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L’écriture autobiographique : une quête expérientielle transformative. Première partie. / Sous la direction de Orazio Maria Valastro / Vol.20 N.2 2022

Échos d’histoires, de mémoires et de (ré)existences dans les récits de soi

Ana Rita Santiago

magma@analisiqualitativa.com

Professeure associée à l’Université fédérale de Recôncavo da Bahia - Brésil.

 

Abstract

Les œuvres autobiographiques présentées ici se constituent qualitativement comme mémoires et écritures de soi et de sa constitution. Cette auto-formation, cependant, n’est pas configurée pour fixer des vérités sur eux-mêmes ou pour rechercher des significations définitives d’eux-mêmes. Il s’agit donc de pratiques qui s’érigent en auteurs d’une écriture de soi, puisque, à travers des récits, ils tissent des fils de souvenirs et tissent des fils de leur existence et de leur connaissance de soi.

 

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Sirènes, détail gravure à la main réalisée par John Paas en 1817 pour l’Encyclopaedia Londiensis. Source : Catalogue Library of Congress, Washington D.C. United States.

Quelques mots d’ouverture

 

Le texte « Échos d’histoires et de mémoires dans les récits de soi » provient du projet de lecture permanente et de la recherche « La littérature féminine noire au Brésil et au Mozambique, au Cap-Vert, en Guinée-Bissau, en Angola et à São Tomé et Príncipe ». Le premier est configuré comme des expériences de lectures personnelles permanentes, visant à connaître le monde à travers la littérature, lorsque cela est possible, à travers des œuvres de femmes, en raison de l’impossibilité de le connaître, géographiquement et en personne, ayant pour but et cible, au moins, le 193 pays liés à l’Organisation des Nations Unies (ONU). Le second, en cours de développement depuis 2015, dans le cadre de l’exercice académique et scientifique, a pour objectifs principaux les cartographies des noms et des productions littéraires des écrivains d’ascendance africaine de Bahia-Brésil et des écrivains sud-africains, non pourtant, dûment et de manière satisfaisante, (re)connu ; lectures dialogiques-interprétatives de leurs trajectoires et écrits, en vue de la diffusion de leurs œuvres et de la formation d’un public de lecteurs en Afrique et au Brésil.

 

Dans ce contexte, ce texte vise à faire des réflexions descriptives-interprétatives, appuyées méthodologiquement par la Critique biographique (Souza, 2002) et la Cartographie (Deleuze ; Guattari, 1995 ; Santiago, 2019), sur les récurrences de traits historiques et mémorialistes dans des récits d’eux-mêmes entrelacés. avec des expériences de (ré)existence et de transformation dans les œuvres « Bribes d’une vie » (2013), d’Eunice Matavele ; L’étoile, lumière de mon âme (2013), de Clarisse Machanguana ; « Maison des souvenirs » (2010), d’Amilca Ismaël, du Mozambique, et « L’eau de Barrela », d’Eliana Alves Cruz, du Brésil. Etudes sur l’histoire et les mémoires (Pollak, 1989 ; 1992 ; Bosi, 1994 ; Le Goff, 1996 ; Nora, 1997 ; Halbwachs, 2006 ; Noa, 2016), écriture de soi (Klinger, 2007 ; Foucault, 1997 ; 2006 ; 2008 ; Santiago, 2010) et les mémoires littéraires et (auto)biographiques (Lima, 1986 ; Olmi, 2006 ; Arfuck, 2010 ; Santiago, 2018) constituent le cadre théorique de l’approche de ce texte. On espère que les réflexions présentées contribueront à la diffusion des récits de soi de ces auteurs, qui sont sillonnés par tant d’entre nous.

 

Récits autobiographiques : formation de tissage et tessitures de soi

 

L’objectif de ce sujet est de présenter de brèves informations biographiques sur les auteurs mozambicains Amilca Ismaël, Clarisse Machanguana et Eunice Matavele et l’écrivain brésilien Eliane Alves Cruz. De plus, nous avons l’intention de faire des réflexions sur les processus de construction de leurs existences, c’est-à-dire d’auto-formation et d’affirmation de soi entrelacés avec des fils et des fils de récits de soi.

 

Les œuvres autobiographiques présentées ici se constituent qualitativement comme mémoires et écritures de soi et de sa constitution. Cette auto-formation, cependant, n’est pas configurée pour fixer des vérités sur eux-mêmes ou pour rechercher des significations définitives d’eux-mêmes. Il s’agit donc de pratiques qui s’érigent en auteurs d’une écriture de soi (Foucault, 2006), puisque, à travers des récits, ils tissent des fils de souvenirs et tissent des fils de leur existence et de leur connaissance de soi.

 

Avec les récits de soi, l’écriture de soi, comme l’art de soi, est un exercice d’institution en tant qu’auteurs d’une écriture qui se déploie dans la formation de soi et dans la déhiérarchisation des savoirs et déjà dits sur soi. De plus, c’est construire des processus de subjectivation, garantir la souveraineté (Foucault, 1997), disposer du pouvoir et du savoir comme acte politique et créer d’autres modes de constitution. L’écriture de soi n’est donc pas seulement une élaboration sur soi, mais elle est aussi (non)dite de connaissances apprises, acquises, mémorisées, extérieures et non originaires.

 

Les mémorialismes autobiographiques, en plus de constituer des pratiques de formation et de tissage de soi, selon Luís Costa Lima (1986, p. 244), "[...] sont des substituts de miroirs [...]", puisqu’un soi se confesse, se montre et renvoie des images du sujet énonciateur créées par le moi. Ils sont, pour cela même, un dire d’eux-mêmes (Foucault, 2008), puisque le narrateur rapporte et réinvente leurs petits et grands récits. Cette perception rejoint la perspective de Mikhail Bakhtin (2003) sur l’autobiographie, car, pour lui, il s’agit d’un genre textuel constitué par un je-pour-soi, à travers lequel un je s’invente. Pour lui, dans ce genre mémorialiste, il y a une éventuelle coïncidence entre le personnage et l’auteur, fondée sur une valeur biographique, qui « [...] sa propre vie et la narration de ma propre vie peuvent être une forme de prise de conscience, de vision et l’énonciation de ma propre vie » (Bakhtin, 2003, p. 139).

 

Le genre autobiographique, également pour Phillipe Lejeune (2008), est un récit rétrospectif en prose qu’une personne réelle fait de sa propre existence, mettant l’accent sur sa vie individuelle et, en particulier, sur l’histoire de sa personnalité. Ce genre a subi plusieurs modifications. Dans cette optique, deux considérations deviennent pertinentes à travers cette définition : la première concerne sa forme. Bien que Lejeune ait choisi la prose comme marque formelle, on voit défiler dans son histoire des souvenirs littéraires, en vers, à travers lesquels des histoires se racontent, des expériences se racontent et des souvenirs se créent. Et la seconde est que, bien que dans cette définition on mette l’accent sur la nature inhérente de ce genre, qui est la personnalité, c’est-à-dire l’individualité, nous devrons juger qu’à partir de cette écriture de soi, il sera possible de connaître des éléments, personnages, personnes et événements qui composent le contexte de cette Écriture, ainsi que des témoignages de repères et de marques historiques et culturels.

 

Avec ces prérogatives, le récit de soi, dans ce texte, devient des exercices effectifs d’autoreprésentation, d’auto-gouvernance, d’auto-formation et d’auto-interprétation, comme le souligne Foucault (1997), en se référant à l’écriture de soi. Elle s’élabore donc comme des jeux de (ré)existence (re-signification et/ou réinvention de l’existant) et de réversion, qui ne se heurtent pas à de simples discours individualisés et, peut-être, intimes, mais, au contraire, se propagent et s’étendent. dans et avec tant de voix dissonantes, comme l’œuvre  « Maison des mémoires », d’Amilca Ismaël, et les autres qui circulent dans ce texte. Le récit se veut uniquement autobiographique, mais, en se racontant, la voix du narrateur présente d’autres échos d’histoires vécues par d’autres voix.

 

Amilca Ismaël : narratrice d’elle-même et des autres

 

Almica Ismaël est né à Lourenço Marques, actuellement Maputo, capitale du Mozambique, le 25 juin 1963 et vit en Italie depuis 1986. Après un travail temporaire en Italie, il a repris ses études, devenant, en 2002, travailleur social et, en 2004, a obtenu le diplôme d’assistant de santé. Elle a également travaillé en Italie comme technicienne sociale et sanitaire pendant plusieurs années dans un foyer pour personnes âgées. Actuellement, il se consacre à son travail littéraire.

 

Elle est lauréate de plusieurs prix littéraires nationaux et internationaux tels que le Prix International " Woman Only Woman ", dédié à la journée mondiale de la non-violence à l’égard des femmes ; Prix Littéraire National "Musolona" Solbiate Olona Varese " Italia " ; Prix Littéraire Europe "Lgano", Suisse ; Prix International " Ensemble dans le monde " - Italie ; et Prix spécial des droits de l’homme à Naples.

 

A reçu une grande reconnaissance et le mérite du jury du Prix littéraire international de poésie et de fiction " Intégration Culturelle " à travers la littérature "équatorienne". Elle a reçu le diplôme de mérite du concours narratif, lorsqu’elle a reçu le prix Leterario Nazionale "Lago Gerundo", de la mairie de Paulio à Milan. En tant qu’auteur de La casa di ricordi, elle est arrivée deuxième dans un prix international de littérature. Elle a également été finaliste de la IVe édition du Prix international de poésie, fiction et essai Praiamar 2010. Prix international de la femme 2010, dans la catégorie Engagement social, décerné par la Présidence internationale de l’Université de la paix en Suisse italienne.

 

Elle est membre honoraire de l’Université de la paix de la Suisse italienne " Lugano " ; par Kiwanis " Servir les enfants de la parole " ; et est membre du conseil d’administration de Litearte - Association internationale des écrivains et artistes - Brésil.

 

En 2009, il publie son premier roman, La casa di ricordi, à Rome, en Italie. Plus de deux mille exemplaires ont déjà été vendus et il existe onze réimpressions et une deuxième édition. Ce livre a été traduit en portugais, "Casa de remembrances", par l’éditeur mozambicain Ndjira, à Maputo, en 2010, Collection Ondas do Índico, et a une préface de la romancière, également mozambicaine, Paulina Chiziane, lauréate du prix Camões, en 2021. Avec ce livre, l’auteur a participé à plusieurs salons nationaux et internationaux tels que Expo América, à New York ; Foire du Livre, le Piú libri piú liberi, à Rome, Italie ; Foire internationale du livre de Guadalajara, Mexique; Foire internationale du livre de Francfort, Allemagne ; Salon international du livre de Pékin, Chine ; Foire internationale du livre du Caire, Égypte ; et la Foire internationale du livre de Londres, en Angleterre.

 

Après avoir raconté ses histoires et ses souvenirs et ceux d’autres femmes dans Casa de remembrances, Amilca Ismaël a publié en Italie, en 2010, l’ouvrage Il racconto di Nadia, dans lequel des traces d’autofiction apparaissent, avec charme et passion, sur un ton de « dire de soi » (Foucault, 2008), mais aussi « écrire de soi » (Foucault, 1997 ; Klinger, 2007), croisant les dires des autres. Ainsi, elle raconte des souvenirs de ses expériences joyeuses et tristes, subies et édifiant, mais aussi d’amour et de souvenirs de votre patrie dans une intensité particulière que vous atteignez lorsque vous êtes loin.

 

En 2014, Amilca a publié Effimera Libertà, chez Youcanprint, également en Italie. Cette même année, ce roman est sorti en portugais, Efêmera Liberdade, à Lisbonne, par Editora Labirinto de Letras, traduit par João Manuel Peres de Seixas et par l’auteur elle-même. Ce troisième roman de l’auteur est le résultat, selon Gonçalves (2016), de la lecture d’un article de journal qui louait les efforts d’une équipe médicale pour sauver une jeune femme abandonnée à l’aube devant un hôpital de Turin. Blessée à l’intérieur et hémorragique à la suite d’une tentative maladroite de la faire avorter, la jeune femme est décédée sans même que les autorités policières connaissent son nom.

 

Avec ces informations, Amilca invente son récit et le personnage principal : la jeune femme, Ruth Onwenu, africaine, 24 ans, qui voyage, dans l’intrigue d’"Efêmera Liberdade", dans un état de semi-conscience, entre délire et réalité. , la lutte pour leur survie et, inlassablement, pour leur (ré)existence. Le thème principal de ce roman est l’esclavage et sa permanence dans différentes parties du monde. Avec cette devise, le roman met l’accent sur la prostitution féminine, en récupérant la traversée que fait Ruth. Elle quitte à l’âge de 14 ans, d’un pays africain, vendu par son père à un prétendu protecteur italien, un président qui l’emmènerait à Rome, avec l’intention, soi-disant, de reprendre ses études. Enchantée par l’inconnu et le nouveau lieu et sans alternatives, la jeune femme devient une travailleuse du sexe, entrant dans le circuit de la prostitution, où elle est préparée par les employés du président à fréquenter des environnements sophistiqués dans lesquels transitent des femmes de différentes régions pauvres de pays d’Afrique, L’Asie et l’Amérique latine et les hommes riches.

 

La princesse Castanha est le nouveau nom de Ruth dans la vie nocturne de Rome. Afin de naviguer dans les environnements de commercialisation du sexe et d’être avec ses clients, elle apprend à danser ; consommer des boissons alcoolisées, principalement du whisky, sans vomissements ni substances chimiques illicites ; fumer des cigarettes sensuellement ; danser des valses de Strauss ; prenez soin de votre apparence, en particulier de vos ongles ; et regarder des films pornographiques sans timidité. Au fil de l’intrigue, elle exerce son métier et, chaque jour, connaît ses ficelles et ses risques. Un jour, alors qu’elle est conduite par un chauffeur privé, dans une luxueuse voiture allemande, la princesse Castanha découvre que sa virginité sera vendue aux enchères à Turin. Avec ces intempéries et d’autres, soudainement et brusquement, la "carrière" de Ruth en Italie est interrompue, en raison d’un crime qui entraînera sa mort.

 

Liberté éphémère est dédiée à Laura Prati, une fonctionnaire de Cardano al Campo, une ville de Lombardie, dans le nord de l’Italie, qui a été assassinée, probablement par désapprobation de son travail en faveur de jeunes aux trajectoires similaires à celles de Ruth. Comme on peut le voir, le roman est similaire, par son thème, ses motivations, sa dédicace et son intrigue, avec des moments, des faits et des fragments de réalité différents. Cette proximité, par la fictionnalisation, dilue les distances possibles entre fiction et réalité (Santiago, 2012).

 

De plus, avec ces trois récits, Amilca Ismaël consolide son parcours d’écrivain littéraire qui transite entre les récits autobiographiques et le roman engagé dans le social. En outre, il présente des provocations pertinentes à la scène littéraire sur les contingences humaines, les souffrances et les dilemmes, les modes d’emprisonnement et d’asservissement, surtout, des femmes de différentes générations. Ainsi, sans intention de représenter ou de s’approprier le réel, mais en dialogue et sur des tons d’autoréférentialité, elle s’attache à le raconter, le transformer et le (ré)inventer.

 

« Maison des souvenirs »

 

Dans « Maison des souvenirs », il y a des rapports sur les processus et les moments de la formation professionnelle de l’auteur et de sa performance, en Italie, en tant qu’opérateur social, dans le soin des personnes âgées dans les maisons de repos. Elle raconte aussi ses rencontres, ses dialogues et ses expériences avec les personnes âgées, comme elle les appelle affectueusement, et avec ceux qui l’entourent dans ces milieux.

 

Il convient de noter la prévalence de la présence féminine dans les récits : Dona Lurdes, Rita, Laura, Teresa, Sílvia, Edy, Ângela, Amália, Guiseppina, Maria, Flora, Giuditta, Colomba, Olga, Bárbara, Antônia, Gianki, Júlia, Elsa, Carla, Manuela, Giulietta, Elisa, Paola, Aurora, Roberta, Giorgia, Luisa, Gemma, Chiara, Renata, Dora, Cristina, Vanda. L’auteur-narrateur présente, tantôt avec émotion, tantôt avec indignation et réflexion, des fragments de la vie difficile et nécessaire, avec ses contrastes et ses défis, de plusieurs personnes âgées des institutions d’accueil, faisant parfois allusion aux souvenirs, traditions et réalités de la vie des personnes âgées mozambicaines. En ce sens, il met en scène sa vie professionnelle et son séjour en Italie, nourris de souvenirs, de mémoires, de traditions et d’apprentissage entremêlés de douleurs, de joies, de pratiques de déshumanisation, de vies et de morts de ses vieillards préférés et de ceux dont il s’occupait. avec zèle, ce qui m’a amené à me référer, dans une certaine mesure, à l’ouvrage d’Eclea Bosi (1994), Mémoire et société - Mémoires des personnes âgées, qui traite de la vieillesse.

 

Dans « Maison des souvenirs », les personnes âgées sont des demeures de souvenirs qui sont mises en scène comme des personnes-mémoire, étant donné qu’elles constituent d’autres lieux et segments pertinents de la construction de la mémoire. Il est pertinent, en attendant, de mettre au jour les Archives Vivantes, c’est-à-dire ces personnes que Hampaté Bâ (1997) appelait Mémoire Vivante/Tradition, ainsi que les groupes et communautés qui recréent et construisent des mémoires à travers la tradition orale.

 

L’ouvrage est considéré par la critique comme un roman. Je considère cependant qu’il s’agit de récits créatifs et confessionnels, donc autobiographiques, avec zèle, simplicité et légèreté dans l’écriture et le langage (Lima, 1986 ; Lejeune, 2008), traces d’autofictionnalisation et d’invention littéraire de soi et de l’autre (Lima, 1986 ; Lejeune, 2008 ; Klinger, 2007). Il existe des marques discursives de réinvention de référentialités, ainsi que de fictionnalité dans l’utilisation d’expériences et de performances de soi référentielles.

 

Je ne cache pas que je n’avais jamais vu ni imaginé comment se faisait une « maison de retraite » : peut-être parce qu’en Afrique, les personnes âgées sont hébergées dans la famille et destinées à mourir sur place. Personne ne songerait jamais à laisser le vieil homme ailleurs, peut-être parce que la pauvreté est si grande qu’il ne serait jamais possible de payer ne serait-ce que la première mensualité d’un foyer pour personnes âgées [...]

L’odeur qui habite les chambres d’hôtes au petit matin est indescriptible. Ce n’est certainement pas un parfum : vous respirez un cocktail d’urine, de matières fécales et de mauvaise haleine. Quelque chose de désagréable et de très repoussant, surtout après une succulente tasse de café au lait et aux céréales.

 

Il était certainement loin d’imaginer que les choses avaient pris cette tournure. Pendant un moment, je l’ai regretté et je me suis demandé si cela valait la peine de faire ce travail acharné, même si le salaire était garanti, mais j’étais entré seul dans le jeu et à ce stade, tout ce que j’avais à faire était d’agir. Et ce fut juste le début! Au fil du temps, qui sait, je me suis peut-être habitué à ces odeurs, mais au début, j’ai failli m’évanouir. (Amilca, 2010, p. 18-19)

 

Dans ce récit de soi, les odeurs, y compris les mauvaises odeurs intenses, se distinguent, également dans « Maison des souvenirs », comme un lieu non conventionnel pour conserver des souvenirs, comme en témoigne également M. Pollak (1998). En eux vivent un circuit de souvenirs qui incite l’auteur-narrateur à s’interroger et à réfléchir, favorisant son (dé)tissage (ré)existence dans la maison du souvenir. Leonor Arfuch (2010) affirme qu’il existe une relation entre la mémoire et les images, qu’elles soient acoustiques, littéraires, photographiques ou olfactives. De telles images ont la capacité de provoquer des zones effacées ou refoulées. Peut-être, pour cette raison, la voix du narrateur raconte-t-elle son passé professionnel à travers des traces et des fragments mémoriels, entourés d’arômes pas toujours désirés et provoquant une répulsion et peu humanisés. Peut-être, pour cette raison, Paulina Chiziane, dans la Préface, rappelle que l’œuvre acquiert une valeur incommensurable pour son thème et pour aborder, avec un peu de fiction, les dures réalités et les drames divers rencontrés dans les Maisons pour personnes âgées, en Italie, partagées, malheureusement, avec différentes parties du monde.

 

[...] Dans cet ouvrage, Amilca Ismaël libère la voix de sa conscience qui remplit, avec toute sa vigueur, le devoir moral de troubler le monde, attirant l’attention sur la déshumanisation de ceux qui ont le malheur de finir leurs jours dans une maison de retraite chez soi, loin de l’amour et de l’affection de la famille, voire des amis (Chiziane, 2010, p. 5).

 

La solitude, l’abandon et le mépris des membres de la famille, l’exclusion, les faiblesses physiques et mentales, l’isolement, la marginalisation et le manque d’interaction sociale sont quelques-uns des maux qui affectent les personnes âgées de cette Assemblée, qui ne comptent et n’attendent, malheureusement, que de l’attention et du zèle des (as) soignants professionnels comme Anjo Negro, Amilca, comme l’appelle la vieille Rita, ainsi mentionnée dans l’ouvrage.

 

Écrire des récits de soi pour Amilca Ismaël, c’est sans doute se réécrire et, en même temps, s’inscrire et circonscrire les autres dans de multiples lieux, discours, imaginaires, rôles sociaux et expériences qui délimitent des pratiques discursives entrecoupées d’affirmations, de déconstructions et de diverses formes d’empowerment. Il s’agit en fait d’une réinvention permanente de soi/de soi. En attendant, elle s’invente des souvenirs comme un dire d’elle-même, avec ses historicités, ses auto-fictionnalisations et, surtout, avec ses vicissitudes et intrigues du présent, du vécu et du futur sans spectaculaires et idéalisations qui éloignent le réel du fictif.

 

Clarisse Machanguana : athlète du sport et de la parole

 

Clarisse Machanguana est née à Maputo, au Mozambique, en 1973. Issu d’une famille de sportifs, elle a commencé très jeune à jouer au basket. Il a rejoint l’équipe nationale de ce sport à l’âge de 15 ans et a représenté le Mozambique, dans ce sport, pendant vingt-cinq ans, jusqu’en 2013.

 

En 1991, il s’installe à Santarém, au Portugal, où il joue au basket et suit également le cours de droit de l’Universidade Lusíadas, à Lisbonne. En 1993, il a déménagé aux États-Unis, où il a continué à jouer au basket-ball et a étudié à l’Université d’Old Dominion, Nortfolk, Virginie, où il s’est spécialisé en justice pénale.

 

En 1997, il signe un contrat avec l’ABL, Professional Basketball League, en Californie, dans la ville de San José, où il vit et pratique ce sport. En 1999, elle signe un contrat avec la WNBA, la plus grande ligue professionnelle féminine de basketball, jouant comme joueuse à Los Angeles, Charlotte et Orlando. En Europe, il a joué en Espagne, à Pampelune et à Barcelone ; en France, à Tarbes et Montpellier : en Italie, à La Spezia, Rome, Naples, Parme, Raguse et Milan. En Asie, il a joué en Corée du Sud, à Séoul. Clarisse a remporté les titres suivants : Championne nationale panafricaine ; Champion de la Ligue portugaise ; et finaliste de la WNBA. En 2016, elle est devenue ambassadrice de l’UNICEF au Mozambique.

 

Après une longue et brillante carrière dédiée au basket, elle crée en 2014 la Fondation Clarisse Machanguana. Il a pour public cible les enfants et les jeunes et la lutte contre la prolifération du sida au Mozambique est l’un de ses principaux objectifs. En outre, il se propose de se consacrer, notamment, aux thèmes de la Santé, de l’Éducation et du Sport, au Mozambique, et de développer le "Projeto Saber Viver", qui vise à faire connaître le traitement du SIDA, permettant une longue et saine ; et contribuer à la lutte contre les préjugés, provoquant la responsabilité des Mozambicains, afin de protéger, principalement, les enfants.

 

« Le livre L’étoile, lumière de mon âme », de son auteur, est tissé de lignes autobiographiques qui ont tissé son existence, justifiant ses projets de vie personnels et collectifs.

 

« L’étoile, lumière de mon âme »

 

En 2013, Clarisse Machanguana a ouvert un autre champ d’action : la littérature, débutant avec le livre « L’étoile, lumière de mon âme », de Texto Editores, à Maputo, comme première étape de sa carrière post-basket, après sa dernière participation à Afrobasket. -2013. Dans l’œuvre littéraire, elle raconte son parcours de vie, passant par son enfance vécue dans le quartier de Marracuene, sa vie de famille, sa formation et sa carrière professionnelle de sportive, nationale et internationale, et son retour au Mozambique. L’auteur-personnage raconte sur un ton autobiographique-réflexif son existence dans une perspective d’auto-fictionnalisation (Olmi, 2006).

 

En tant qu’invention de soi (Kaufmann, 2004), principalement, elle raconte sa trajectoire presque comme une action thérapeutique, dans une certaine mesure, et, en même temps, tisse des constructions discursives sur l’expérience vécue et sur les traits identitaires également dans les magazines et démissions. De plus, le récit a des marques discursives d’auto-écriture, liées à des contextes familiaux, sociaux, culturels, historiques, économiques et même religieux, c’est peut-être pourquoi Clarissa, une Estrela, commence sa mémoire autobiographique en racontant l’histoire de son nom et de la des lieux également non hégémoniques pour garder les souvenirs et les souvenirs entrelacés avec leurs actes d’auto-perception, d’auto-formation et d’auto-interprétation discutés par Foucault (1996).

 

Mon nom aurait dû être Olema

 

Deux souvenirs vivaces de mon enfance ont nourri mon existence, faisant de moi la femme que je suis aujourd’hui. Ils flottaient dans mon âme, comme une feuille dans une tempête, me caressant étrangement malgré le chaos qui m’entourait, m’amenant simultanément à mon centre. Une promenade humaine, sous la forme d’un vase d’argile moulé par deux mains avec des impressions complètement différentes l’une de l’autre, laissant dans mon âme un tatouage intégral, dont j’ai défini le nom comme chéloïde, ami et énigme de la vie. Chaque souvenir, fortement gravé dans mon cœur, me privant parfois de l’air dont j’avais si désespérément besoin, s’imposant dans les moments les plus heureux et, surtout, dans les plus difficiles, me défiant intimement, me préparant à la dynamique intrigante des contradictions et réalités manipulatrices, comme si elles étaient un miroir, un reflet l’une de l’autre.

 

Le souvenir le plus ancien est une vision de moi-même, allongé sur le dos sur la natte, entouré d’une obscurité absolue, alternée par la présence de milliers d’arbres, dont les formes variaient, dans une tentative de s’adapter à un endroit mal éclairé à l’œil nu. [...]

Les étoiles semblaient émaner de la vie, peignant le ciel de chacune de leurs présences lumineuses, me déroutant avec mon comptage persistant, me berçant presque toujours dans un doux sommeil. [...]

Xivindzi, à trois kilomètres du village de Marracuene, était le nom de mon petit paradis. Le lieu imaginaire le plus petit et le plus insolite. Une terre cachée de la civilisation, où il n’y avait qu’une seule école, un seul hôpital, un bazar et une seule boulangerie dans un rayon de vingt kilomètres. [...] (Machanguana, 2001, p. 5-6)

 

Les souvenirs de L’Etoile voyagent à travers différents territoires, certains même un peu insolites et dissonants de ceux précédemment établis : l’histoire de son nom, le cœur, le silence, l’environnement naturel, Xivindzi, son petit paradis, la natte, les Amériques, l’Europe, la maison de sa grand-mère, entre autres. Avec un ton empreint de lyrisme et d’imaginaire, elle se raconte, mettant en avant ses pérégrinations locales, depuis l’enfance, nationales et internationales en tant que sportive.

 

Un ton persuasif circule dans son écriture autobiographique, dans la mesure où il y a une volonté explicite de convaincre les lecteurs, notamment les jeunes, que leur parcours est une référence pour les autres, en ce qui concerne l’autodétermination et les modes de (ré)existence, en face aux opportunités, aux conquêtes, aux adversités et aux idiosyncrasies de leurs propres choix et dans la poursuite de leurs objectifs.

 

Dans cette perspective, l’Étoile, présente dans le titre, peut symboliser son histoire, et non sa personne, comme possibilité d’inspiration et d’orientation, renforçant, dans le livre, le contenu pédagogique. Sous ce tapis roulant, on peut encore voir dans « L’étoile, lumière de mon âme » une exposition presque exacerbée de la foi chrétienne et des expériences religieuses du moi référentiel.

 

L’ouvrage mérite d’être souligné car il permet de connaître  L’étoile, l’histoire de la célèbre Clarisse Machanguana, racontée par elle-même, faisant d’elle une sportive autobiographique, dans laquelle émergent ses processus de formation, mobilisés par le sport, par les contingences locales, nationales et internationales. , mais aussi au-delà des terrains de basket, pour l’histoire, la géopolitique et, surtout, pour les réalités socioculturelles et économiques de votre pays.

 

Écrire sur soi est pour l’auteur-narrateur-sportif de la parole d’elle-même un exercice d’entrelacement de mémoires et de mémoires qui s’entrecroisent avec ses vécus, la construction dialectique de ses identités affirmées, voire négociées et contestées au sein des rapports sociaux. À partir de ces jeux articulés, elle crée ses souvenirs, montrant, comme cela lui est propre, selon Pollak (1989), ce dont elle veut qu’on se souvienne, comme les faits et expériences pertinents et gardant pour elle ce qu’elle veut qu’on oublie.

 

Eliana Alves Cruz

 

Eliana Alves S. Cruz est née à Rio de Janeiro, est journaliste, travaille professionnellement en tant que chef du service de presse de la Confédération brésilienne des sports nautiques. Il est également vice-président du comité des médias de la Fédération Internationale de Natation - FINA. Elle a participé à trois Jeux olympiques, vingt championnats du monde et de nombreux événements nationaux de sports nautiques. Il est dédié à la construction et à la visibilité de l’histoire de la présence noire dans le sport et des femmes noires brésiliennes dans divers domaines d’activité.

 

Elle émerge comme écrivain lorsqu’elle inaugure son écriture de fiction avec le roman « Eau de barrela », fruit de cinq années de recherche sur l’histoire de sa famille depuis l’époque de l’esclavage. En 2015, le livre a remporté la première place du prix Oliveira Silveira, un concours promu par la Fondation culturelle Palmares, qui l’a publié en 2016. et, en 2017, il a publié 2 nouvelles pour la 40e édition de ces Cadernos.

 

L’auteur a publié le roman « O crime do cais do Valongo », en 2018, par la maison d’édition Malê, avec les caractéristiques d’un récit historique, social et policier, engagé dans la mémoire sociale et la culture noire brésilienne, territorialisée entre le Mozambique et Rio de Janeiro, en Le Brésil, motivé par les découvertes d’objets trouvés lors de fouilles récentes sur le Cais do Valongo, où, entre 1811 et 1831, de nombreux esclaves sont arrivés au Brésil. En 2019, il fait ses débuts dans la littérature jeunesse avec l’ouvrage A copa frondosa da Árvore, publié par Nandyala. En 2020, il publie « Nada digo de ti », que em ti não vez, aux éditions Pallas et, en 2022, il publie le roman Solitário, également aux éditions Malê.

 

« Eau de barrela »

 

Ce roman se déroule dans 3 siècles d’histoire familiale de l’auteur. Cela, en soi, justifie le choix d’aborder ce texte, tant la vraisemblance et les denses fils autobiographiques apparaissent prédominants dans ce récit. L’auteur raconte d’elle-même des lignes entrelacées de l’histoire brésilienne, à l’époque coloniale, en particulier l’histoire des Brésiliens noirs avant et après l’abolition de l’esclavage avec des récits de sa famille biologique.

 

Le titre de l’œuvre découle de la pratique du lavage des vêtements, au bord de la rivière, dans des citernes et ou dans des puits par des femmes noires, asservies et exploitées, initialement, puis libérées, mais aussi pauvres et dépourvues des conditions minimales de subsistance d’elles-mêmes. et leurs enfants, à différentes époques et générations. « Barrela » est donc un lieu et, en même temps, l’état dans lequel se trouvent les femmes noires « blanchisseuses de gain ».

 

« Eau de barrela » raconte l’histoire de la famille de l’auteur, originaire du continent africain, qui se déroule dans d’autres tout au long de l’intrigue. L’auto-narration est intrinsèquement liée au récit de sa « précédence », c’est-à-dire des personnes (membres de la famille) qui l’ont précédée. Cette caractéristique rend son récit plus convaincant, puisqu’elle ne se présente explicitement comme narratrice et personnage que dans la dernière partie du livre, dans À propos de comment ce livre est arrivé.

 

Tante Anolina, tante Nunu, qui est aussi un personnage de cette histoire, a toujours été un mystère pour moi. Enfant, je regardais ma grand-tante paternelle avec un mélange de curiosité et de peur. Peur d’entendre des affaires de la phase où elle était "folle" [...]

Quels étaient les liens qui unissaient ma famille à cette branche de la famille Tosta ? J’ai grandi en écoutant les vieilles femmes, mon père et mes tantes parler d’Astrée, Mary, Dr. Adolpho, Dona Maricotta... J’ai demandé à Damiana et Celina, mais elles ont "glissé", elles ont répondu partiellement et avec des évasions. Ils ont fini par partir en pensant emporter avec eux leurs nombreux secrets, mais grâce aux informations de Nunu, ses quelques rapports disaient presque tout. [...]

Maintenant, après cinq ans, je pense qu’il est temps de la laisser dans son monde et avec ses proches. Je ne pose plus de questions ni ne lui demande de révéler des souvenirs, bien que lorsque je suis assis à côté d’elle, elle me rappelle toujours qui je suis vraiment. (Cruz, 2018, p. 307-309)

 

Le rappel de soi pour l’auteur ne se matérialise que s’il est raconté dans le collectif, il est donc essentiel de reconnaître qui est venu avant. « Je suis parce que nous sommes », assure la philosophie africaine ubuntu, d’origine bantoue. L’existence des autres vous garantit le sens de votre vie. Maurice Halbwachs, dans Mémoire collective (1990), rappelle la pertinence de la collectivité dans la construction mémorielle, puisqu’elle expose les intrigues de la vie en société, contribuant à la compréhension de soi au sein du jeu des relations sociales. Ainsi, dans l’œuvre, l’écriture de soi, entremêlée de faits historiques, de récits familiaux et de fictionnalité, met l’accent non seulement sur ce qui a été vécu par la voix auctoriale, mais aussi sur ce qui a été vécu historiquement par ses ancêtres.

 

C’est un roman de coutumes dont le récit est rétrospectif, mémorialiste et situé, qui signale les aspirations de l’auteur à un tissu d’elle-même qui se confond avec les traces historiques et dans le cadre d’une reconstitution historique de sa famille. Il faut se raconter, tisser et valoriser les parcours de sa famille et revisiter l’histoire. Les flux mémoriels s’inscrivent dans le temps présent et passé, ce qui assure une écriture littéraire mémorialiste et justifie, par exemple, la description initiale de l’aînée de la famille, Tia Nunu, lorsque la famille fête ses 96 ans, le personnage qui vit presque une siècle de beaucoup de luttes, de pertes, de joies et de peines.

 

La saga est racontée par de nombreuses voix, en particulier la voix de la narratrice presque centenaire, tante Nunu. Le contact de l’auteur avec cette tante favorise la connaissance de soi et le souvenir de ce qu’elle était devenue. Toutes les voix tissent dans l’œuvre les fils biographiques et généalogiques de la famille de l’auteur et, par conséquent, leurs lignes autobiographiques.

 

L’ouvrage s’organise en deux temps : dans le premier, intitulé « Marta et Adonis », il y a les première, deuxième et troisième parties ; et, dans le deuxième moment, « Damiana et João Paulo » et a une marque temporelle linéaire, entremêlant personnages et événements historiques, récits mémoriaux, époques et générations. Il y a une présence récurrente de personnages féminins noirs qui apparaissent comme des ouvrières qui cherchent leur subsistance et celle de la leur, de la Casa Grande, à l’époque de l’entreprise coloniale d’esclavage jusqu’aux rues et aux maisons des employeurs à l’époque dite de la poste. -abolition jusqu’au début du 20e siècle.

 

La critique biographique, pointée par Eneida Souza (2002), et l’exercice cartographique, envisagé par Deleuze ; Guattari (1995) et Santiago (2019), expliquent la récurrence de photographies et même d’un arbre généalogique dans les premières pages de l’ouvrage, ce qui contribue à sa compréhension, tant de générations, de personnages, de labeurs, d’épisodes et d’événements y défilent. Le texte écrit ne suffit pas à « dire sur soi » et les vôtres, il devient alors nécessaire de tisser les mots narratifs avec d’autres signes, références et textes d’imagerie. Sa force narrative est précisément ancrée dans cette multiplicité et cet entrelacement, puisque tout est décrit et caractérisé sans précipitation, sans brièveté et avec une richesse de détails, ce qui garantit vigueur, densité et, en même temps, troubles et provocations au lecteurs.

 

En tant que roman historico-mémorialiste, dans « Eau de barrela », sont racontés des épisodes de traite et d’enlèvement d’Africains vers le Brésil, sous le joug de la colonisation et de l’esclavage, et d’hommes et de femmes noirs du début du XXe siècle, ancêtres des voix du narrateur. Les thèmes de l’esclavage, de l’abolition et de la post-abolition sont présents dans le récit dans un contexte d’écriture, où la liberté des esclaves et leurs modes de résistance sont encore discutés. De cette façon, le récit tisse des événements historiques qui se sont produits avant et après l’abolition avec plusieurs brins d’histoires d’Africains et de leurs descendants au Brésil, qui s’entremêlent avec des histoires de l’auteur et des membres de sa famille. Alors avec cette tresse, elle forge des tissus autobiographiques et (re)raconte ((re)construit et fictionnalise) les histoires et souvenirs de sa famille de l’Afrique au Brésil.

 

Eunice Matavele : narratrice d’elle-même entre public et privé

 

Eunice Matavele est née le 3 septembre 1977 à Maputo, au Mozambique. Elle est titulaire d’un diplôme en sociologie et d’un master en santé publique de l’Université Eduardo Mondlane, où elle a soutenu la thèse "Le rôle des médias dans la construction des perceptions et pratiques sociales sur le paludisme".

 

Elle est présentatrice sur Televisão de Moçambique (TVM), le radiodiffuseur public du pays, où elle est rédactrice en chef et présentatrice de l’émission « Defesa da Vida » et sur la prévention et la lutte contre le VIH-SIDA. Il possède une vaste expérience de la télévision, initialement acquise chez Rádio e Televisão Miramar, actuellement Record Moçambique. Il est également journaliste et membre de "l’Association des Médecins écrivains et Artistes du Mozambique". Il développe des travaux dans le domaine de la sociologie, avec un accent sur la santé et intègre des équipes de recherche dans plusieurs ONG qui travaillent dans le domaine de la santé.

 

Il a remporté le prix de la communication pour la santé du Malaria Consortium et a reçu une mention honorable du Réseau africain des journalistes et chercheurs sur le paludisme, basé au Ghana.

 

« Bribes d’une vie »

 

Eunice Matavele est née le 3 septembre 1977 à Maputo, au Mozambique. Elle est titulaire d’un diplôme en sociologie et d’un master en santé publique de l’Université Eduardo Mondlane, où elle a soutenu la thèse "Le rôle des médias dans la construction des perceptions et pratiques sociales sur le paludisme".

 

Elle est présentatrice sur Televisão de Moçambique (TVM), le radiodiffuseur public du pays, où elle est rédactrice en chef et présentatrice de l’émission Defesa da Vida, et sur la prévention et la lutte contre le VIH-sida. Il possède une vaste expérience de la télévision, initialement acquise chez Rádio e Televisão Miramar, actuellement Record Moçambique. Il est également journaliste et membre de "l’Association des Médecins Ecrivains et Artistes du Mozambique". Il développe des travaux dans le domaine de la sociologie, avec un accent sur la santé et intègre des équipes de recherche dans plusieurs ONG qui travaillent dans le domaine de la santé.

 

Il a publié, en 2013, à Maputo, Retalhos de uma vida, par l’Association des écrivains mozambicains (AEMO). Le livre a des préfaces de deux écrivains mozambicains : le premier, Mia Couto, et le second, Juvenal Bucuane. En plus de ces présentations, il y a une postface d’Elísio Macamo.

 

L’auteur raconte, en détail, comme une pratique cartographique (Deleuze ; Guattari, 1995 ; Santiago, 2019), des moments et expériences vécus en tant que présentatrice de l’émission TVM « Defesa da vida », centrée sur la prévention et la lutte contre le VIH-SIDA SIDA. Le récit magnifie, car il extrapole les particularités d’un programme interactif et l’intérêt social et communautaire. Dans cette dimension, les rapports sur les voyages à travers l’intérieur du Mozambique pour tenir des réunions avec des personnes et des groupes sur des sujets et des intérêts du programme et des intersections entre leur vie publique et privée se distinguent.

 

De sa performance et de son engagement aux fins de son travail professionnel et de son dévouement à la lutte et à la prévention du VIH-SIDA, dérive le thème du livre, ainsi que les problèmes dans les relations familiales et la rumeur selon laquelle elle est séropositive. Une telle erreur, associée aux interventions d’autres personnages dans les scènes, sonne, à travers tant de drame, presque comme une vérité indéniable, en plus de nourrir les récits de l’auteur-protagoniste.

 

L’ouvrage, qui se veut autobiographique, rassemble des récits sur un même thème (VIH-SIDA), réitérant avec insistance les toiles complexes qui le constituent en tant que professionnel de la communication, avec une écoute, des regards et des repères sensibles à la douleur et aux drames de ceux victimes de ce virus dans votre pays.

 

Le privilège de présenter un programme de lutte contre le SIDA a permis de tirer toutes ces leçons. Surtout, j’ai appris à mieux me prévenir de la maladie. Je suis devenue plus consciente des risques d’infection par le VIH qui entourent la vie de femmes vaniteuses comme moi.

 

Nous fréquentons les salons de coiffure, les instituts de beauté et les cliniques esthétiques. Nous utilisons des aiguilles, des pinces, des limes, des coupe-ongles, des lames et d’autres instruments qui peuvent ne pas avoir été stérilisés ou désinfectés. La première fois que j’ai pris conscience de tous ces risques, j’ai décidé de tout faire pour ne pas être infecté par le VIH. J’ai acheté mon propre kit de manucure et pédicure [...] (Matavele, 2013, p. 145)

 

Sans souci de linéarité, de diachronies et de séquentialités, l’auteur-narratrice ne raconte ni ne fictionnalise des fragments de son enfance. Malgré cela, il convient de souligner l’importance du récit-témoignage quant à la réussite de l’exercice professionnel et la prééminence du travail social réalisé par l’auteur.

 

Transits de (ré)existences et récits autobiographiques

 

Il s’agit, dans cette rubrique, de mettre en lumière certains territoires et transits dans lesquels se réfugient les mémoires des auteurs mis en lumière dans ce texte, et certains de leurs processus de mobilisation de leurs (ré)existences. Pour y penser, il semble opportun d’appréhender les souvenirs comme des constructions mouvantes et palpitantes, c’est-à-dire comme des traces du passé qui mobilisent dans le présent des parcelles pertinentes de sentiments, de charmes, d’expériences, ainsi que le doux, l’amertume de vie et histoire et des désirs de (ré)existence des écritures de soi mises en évidence dans ce texte.

 

L’auteure-narratrice de « Maison des souvenirs », n’hésite pas à décrire en détail la maison pour personnes âgées où elle a travaillé en Italie, établissant des approximations avec ses expériences et, principalement, avec ses souvenirs d’être vieille au Mozambique et dans ce place.

 

[...] Un très bel endroit, du moins compte tenu de son aspect extérieur : en entrant par le proton principal s’étendait une vaste pelouse et de nombreux rosiers fleuris, un grand nombre de grenadiers, des plants de sauge maningue et, ici et là, des parterres de lauriers.

Au fond, il y avait une sorte de perroquet avec des tables et des bancs où une quarantaine de personnes pouvaient confortablement s’asseoir ; et des toboggans et des balançoires pour les enfants : quelque chose d’inhabituel dans une maison de retraite.

À l’entrée, au début d’un long couloir, il y avait une belle fontaine, à gauche se trouvait la chapelle où se célébrait la messe le samedi après-midi. Également à gauche, à côté de la porte coulissante, se trouvait la réception avec un personnel prêt à donner toute information concernant le séjour. Plus loin se trouvaient le bureau des animateurs, la garderie, la cuisine et la buanderie. À droite, la salle de sport, la « Blue Room », la salle à manger, les machines à café [...]

Lorsque je suis entré dans ce lieu luxueux, j’ai pensé à la chance que toutes les personnes âgées en Italie avaient d’avoir un si bel endroit où elles pouvaient vivre : un endroit où, au moins, elles étaient récompensées pour leurs efforts de tant d’années de travail, leur sacrifices et privations.

Ce n’était certainement pas le monde auquel j’étais habitué. Il m’a semblé vivre dans un univers parallèle à celui des personnes âgées en Afrique et plus particulièrement au Mozambique, le pays où je suis né et où j’ai grandi. Sur ce continent, la première impression est l’abandon : on voit les nombreux vieux dans les rues, dans les champs ou faire la queue pour acheter du pain ou se faire soigner [...]

Pendant un moment, j’ai essayé d’imaginer ce que penserait un vieil Africain s’il entrait dans une telle maison [...] Et que dirait un vieil Italien vivant dans une maison s’il devenait soudainement un vieil Africain qui doit tout faire lui-même ?

Même si leurs mondes sont si différents, les deux sont coupables d’être vieux. (Amilca, 2010, p. 15-18)

 

De tels souvenirs sont porteurs de souvenirs intenses tissés d’expériences, de fils d’histoires et de lignes socioculturelles, politiques et économiques qui permettent à la narratrice d’amender ce dont elle veut se souvenir et de dénouer ce qu’elle veut oublier. Éloignées des lieux marqués par la fixité et l’hégémonie, leur description réside et voyage dans des espaces géographiques et des dimensions humaines matérielles et immatérielles, c’est-à-dire dans leurs héritages culturels, qui marchent également dans le récit comme des éléments qui émeuvent les souvenirs, remémorés et oubliés, et motivent l’invention de leurs mémoires qui donnent un nouveau sens à leurs (ré)existences.

 

Jacques Le Goff (1996), en abordant la mémoire et ses rapports avec l’histoire, présente les multiples possibilités de sa compréhension et ses modalités : mémoire individuelle/collective ; la mémoire comme récit, identité ; la mémoire comme contenu psychique ; mémoire sociale, mémoire ethnique ; fonctions de l’oralité et de l’écriture dans la construction de la mémoire, entre autres. En plus d’élargir les types de mémoires et leurs conceptions, l’historien redimensionne les espaces de mémoires qui ne sont plus seulement les lieux hégémoniques, comme les mémoriaux, les livres, les parcs, les bibliothèques, les musées et les archives, où, conventionnellement et historiquement, ils conservent si le vécu, les histoires et les événements. Ceux-ci sont considérés, la plupart du temps, comme des espaces de stockage uniques et exclusifs pour les souvenirs et les mémoires.

 

Pour Le Goff (1996), les bâtiments, les rues, les maisons, les places, les jardins, les cimetières, les édifices publics et privés, les milieux naturels, entre autres, sont des lieux efficaces de conservation des histoires et des mémoires, comme l’affirme Pierre Nora (1992) . Ces différents lieux de conservation des histoires personnelles et sociales, certes, favorisent la création de mémoires individuelles et collectives, revendiquée par M. Halbwachs (2006), rendant les sujets immortels et mémorables.

 

La résidence pour personnes âgées décrite par le moi autobiographique est un territoire non hégémonique d’attribution des souvenirs, car situé dans des lieux différents et non légitimes, comme le soulignent Le Goff et Nora. Il n’apparaît pas seulement comme un abri ; au contraire, elle se présente comme une maison de mémoires, et aussi de création et de contestation de mémoires, car les lieux de mémoires ne sont pas seulement des documents, mais aussi des espaces matériels et immatériels, individuels, familiaux et communautaires, dans lesquels le soi et le nous nous croisons. En ce sens, il est pertinent d’appréhender les souvenirs non seulement comme un produit personnel, mais comme un héritage à caractère familial, collectif et social, auquel se réfère Ecléa Bosi (1994), puisqu’ils sont composés d’événements, d’espaces différents, de sentiments, des symbologies, des personnages, des personnes et des imaginaires qui transitent entre le passé et le présent et entre l’individuel et le collectif. À travers et avec les mémoires individuelles et collectives, on peut donc remonter le passé, le revivre, le réinventer et, en même temps, le rendre présent pour la collectivité.

 

Ainsi, penser les souvenirs d’Amilca devient nécessaire pour les appréhender comme des modes d’auto-constitution, comme fils, peluches et chutes de souvenirs sont cousus ensemble. Ils recréent des parcelles de souvenirs dont ils veulent se souvenir et défont des lambeaux de dires sur eux-mêmes et sur les personnes âgées et différencient l’état et les conditions de vie des sujets (les personnes âgées) qui composent leurs auto-récits. ses trajectoires et souvenirs et les fictionnalise, les comprenant comme un dire d’elle-même au milieu d’expériences et de son existence et d’autres dires sur elle-même et les personnes âgées ses souvenirs sont institués comme des inventions différenciatrices de (ré)existences.

 

Dans « L’étoile, lumière de mon âme » fait défiler un moi autoréférentiel qui circule dans divers espaces et crée les inventions du tissage lui-même, en vue de mobiliser les sens de son existence et, en même temps, de forger des modes de (ré)existence , c’est-à-dire donner de nouvelles directions et significations à votre parcours de vie en tant qu’athlète.

 

Le premier impact des États-Unis d’Amérique ? Certainement tout ce que j’avais espéré que ce serait, et plus encore. Contrairement aux expériences précédentes, au Mozambique et au Portugal, le monde du sport américain était sans doute le scénario de travail le plus parfait qu’un athlète, avide de succès, pouvait trouver [...] (Machanguana, 2001, p. 57)

 

Cette multiplicité des lieux, évoquée par L’Etoile, dans ses mémoires, est associée aux différents champs de la mémoire : psychologique ; sociologique ; historique ; personnel et autoréférentiel, signalé par Alba Olmi (2006). Ainsi, dans leurs récits, plusieurs expériences dénotent les chemins qu’ils ont empruntés pour atteindre leurs objectifs professionnels et, par conséquent, ceux liés à leurs perspectives et rebondissements de (ré)existences. Pour cela, il s’approprie les différents espaces et terrains à travers lesquels il a tissé sa vie. Cela a du sens de parler de soi tant que cela favorise la re-signification de ses traversées et la motivation de ceux qui les connaissent.

 

Sous ce tapis roulant, ses mémoires autobiographiques sont activées avec des implications sociales et collectives, puisque, selon Olmi (2006), elles sont élaborées avec des représentations et des constructions de vies privées et communautaires, en ajoutant la littérature autofictionnelle (autobiographie), qui s’érige en l’autofiction et une forme de constitution du sujet en relation, et non isolé du monde. Le moi et le monde vont de pair et se touchent, assure Lima (1986, p. 255), étant donné que l’écriture de soi réagit au monde et agit comme la façon dont le monde vit soi-même. Ainsi, non seulement le récit de soi visite ou réinvente le vécu et re-signifie le passé personnel ou historique, mais il raconte également des constructions de soi différents et élabore des significations sur le présent individuel et collectif. Il permet même d’attribuer des significations à des histoires personnelles et sociales et à des intrigues de l’ici et maintenant. C’est sans doute pourquoi nous sommes d’accord avec Olmi (2006, p. 36) : « Ce qui est en jeu, donc, ce n’est pas seulement la compréhension du passé, mais surtout l’interprétation du présent et la manière dont notre vie personnelle l’expérience s’insère dans l’histoire de la collectivité à laquelle nous appartenons ».

 

La voix auteur-narrateur-personnage de « Bribes d’une vie », dans "Mon mariage", fait référence à l’une de ses étincelles de vie, lorsqu’elle relate un cauchemar dont elle a été affligée, impliquant son mari, dans des moments peu conciliants entre époux et la vie professionnelle et les défis des directives journalistiques émergentes et d’urgence liées aux dangers et aux vulnérabilités découlant du virus du VIH-SIDA. Les intersubjectivités, les contextes socioculturels et les drames qui ne se limitent pas à la sphère de soi sont couplés à leur narration d’eux-mêmes. Au contraire, il s’étend à tant de « nous » et d’autres.

 

[...] Eunice, je sais que tu es allée à l’hôpital il y a quelque temps. Tu es séropositif et tu ne m’as rien dit. Tout le monde sait. Seulement je ne savais pas. Dieu merci, j’ai fait le test et il était négatif. Je suis blessé avec toi. Est-ce ainsi que vous voulez construire notre maison ? [...]

Malgré le sentiment d’avoir été trahi et lésé, je me suis abstenu. Il y a des mots qui laissent des traces désastreuses sur le partenaire. Je viens d’écouter. Mon compagnon a été surpris par ma sérénité. Il me regarda profondément et demanda :

Avez-vous quelque chose à dire ?

Alors que je choisissais les bons mots pour répondre à cette question, le réveil sonna au-dessus de ma tête de lit, me faisant me réveiller en sursaut. J’ai remercié Dieu que toute l’affaire avec mon mari n’ait été rien de plus qu’un triste cauchemar, à ma honte, aussi longtemps qu’une éternité en enfer. (Matavele, 2013, p. 142-143)

 

Son sommeil, ou plutôt son cauchemar, recèle aussi des « patchwork » de sa vie qui aboutissent au quotidien de sa relation conjugale et de son engagement social de sensibilisation, d’information et d’attention aux personnes. De ce point de vue, leurs mémoires se construisent en s’appuyant non seulement sur les faits, mais aussi sur ce qui est supposé vécu, rêvé, submergé inconsciemment, par les significations attribuées aux territoires, aux expériences personnelles et collectives, y compris ce qu’ils choisissent de fictionnaliser, de remémorer et oublier (Pollak). , 1989). Ils garantissent, apparemment, de présenter ce qui a déjà été vécu, impossible à revivre, mais capable de recréation et de remémoration et de reconstruire ce qui, poussé par les rêves, les désirs et même les cauchemars, semble vivace et éternel, mais est aussi éphémère et fugace que existant.

 

La voix ubuntu (c’est parce qu’ils le sont) de l’auteur d’Eau de barrela, c’est-à-dire de la narratrice qui se présente dans le collectif familial. D’autres résonnent à travers sa voix. Leur existence et leurs histoires, principalement, n’existent que parce qu’elles font écho aux autres. En fin de récit, elle décrit brièvement comment elle a trouvé ses sources de référence pour tisser les souvenirs de sa famille, puis les siens. Un autre espace de mémoire apparaît comme insolite : le monde de la schizophrénie, puisque la schizophrénie réside en Tia Nunu, l’une des principales voix qui la construit et lui fait écho.

 

[...] J’ai cherché des données sur la schizophrénie, comment ses patients agissaient et ce que cette maladie mentale était si terrifiante pour la plupart des gens. Tante Anolina reçoit un diagnostic de schizophrénie paranoïaque, caractérisée par des délires, des hallucinations, une confusion mentale, entre autres symptômes. J’ai tout de suite compris qu’elle ne me dirait rien de pertinent si je la traitais comme l’une de mes interviewées dans les reportages. Il faudrait être un peu actrice et entrer dans son monde. [...] (Cruz, 2018, p. 308)

 

De l’esclavage à la (post)abolition et du Recôncavo, Cachoeira et ses environs, aux rues et ruelles de Salvador et de son centre historique entourent et nourrissent le récit. Plusieurs voix de narratrice y font écho et contournent de multiples territoires et époques circonscrits par les sources historiques, ainsi que par l’oralité et, surtout, par les « rêveries » précises et sages et les confusions mentales qui vivent dans la schizophrénie de la voix ancestrale d’elle. tante Nunu.

 

Inventer des récits de la famille et d’eux-mêmes, écouter leur antériorité, leur permet de mobiliser un mouvement garantissant que le leur puisse être mémorable et les événements remémorés et/ou oubliés. Pour cela, avec des échos d’histoires et de souvenirs, elle énonce des exploits pas toujours extraordinaires et héroïques, mais qui ont le pouvoir de reconnaître et de dynamiser son ascendance et, en même temps, de construire des figurations d’elle-même (famille) ; faire face à la fugacité du temps ; et resignifient et rendent audibles des voix, peut-être oubliées. Elle y inscrit des actes et des faits ordinaires, tatoués de larmes, d’abandons, de souffrances, de désaffections, de conquêtes, de ré)existences et de joies, apparemment non mis en lumière par l’historiographie officielle, mais si marquants pour l’histoire des Africains et des Noirs-Brésiliens(as), les protagonistes du récit.

 

Une telle pratique oscille entre le moi fictif et le moi référentiel/historique/familial avec des traces et des fragments d’auto-constitution et d’auto-histoires entrelacées par d’autres récits de personnes, de lieux et d’événements. Il montre des aspirations auctoriales à ne pas dire les vérités attribuées à la servitude, à détacher des qualités menaçantes et, en même temps, à tisser des dires et des écrits sur eux-mêmes dans lesquels ils racontent sur eux-mêmes et sur leur famille. Elle présente d’autres possibilités d’inventions, de formations et d’écriture de soi, étant donné qu’elle indique des indices discursifs de (re)connaissance de soi du prétendu soi référentiel et fictionnel et de compréhension des manières dont on peut (re)construire. En ce sens, la considération de Diana Irene Klinger (2007, p. 27) devient pertinente ici, en évoquant l’histoire de l’écriture de soi : « [...] Comme Foucault (2004) le montre, dans l’Antiquité gréco-romaine, la « Je » n’est pas seulement un sujet à écrire, au contraire, l’écriture de soi contribue spécifiquement à la formation de soi [...] ».

 

Considérations finales

 

Les récits autobiographiques présentés ici défilent donc comme une écriture de soi enveloppée de tissus collectifs. Elles se configurent également comme un exercice de mémorialisme dissertationnel (Olmi, 2006), étant donné qu’il ne s’agit pas seulement de se souvenir ou de redire leurs faits, mais aussi de penser le dire de soi et de comprendre le narré et les processus d’organisation, fonctionnement et constitution des mémoires.

 

Se souvenir signifie un long processus d’immersion dans le passé, impliquant l’oubli et/ou la révocation de souvenirs et de souvenirs qui collaborent peu avec les réinventions de soi. De plus, les souvenirs contribuent à des tissages de pratiques discursives qui tissent des récits et des dires et une pensée de soi. Ainsi, inventer des souvenirs est un exercice audacieux d’entrelacs de fils et de peluches, dans le but de tisser et de se raconter et de coudre ensemble fortunes et malheurs, histoires, rêves et expériences, fiction et réalité.

 

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