtone des Sikèles se traduit par « râpe, racloir, couteau à écorcher, écorcherie ». En outre, in extenso, « lieu âpre, territoire tranchant et raboteux, sol rêche », en relation avec les décors de lave du panorama et de sa millénaire collocation géographique aux pentes du Montgibel. Le biographe grec Plutarque confirmera cette interprétation. La cité décumane romaine : Catĭna ou Catăna. Les formes latines du nom grec. La première a eu majeure fortune pour l’assonance et féminisation du vocable catinus. En effet, catinus a un double sens. Il peut signifier soit « écuelle, bol », soit « baie marine ou golfe ». Les deux sens trouvent leur justification évidente dans la position naturelle de la ville, « enfoncée sur la lave comme une couronne » et « située à proximité du golfe de Catane. Tetrapolis (« les quatre villes ») fut employé très rarement surtout pour commémorer le premier arrangement urbaniste de la colonie chalcidienne et latine (constituée de quatre agglomérations originairement distinctes) et leur inexorable fusion. Les bourgs étaient : la Demetria ou Demeteria, la Luna, l’Aetnapolis et la Civitas. Les appellatifs arabes : Balad-al-Fil « Le Village » ou « Le Territoire de l’Éléphant » ; Madinat-al-Fil ou « La Cité de l’Éléphant ») ; Wadi Musa « La Rivière de Moïse », c’est-à-dire le nom arabe du fleuve Symèthe ; Qataniyah « la famille des plantes des légumineuses, produits typiques de la plaine de Catane avant l’arrivée des Arabes ; lesquels seront par la suite les promoteurs et principaux diffuseurs des cultures extensives d’agrumes en Sicile. Ce dernier toponyme fera naître le nom actuel. Catane, une ville portuaire antique, située sur la côte est de la Sicile. Elle a été bâtie au pied de l’Etna, ce volcan actif doté de sentiers pédestres permettant d’atteindre son sommet. La forme triangulaire de la Sicile lui valut le premier nom de Trinacria (l’“Île aux trois pointes”) par les Grecs.

[3] Apprenant par ailleurs que ses qualités architecturales lui ont valu l’inscription au patrimoine de l’Unesco comme d’autres lieux baroques du Val de Noto. Apprenant que ce sont des lieux de rencontres et de manifestations, que s’y déroule entre autres la grande fête annuelle célébrant Sainte Agathe, la patronne de la ville.

[4] N’aimant et n’étant pas un touriste, j’ai quand même glané quelques indications pour me situer en ville : La fontaine de l’éléphant, ce symbole de Catane est au centre de la place ; le palais côté nord, le palazzo degli Elefant (palais des éléphants en français), est le siège de la mairie, œuvre du XVIIe de Vaccarini. En face le palazzo dei Chierici (palais des clercs) date du début du XVIIIe. Sur un côté, la place est fermée par la porte d’Uzeda, construite en 1695, proche de la fontaine Amenamo, à deux pas vers le sud, est placé le typique et ancestral marché de poisson, la Pescheria. Sur les côtés de l’éléphant, le manteau de marbre est gravé par les symboles d’Agathe de Catane, la sainte patronne de la ville. L’obélisque est aussi surmonté par le symbole de la sainte. Selon la légende, l’éléphant aurait appartenu à un mage et aurait le pouvoir de calmer les violences de l’Etna.

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