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Art versus Société : l'art doit changer le monde / Sous la direction d'Hervé Fischer / Vol.18 N.3 2020

Alpiniste ? Est-ce vraiment une profession ? *

Rod Summers

magma@analisiqualitativa.com

Né en 1943 dans le Dorset (Angleterre), a servi de 1960 à 1973 comme médecin dans la Royal Air Force. Il a étudié à l’Académie des Beaux-Arts Jan van Eyck de Maastricht de 1973 à 1977. Actif dans la production collaborative artistique et poétique, artiste sonore, visuel, conceptuel, poète de performance, dramaturge, artiste du courrier et du livre, éditeur, archiviste et conférencier sur l’intermédiation, il vit à Maastricht, aux Pays-Bas.

 

Abstract

Les médias sociaux superficiels, les politiciens méprisables et l’avarice devenus haïssables, désormais en position d’autorité, nous ont conduits à une situation proche du pire cauchemar d’Orwell. L’art et la culture, fondement même de la société, sont désormais considérés comme des inutilités. Je ne suis pas d’accord !

 

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Acting Like the King of Cruel Deeds, infographie avec Adobe et Photoshop, 2004.

Les artistes sont et ont toujours été, un élément essentiel de la société.

 

Leur rôle institutionnel - c’est sans doute un trop grand mot - était à l’origine incontournable : c’est l’artiste de la tribu qui officiait lors de la cérémonie d’initiation et intégration des jeunes dans la société.

 

Il y a eu des artistes avant les prophètes.

Il y a eu des artistes avant les profits.

Il y a eu des artistes avant les scientifiques.

Il y a eu des artistes avant les politiciens.

Il y a eu des artistes avant les sociétés.

 

À l’origine, il n’y avait que deux emplois disponibles pour l’animal humain, chasseur ou artiste. Parfois, voire souvent, les deux activités étaient assumées par la même personne. Les humains devaient manger ; nos ancêtres n’étaient certainement pas végétaliens, et la créativité inventive est dans nos gènes, comme la faim et comme l’instinct de survie lui-même.

 

Qui donc a inventé tous ces métiers résiduels ? L’alpiniste ou le gestionnaire de fonds spéculatifs ? Ces professions sont-elles vraiment utiles à la société ?

 

Alors que l’artiste s’adonnait à surfer sur la crête de la vague Évolutions et tentait d’élever prudemment la culture à son niveau supérieur, la culture s’est glissée hors de la grotte sociale et un profiteur a inventé l’hypothèque.

 

Comment, au nom de Richard Dawkins, l’art a-t-il pu soudainement perdre toute importance en comparaison des autres métiers aux yeux de la société contemporaine ?

 

J’avoue avoir une admiration secrète pour les scientifiques car j’aime à croire qu’au moins certains d’entre eux sont conscients de la dextérité des papillons de nuit, de l’agilité qui leur permet de se faufiler entre les vêtements de ma garde-robe, de pondre leurs œufs qui éclosent pour devenir les larves qui se nourrissent en faisant des trous dans mon T-shirt.

 

Leonardo fût le plus grand de tous

 

Mon premier ancêtre, dont l’identité ignominieuse est irréversiblement mêlée aux sables d’il y a un demi-million d’années, a un jour ramassé une pierre et dit à son compagnon de chasse : « Cette pierre me rappelle les seins de ta sœur ! ». Il découvrit l’art et déclencha la guerre civile au même moment.

 

L’art versus la société ?

 

L’art lance un défi à la société et tout à la fois la flatte. L’art reflète nos idéaux et nous ouvre la voie vers les accomplissements les plus élevés de l’humanité. Il le fait en détournant l’attention de la société de la banalité de ses propres activités, de son avarice sordide, du travail répétitif, engourdissant l’esprit, qu’elle nous impose, étranger à tout art, (il suffit de penser à notre habitat dévergondé, désastreux) ; et en même temps, l’art nous révèle des idéaux supérieurs en attirant notre attention, en nous montrant, en nous faisant découvrir, en exprimant, en nous représentant la beauté inhérente à l’humanité et à son environnement, dans l’espoir, peut-être vain, que la société puisse, au moins, tenter de prendre conscience et de réparer ses faiblesses évidentes pour préserver ce qui est manifestement bon.

 

L’espèce humaine est, sans conteste, un animal défectueux, insouciant au-delà de toute croyance, condamné à être l’instrument de sa propre extinction, tout en... et c’est là l’élément vraiment méchant... entraînant avec lui la plupart des autres créatures de la planète.

 

Des présidents et des généraux ineptes, aux commandes de masses d’instruments de destruction massive, ont montré de manière évidente qu’ils sont totalement incapables de corriger cette tendance dévastatrice. Il s’agit peut-être d’une exagération évidente, mais peut-être, juste peut-être, le véritable art et les véritables artistes pourraient bien détenir la clé du coffre où le salut de la société est stocké en attendant une distribution mondiale.

 

Les vrais artistes sont conscients que la perfection absolue est un mythe universel, mais aussi que cette vérité inéluctable ne signifie pas nécessairement que la société doive persister à se vautrer dans le bourbier de plus en plus sombre qu’elle a elle-même créé, en attendant une fin peu glorieuse inévitable.

 

Ainsi, peut-être que la perfection absolue n’existe pas, mais de nombreux artistes s’en sont approchés de très près ! Pensez à la poésie de Dylan Thomas, à la 3e symphonie de Johannes Brahms, au « Vespertine » de Bjork, aux sculptures de Michel-Ange et de Rodin, aux peintures de dizaines de grands maîtres, aux concepts délicieux et imaginatifs de tant d’artistes contemporains.

 

Les banquiers, les politiciens et les généraux créent des situations de pathos, de peur et de privation extrême que la société doit subir, les artistes visualisent et exposent ces abus dans l’espoir d’un monde plus positif.

 

Dites-moi le nom d’un banquier qui a même mentionné la présence du sublime ? Dites-moi le nom d’un politicien qui a inspiré la totalité de l’humanité à rechercher dans son imagination un idéal supérieur ?

 

Qui d’autre que les artistes ont exposé la société à une beauté exquise ? Dites-moi cela ! L’art n’a pas besoin de la société, mais la société a un besoin absolu, désespéré et essentiel d’art.

 

Sans l’art, la société n’est qu’un âne attaché et braillant, avec la meute de loups du capitalisme trivial lui mâchant le cul.

 

* Traduit de l’anglais par Hervé Fischer.

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