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  • Écritures de soi en souffrance
    Orazio Maria Valastro (sous la direction de)

    M@gm@ vol.8 n.1 Janvier-Avril 2010

    L’ÉCRITURE EN SOUFFRANCE POUR DIRE LA SHOAH



    Aude Delsescaux

    delsescaux2002@yahoo.fr
    Doctorante (troisième année) en Civilisation allemande sur « L’Evolution mémorielle face à la Shoah. La question des mémoriaux en Allemagne et en France depuis 1945», sous la direction du Professeur Angelika Schober. Elle est membre de l’équipe EHIC (Espaces humains et Interactions culturelles) à l’Université de Limoges.

    «L’écriture en souffrance» est une thématique qui touche particulièrement la Mémoire de la Shoah. Les témoins de la catastrophe ont depuis les premières heures de la tyrannie écrient leur calvaire. Aujourd’hui, cette écriture est devenue universelle pour dire le malheur, l’horreur des guerres et des génocides. Les témoignages sont nombreux. Nous pouvons donc nous demander, quelles sont les raisons de cette ferveur de l’écriture? En outre, l’écriture de la souffrance fut-elle un élément libérateur ou aliénateur pour ces témoins? A-t-elle réellement permis que les victimes ne soient pas oubliées? Pour illustrer ce phénomène nous demanderons qui est ce témoin qui écrit sa souffrance, puis nous analyserons une sélection représentative d’ouvrages emblématiques de cette évolution mémorielle face à la Shoah et de cette écriture en souffrance, enfin nous poserons la question de l’appartenance de ces autobiographies à la mémoire collective.

    Il est parfois des événements difficiles à raconter et surtout à entendre. Essayer de dire la Shoah, dire l’indicible n’est pas chose aisée, son souvenir hante les survivants. Les rescapés se sont parfois tus pour se reconstruire, et ceux qui désiraient parler ne trouvèrent pas toujours les oreilles pour les écouter. Pourtant témoigner est aujourd’hui devenu un devoir, un double devoir envers les victimes et envers les nouvelles générations, afin que, comme le disent les témoins, la Shoah ne se renouvelle pas. Qui est alors ce témoin qui a depuis le début souhaité écrire sa souffrance? Selon Carles Torner, le témoin est «celui qui a vu et donne à voir.» [1] Aussi, son rôle est-il primordial dans la transmission du passé. De nombreux rescapés sont aujourd’hui connus dans le monde entier et toute la Shoah est représentée en leur personne. Ils sont les premières preuves de l’existence de la Shoah. C’est pourquoi, l’écriture en souffrance est indispensable dans le cadre de cette Mémoire. La plupart des papiers administratifs et officiels prouvant cette catastrophe furent détruits peu avant la fin de la guerre. La valeur des témoignages n’en est que multipliée.

    D’après les recherches de Giorgio Agamben publiées dans Ce qui reste d’Auschwitz, il faut voir le témoin, celui qui décrit sa souffrance, comme modèle d’une subjectivité qui ne serait que le sujet de sa propre désubjectivation. Le rescapé témoigne, écrit uniquement pour les Musulmans. Le Musulman désigne dans l’argot des camps «l’homme-momie», «le mort vivant», celui qui a cessé de lutter, qui a perdu toute conscience et toute volonté. Ce terme renvoie probablement au sens littéral du terme arabe muslim, signifiant celui qui se soumet sans réserve à la volonté divine [2]. Selon le philosophe français Jean-Luc Nancy, il est «celui qui cesse de lutter et entre dans la zone de la mort de son vivant, celui qui s’abandonne finalement à la volonté du bourreau, cet antisurvivant, a été appelé dans le jargon des camps du nom de ‘musulman’.» [3]

    Dans son livre Si c’est un homme, Primo Lévi nous trace un âpre portrait de ces Musulmans. Tout d’abord, il multiplie les adjectifs pour les qualifier, afin d’être le plus fidèle possible face à l’indescriptible. «Hommes coquilles», «des damnés», «la masse anonyme des non-hommes», «les engloutis», «les naufragés.» sont donc des locutions récurrentes dans son ouvrage pour désigner les Musulmans. Puis il complète son portrait par une définition complète: «[…] des non-hommes en qui l’étincelle divine s’est éteinte, et qui marchent et peinent en silence, trop vides déjà pour souffler vraiment. On hésite à les appeler des vivants: on hésite à appeler mort une mort qu’ils ne craignent pas parce qu’ils sont trop épuisés pour la comprendre.» [4]

    On remarque ici un paradoxe. Musulman signifie «celui qui se soumet sans réserve à la volonté divine», donc celui qui laisse à Dieu la décision finale et cesse de lutter. Or Primo Levi parle de personnes qui ont cessé de croire. En effet, pour les survivants de la Shoah, la réaction des Musulmans face à la mort étaient considérées comme un renoncement, une trahison face à l’humanité et à Dieu. Ainsi, en plus de nous les dépeindre, il nous dévoile «le mépris» qu’éprouvaient envers les Musulmans les anciens, ceux qui voulaient vivre et non survivre: «‘Musulman’: c’est ainsi que les anciens du camp surnommaient, j’ignore pourquoi, les faibles, les inadaptés, ceux qui étaient voués à la sélection.» [5]

    Mais, si ces personnes ont à l’époque perdu toute dignité, elles l’ont peu à peu retrouvée en gagnant le respect de chaque personne qui fait de la Mémoire de la Shoah un devoir. Chaque personne qui a écrit sa souffrance témoigne de la souffrance de ces «Musulmans». L’utilité de l’écriture en souffrance face à la Shoah n’en est qu’accrue.

    C’est pourquoi, selon le psychanalyste Gérard Wacjman, les rescapés n’ont pas seulement à se souvenir de leurs propres expériences, ils doivent aller au-delà. Ils portent également le souvenir des victimes, des Musulmans. Pour G. Agemben, le Musulman est aussi le symbole de l’intémoignable. «Le témoin témoigne en principe pour la vérité et la justice, lesquelles donnent à sa parole leur consistance, leur plénitude.» Or, le témoignage vaut ici essentiellement pour ce qu’il manque, il porte en son cœur cet «intémoignable» qui prive les rescapés de toute autorité. Les témoins aujourd’hui déclarent tous, pour bien faire comprendre qu’ils ne devraient pas être là, que leur destin était normalement ailleurs, avec les autres millions de victimes et qu’ils ne sont que des exceptions: «je ne parle pas pour moi et ni de moi, mais pour les autres et des autres: pour ceux qui n’ont pas pu parler, ce sont elles les vraies victimes.» [6] De même, selon M. B. Morelli, «le rescapé a honte de son récit: il a honte de sa vie. Il lui semble qu’il a volé sa vie à tous ceux qui ne sont pas rentrés, et qu’il profite de leur mort. Car seuls les morts sont les vrais témoins des camps de concentration.» [7]

    Ainsi, les témoins de la Shoah se groupent en trois catégories. Il faut tout d’abord citer les Musulmans qui témoignèrent de l’horreur par leurs déchéances physiques et leurs morts. Puis, viennent les témoins directs, qui ont décrit leur situation au jour le jour, à l’aide d’un journal intime, comme Anne Frank par exemple et qui pour certains d’entre eux sont devenus des Musulmans. Selon les recherches de Régine Robin, spécialiste de la mémoire, «ils sont tous animés par la passion du témoignage, obsédés par ce qu’ils doivent laisser, sachant qu’ils vont tous mourir. Ils dissimuleront leurs chroniques dans des bidons de lait qu’on a enfouis dans le sol de Varsovie […].» [8] Et enfin les rescapés, ces hommes et ces femmes qui ont eu la force et le courage de témoigner et qui durent attendre que ceux qui n’ont pas vécu l’horreur acceptent de les entendre, et cela dans une triple perspective, à savoir pour eux-mêmes et pour les générations futures ainsi qu’en hommage aux victimes.

    En outre, inscrire, témoigner de la catastrophe fait partie des traditions juives. Tout d’abord, il faut rappeler que le peuple juif est le peuple du livre et du témoignage. De ce fait, depuis toujours, le peuple juif se souvient de son périple dans le désert, de sa traversé de la mer rouge et des victimes des Egyptiens. La Pâque juive, par ailleurs, fête cette sortie du désert. Il s’agit de «La Haggadah (littéralement récit). Elle raconte la sortie d’Egypte, événement constitutif du peuple juif dont chacun doit se souvenir quotidiennement.» [9] Le Devoir de se Souvenir, le «Zakhor» fait de la sorte partie intégrante des rites et coutumes juifs. Il signifie «mémoire» ou «trace» et est employé à chaque fois qu’un changement fondamental est introduit dans le rapport entre Dieu et l’homme [10]. Le Juif de la tradition religieuse est ainsi par essence un témoin. Pourtant, il est parfois difficile de témoigner, comme le rappelle cette parabole biblique: «[…] la femme de Loth est transformée en statue de sel pour s’être retournée sur les scènes de la destruction de Sodome.» [11] Pour le témoin, il ne s’agit donc pas seulement de raconter et de se libérer d’un poids, sa parole n’engage pas que lui, sa parole concerne les personnes dont il témoigne et son auditoire.

    C’est pourquoi, selon l’historien Torner, «on doit placer au cœur de cette dynamique le rôle du témoin: celui qui a vu, a touché, a été touché, a souffert, a entendu, a cru entendre, a été blessé, est revenu … Le témoin qui parle transmet, de front avec la mémoire, son être affecté […].» [12] Il nous faut préciser que par «cette dynamique», il entend le Devoir de Mémoire. Cette citation laisse également présager la difficulté de témoigner. Car témoigner c’est revivre un cours instant la souffrance endurée lors de l’événement traumatique et cela de son point de vue et donc de manière non-objective. Ce fait fut expliqué dans l’ouvrage de Joshva Greene et de Shiva Kumar, Témoigner: Paroles de la Shoah, qui ont travaillé sur le rôle du témoin: «C’est le plus triste des héritages de la Shoah, l’incapacité dans laquelle se trouvent ceux qui ont survécu d’échapper à leur mémoire souillée qui continue à hanter leur vie de tous les jours.» [13]

    A la Libération, de nombreux rescapés souhaitèrent parler, raconter, se libérer, mais ils ne trouvèrent que peu d’oreilles pour les écouter et surtout pour les croire. Les rescapés des camps écrivirent leurs expériences dans les camps, dans les cachettes … «Dès les premiers mois qui suivent la libération de Paris, avant même le retour des déportés, paraissent les premiers témoignages sur les camps où furent rassemblés ceux qui allaient être déportés […]» [14] Annette Wieviorka décompte 34 témoignages de déportés en 1945, 37 en 1946 et 7 en 1948. Cette foi en les livres s’explique très simplement d’après l’historienne: «Le témoignage se mue parfois en littérature. Un vrai livre est supposé mieux assurer la transmission. Mais surtout, dans un paysage où la mort est omniprésente, chemine l’idée que l’œuvre, elle, est immortelle, qu’elle seule peut assurer le souvenir, c’est-à-dire l’éternité. C’est dire la confiance mise dans l’écrit et, en dernière analyse, l’irréductible humanité des victimes.» [15]

    Mais cette écriture diminua. Car au contraire de la Première Guerre mondiale qui possédait un public favorable - les millions d’anciens combattants -, ces parutions ne trouvent pas de public. Après la guerre, la population est si choquée par ce qu’elle vient de découvrir, par ce qu’elle a laissé faire à force d’attentisme, qu’elle devient sourde aux récits des rescapés, ne souhaitant pas entendre plus longtemps l’horreur et désireuse d’oublier la guerre et ses crimes. Les survivants, quant à eux, se sont beaucoup tus, certainement avaient-ils honte d’avoir survécu, peut-être pensaient-ils quand se taisant ils allaient pouvoir oublier … ? Il s’agit du «temps du silence»: surtout celui de la surdité embarrassée de la société, selon A. Wieviorka, qui dura du lendemain de la libération au début des années 70.

    L’historienne dans Indicible ou inaudible? parle de «transfert de la surdité du monde sur un prétendu mutisme.» Primo Lévi dans le Devoir de mémoire déclare même que ses «[…] enfants ont toujours refusé d’aborder ce sujet. J’ai deux enfants avec lesquels j’ai toujours eu d’excellents rapports, mais ils n’ont jamais voulu entendre parler de tout cela.» [16] Paul Denis, dit aussi que «refaire sa vie, refaire sa vie en France, c’est accepter le phénomène d’occultation - qui fait partie de l’oubli - des responsabilités françaises dans la déportation des juifs de France. Ainsi l’absence de contestation du mythe d’une France non coupable et résistante permet-elle de transmettre à ses propres enfants l’idée d’une France fraternelle et de s’y intégrer.» [17] C’est pourquoi, Jorge Semprum déclare: «On voulait encore moins écouter les Juifs que les autres. Mais eux-mêmes avaient souvent moins envie de parler, parce qu’ils n’étaient pas des déportés ‘nobles’ comme les résistants.» [18]

    Cette impossibilité à entendre les survivants est lié, selon des psychanalystes comme Régine Waintrater [19] et Paul Denis [20], au fait que le sujet traumatisé devient lui-même traumatisant pour ceux qui partagent avec lui un espace psychique commun. Pour Annette Wieviorka, ce fut un mal pour un bien. Ce silence a permis à de nombreuses personnes, de se reconstruire: «si on avait parlé autant qu’aujourd’hui, auraient-ils pu construire leur vie et avoir des enfants?» [21].

    Une autre raison explique ce refoulement, il s’agit de la honte d’avoir été incarcéré raciaux. Ainsi, après Auschwitz, né aussi un sentiment de honte et de peur d’être Juif. Etre Juif mène aux camps. C’est pourquoi certains Juifs se refusent à être classés dans les «raciaux» mais souhaitent être des «politiques» comme ce fut le cas de Jean-Jacques Bernard: «Je dis à René Blum et à Jacques Ancel qui se trouvèrent alors être les deux dépositaires de mes pensées intimes: il est bien entendu que, si je devais périr dans cette aventure, je serais mort pour la France; je ne veux pas être revendiqué comme victimes par le judaïsme.» [22]

    Après guerre, «les Juifs de France, quant à eux, ne souhaitent pas faire état d’un sort spécifique. Ils préfèrent inscrire leurs morts dans une double litanie: celle des ‘Morts pour la France’.» [23] La rescapé d’Auschwitz, Sarah Goldberg (pourtant résistante), témoigne de cette honte ressentie: «[…] enlevé cette honte. Je comprends maintenant que rien que résister pour vivre, c’est déjà de la résistance. Au début, si j’étais une Juive honteuse, c’est parce que j’étais encore marquée par le camp. Qu’on ne sache pas que j’étais juive, je voulais tout oublier et être comme tout le monde. Mais une fois cette honte partie, je me suis sentie bien dans ma peau en tant que Juive, en tant que Belge et en tant qu’être humain.» [24]

    Même de nombreuses organisations juives ne veulent pas voir à l’époque les victimes juives représentées en tant que telles. L’écriture de soi en souffrance face à la Shoah reprit vers les années 60 en Allemagne et 70 en France, après le procès Eichmann (1961) à Jérusalem. Le consensus de l’oubli a été brisé aux niveaux collectif et individuel notamment grâce à cette écriture. Primo Lévi - qui déclare: «puisque même si il est possible de survivre, nous devons vouloir survivre, pour raconter, pour témoigner.» [25] -, Elie Wiesel, Charlotte Delbo, Simone Veil, Jean Améry devenus «porte-paroles universels de la communauté juive» ont depuis témoigné à de multiples reprises.

    J. Améry, par exemple, Hans Meyer de son vrai nom, écrivain et essayiste autrichien né à Vienne le 31 octobre 1912 et mort à Salzbourg le 17 octobre 1978. Déporté en 1943 à Auschwitz, publie Par delà le crime et le châtiment. Essai pour surmonter l’insurmontable (1966). D’après Olivier Guez, «son talent était prodigieux, son style cristallin et ses œuvres eurent un impact immense dans l’Allemagne des années 1960.» [26] Il dira de ce mal que fut Auschwitz, qu’il est «singulier et irréductible dans la totalité de sa logique interne et sa rationalité maudite.» On note ici une contradiction chère à notre siècle: une part de lui-même regrettait qu’Auschwitz n’ait pas immunisé le monde contre les dictateurs et les tortionnaires; tandis qu’une autre part tentait de penser la singularité absolue de l’entreprise génocidaire.

    Primo Levi, dans son ouvrage La Vita offesa et d’autres écrits, dévoile la difficulté d’écrire dans les camps: «J’avais un cahier, mais ces notes ne représentaient pas plus de vingt lignes. J’avais trop peur, c’était trop dangereux d’écrire. Le fait même d’écrire était suspect. Donc c’était l’envie de prendre des notes, ayant sous la main le crayon et le papier; c’était le désir, l’envie e transmettre à ma mère, à ma sœur, aux miens, cette expérience inhumaine que j’étais en train de vivre. Mais ce n’était pas des notes. De toute façon, je savais que je ne pourrais pas les conserver. Ce n’était pas matériellement possible. Où les conserver? Dans quel récipient…dans une poche? Nous n’avions rien, les lits étaient sans cesse changés, les habits aussi étaient changés. Il n’y avait pas moyen de conserver quoi que ce soit, sinon dans la mémoire.» [27]

    Le Dernier des Justes d’André Schwarz-Bart qui obtient le prix Goncourt en 1959 peut être également classé dans «l’écriture en souffrance pour dire la Shoah». Cet ouvrage eut notamment un certain impact, notamment sur les intellectuels. Considéré comme le premier ouvrage sur le Devoir de Mémoire, ce livre raconte l’épopée de la souffrance juive à travers la famille Lévy, depuis le 11 mars 1185 de l’holocauste des Juifs d’York jusqu’à ce jour de 1943 où Ernie Lévy entra à Drancy.

    Francine Kaufmann, professeur à l’Université Bar-Ilan en Israël a étudié la réception de ce livre. Selon ses recherches, «[l]e dernier des Justes s’impose presque en même temps que le succès mondial sans précédent du roman américain de Léon Unis, Exodus, aussitôt adapté au cinéma par Otto Preminger (1960).» [28]

    Les héros d’Exodus, rescapés de la Shoah, se battent et construisent un Etat. Or Schwarz-Bart impose dès 1959 un point de vue qui ne sera largement admis que dans les années 80. Il ne met pas l’accent sur un fait de résistance, son héros est un Juif qui a subi la Shoah. [29] Or, à cette époque, que cela soit en France ou en Israël, la Mémoire est dominée par la Résistance. L’auteur s’en explique ainsi: «Je n’ai pas cherché (mon) héros parmi les révoltés du ghetto de Varsovie, ni parmi les résistants qui furent, eux aussi la terrible exception. Je l’ai préféré désarmé du cœur, se gardant naïf devant le mal, et tel que furent nos lointains ascendants.» [30]

    D’après Francine Kaufmann «[…] on peut supposer qu’ils étaient sans doute mus par la crainte de voir Le Dernier des Justes imposer une image tronquée du judaïsme allant précisément dans le sens des mythes chrétiens sur les Juifs (martyrs parce que maudits?)». C’est pourquoi dans son article la critique précise que «[…] le roman arrive soit trop tard (puisqu’il adopte le point de vue rétrospectif du judaïsme européen d’avant la Shoah) soit trop tôt (puisqu’il valorise la civilisation diasporique à l’heure où cette attitude n’est pas encore de mise).» [31] Aussi, les sionistes et les anciens combattants critiquèrent-ils le roman qui ne comporte aucuns résistants. D’autant plus que l’auteur fit le choix de la réaction de ces dits «moutons» [32]. «Et ceux là mêmes qui avaient eu vent de la «solution finale» ne se fiaient pas à leurs sens, à leur mémoire, à leur raison alertée. Une voix intérieure les rassurait, qui démontrait que toutes ces choses n’étaient pas, qu’elles ne pouvaient être, qu’elles ne seraient jamais tant que les nazis garderaient face humaine. Mais quand cette voix se taisait, ils sombraient dans le refuge de la folie ou s’élançaient d’un sixième sur une certaine plaque de ciment qui devint tristement célèbre au camp. Cependant ils se taisaient jusqu’au bout, sautant la bouche close sur leur terrible secret; et l’eussent-ils révélé que nul n’y aurait pu accorder foi, car l’âme est esclave de la vie.» [33]

    Mais comment expliquer alors son succès? Si cette Période de 1945 à 1970 tait une partie de la Shoah et notamment la collaboration française (on se souvient du film d’Alain Resnais, Nuit et brouillard de 1956 qui dut effacer de ses images des gendarmes français gardiens des camps de transit), le judaïsme est, selon F. Kaufmann, «à la mode» et l’on commence à publier des livres concernant la spiritualité juive, la Kabbale, l’histoire du peuple juif et de l’antisémitisme [34]. C’est pourquoi les critiques du livre de l’époque sont élogieuses: «Un livre bouleversant - on n’a guère envie d’en dire plus, tant on craint de déformer le sens de ce roman. Car il ne fallait pas seulement du talent à André Schwarz-Bart pour évoquer la chronique des «Justes», cette longue dynastie de Juifs chargée de toutes les souffrances, et pour conter l’histoire du dernier d’entre eux, Ernie Lévy, mort en 1943, à 22 ans, dans la chambre à gaz d’un camp allemand […].

    Le nazisme … Ernie sait maintenant ce que les siens ne savent pas, eux qui sont encore innocents. A grand effort, il décide de haïr et de combattre. Un nouveau pogrom le fait émigrer en France avec sa famille, la guerre venue, il s’engage dans l’armée; après la défaite, il erre, il se cache, toute sa famille est déportée; il «devient chien», il insulte ce Dieu dont l’absence rend absurde la foi et inutile la souffrance et vaine la mystique des Justes. […] Dans le train où agonisent les déportés, il ne cesse de réconforter les enfants en leur parlant du royaume d’Israël où ils vont arriver, et où règne la joie éternelle, mais à une femme qui lui reproche ce conte, avec tout à la fois de la haine et de l’espoir, il répond: «Il n’ya pas ici de place pour la vérité.» Il meurt avec Golda, dans la chambre gaz, en lui jurant qu’ils vont se retrouver, tandis que déferle puis expire le vieux cantique chanté par ses compagnons: «Schema Israël Adonaï Elohenou …» [35]

    Cette sympathie pour les œuvres empreintes de culture juive est également visible dans la déclaration du général de Gaulle, recevant Ben-Gourion à Paris en 1961, célébrant «Israël notre ami, notre allié», ou la publication d’ouvrages comme Les Vaisseaux brûlés (1957) d’Arnold Mandel, Q’une larme dans l’océan (1952) de Manés Speber ou La Nuit d’Elie Wiesel (1958). De même, de nombreux membres de la communauté juive française affirment son soutien à l’auteur. «Parallèlement des personnalités juives de premier plan, notamment le grand rabbin de France (Jacob Kaplan), Edmond Fleg, André et Renée Neher, la Revue néo-orthodoxe Trait d’Union affirment l’authenticité du roman et sa conformité avec la tradition et l’histoire juive. Et outre les polémiques un fait est certain, Le Dernier des Justes révèle en France les réalités de la Shoah à une génération privée de Mémoire.

    Dans un autre genre, mais tout aussi important pour l’évolution mémorielle face à la Shoah, il nous faut encore citer l’œuvre d’Art Spiegelmann, dédié et sur son père, survivant de la Shoah. Dans Maus les Juifs sont des souris, les Nazis sont des chats, les Polonais sont des cochons. Tout au long de son récit, Art se représente aux côtés de son père, Vladek. Les premières pages sont dessinées en 1972. La première publication de Prisonnier sur la planète Enfer, album précurseur de Maus, a eu lieu dans le n°1 de Short Order Comix en 1973, comme le Tome I de Maus, le Tome II date de 1986. La traduction française du tome I parait en 1987 et le tome II en 1992. [36]

    Maus c’est «l’histoire de celui qui survit au survivant». Art semble ressentir une honte, mais une honte difficile à définir, une honte plurielle. Est-ce une honte face à ce frère mort dans les camps, honte d’avoir survécu ou d’avoir eu à vivre avec un survivant? Il pose ainsi, en BD, la question difficile du poids du passé pour les enfants des victimes. Dans un article, il se présente de la façon suivante: «Ma famille a été protégée de la Shoa par la mer Méditerranée mais nous n’en sommes pas moins devenus, un temps des Juifs errants. Mes parents, mon frère, ma sœur et moi-même avons quitté l’Algérie fin 1961, […] puis sommes allés nous installer en France, où mes parents ont fini leur vie. L’ironie de l’histoire c’est que nous nous sommes installés à Pithiviers, où entre 1942 et 1944, un camp de transit servit à parquer des hommes, femmes et enfants juifs voués à l’extermination. Il a fallu longtemps avant que mes parents ne l’apprennent; il a fallu encore plus avant que cela ne devienne un fait historique reconnu, au début des années 90, grâce à une poignée d’associations. Le silence de plomb, peut être coupable, qui régnait sur la ville m’a permis, pendant mon enfance, de ne pas souffrir de l’antisémitisme. Ca n’a pas empêché, mon père d’en souffrir.» [37]

    Les dessins sont simples, noir et blanc, il y a beaucoup de dialogues, de «bulles». Le langage, l’humour et la composition de l’ouvrage créent une distance afin de supporter l’horreur: «Toujours on me disait qu’à Rudolf Valentino je ressemblais». Certaines fois les camps de la mort sont désignés par ellipses: «Après, quand je suis rentré à Sosnowiec on leur a envoyé des colis… un temps ça été plus facile pour nous. Alors très heureux ils étaient et ils nous ont écrit comme ça les aidait … et puis ils ont écrit que les Allemands gardaient les colis. Et puis ils ont arrêté d’écrire c’était fini.» [38]

    La réception de ce livre fut excellente. Pourtant son livre brise de nombreux tabous, comme les relations complexes entre les détenus, le pouvoir des capos et des chefs d’équipe dans les camps: «Le chef des zingueurs, c’était un juif russe qui s’appelait Yidl. […] J’avais peur. Il pouvait me faire vraiment quelque chose. […] (un des autres prisonniers du camp) Ne t’inquiète pas il faut savoir comment le prendre, Yidl, apporte-lui quelques œufs, du beurre, du fromage… tu verras, il te chantera une autre chanson.» [39]

    Il parle également dans le chapitre 4 du second tome de la Wehrmacht [40] comme d’une armée d’Hitler aussi cruelles que les autres: «Petite à petit, tous ceux qui allaient être libres, ils nous ont rattrapés, environ 150 à 200 personnes, ils ont amenées dans les bois, près d’un lac…». Il mentionne également l’instrumentalisation après guerre: «J’ai été une fois chez un photographe il avait un uniforme des camps -un tout neuf- pour faire des photos-souvenir.» [41]

    Enfin il évoque les Pogroms en Pologne après la Shoah: «Un fils a survécu, il est entré chez lui» voulant récupérer ses biens un Polonais lui dit: «On croyait qu’Hilter en avait fini avec vous! Dehors youpin! C’est notre boulangerie maintenant! […] Ne sachant pas quoi faire, il passa la nuit dans le hangar derrière sa maison… Les Polonais y sont allés. Ils l’ont frappé puis pendu. Pour ça, il avait survécu.» [42]

    Au début et à la fin de chaque partie racontant le passé avant et durant la Shoah, l’auteur dévoile son présent, ses relations avec son père puis le déroulement de ses entretiens. Le lecteur apprend ainsi que le vieil homme se plaint à chaque instant, il est égoïste, acariâtre et raciste. Le caractère du père de l’auteur pose problème à l’auteur. Il a longtemps cherché à l’excuser par son passé, puis s’aperçoit que ce n’est pas parce que quelqu’un est rescapé de la Shoah qu’il est forcément meilleur que les autres: «Avant je pensais que c’était à cause de la guerre» sa belle-mère répond: «Pff! Je suis passé par les camps» […] «C’est quelque chose qui me tracasse pour le livre que je fais sur lui… sur certains points, il est exactement comme les caricatures racistes du vieux juif avare.» [43]

    Dans le chapitre 2 du tome II, le lecteur apprend la mort de son père. Son fils (l’auteur) y parle de sa douleur et du poids du souvenir, c’est d’ailleurs pourquoi il se rend chez un psychiatre, également rescapé de la Shoah:
    «Le fils: «En fait les disputes avec mon père ne me paraissent plus aussi importantes… et Auschwitz me semble trop effrayant pour même y penser, alors je reste allongé …»
    Le psy: «Votre père avait peut être besoin de montrer qu’il avait toujours raison qu’il pouvait toujours survivre- parce qu’il se sentait coupable d’avoir survécu.»
    Le fils: «Peut être.»
    Le psy: «Et il a transféré sa culpabilité sur vous, le vrai survivant. […] Admirez-vous votre père parce qu’il a survécu?»
    Le Fils: «Euh… bien sûr. La chance a beaucoup compté mais il a quand même été étonnamment malin et inventif.»
    Le psy: «D’après vous, il est admirable de survivre et par conséquent pas admirable de ne pas survivre.»
    Le psy: «Je ne parle pas du vôtre, mais combien de livres ont déjà été écrits sur l’holocauste. A quoi bon? Les gens n’ont pas changé. Peut-être leur faut-il un nouvel Holocauste, plus important. De toute façon les morts ne peuvent pas raconter leur version de l’histoire, alors peut être vaut-il mieux s’abstenir.» [44]

    Ainsi, il ne s’agit pas d’un livre directement sur la Shoah mais d’un livre sur les générations qui viennent après la Shoah, sur le poids des années de silence, puis sur le poids du témoignage. L’ouvrage parle de l’histoire de la relation entre le fils et le père, une relation faite de non-dits et de rejets, de déni et de haine.

    Les Lieux de Mémoire de la Shoah constitués par les Lieux authentiques du crime ainsi que par la Littérature sont aujourd’hui des lieux partagés, ils ne sont pas seulement dédiés aux Français ou aux Allemands mais ils sont européens. Il y a beaucoup de manière de traiter le passé traumatique et cela résulte du fait que le passé se présente de façon différente dans chaque pays: la mémoire est de ce fait autre en France et en Allemagne. Mais si la manière de la traiter est différente, notamment en littérature, le sujet de cette mémoire reste identique. L’écriture en souffrance a favorisé cette universalisation, aussi bien qu’aujourd’hui «la Shoah fait parti intégrante de notre identité nationale et européenne. A certains égards, elle constitue selon Simone Veil l’événement le plus européen de toute l’histoire du XXè siècle [45].

    L’écriture en souffrance face à la Shoah a ainsi permis aux témoins de se libérer d’un poids trop lourds à porter. Cette écriture ne fut pas admise, comme nous avons pu le constater, tout de suite par l’opinion publique, mais parce que cette écriture ne se stoppa jamais réellement, la Mémoire de la Shoah est devenue un élément identitaire européen. Aussi, par ces ouvrages, la Mémoire a dépassé les frontières de la famille pour s’inscrire dans la mémoire collective, française, allemande, voire de façon universelle.

    Notes

    1] Carles Torner. Shoah, une pédagogie de la mémoire, Paris, Les Editions de l’atelier, 2001, p. 216.
    2] Giorgio Agamben, Ce qui reste d’Auschwitz, Paris, Bibliothèque Rivages, Seuil, 1999, p. 53.
    3] Jean-Luc Nancy (ss dir.), L’Art et la mémoire des camps, Paris, Le Seuil, 2001, p. 70.
    4] Primo Levi, Les Naufragés et les rescapés, Paris, Gallimard, 1989, pp. 96-97.
    5] Ibid., p. 95.
    6] On peut notamment noter ces déclarations dans le documentaire programmé le 23 janvier 2008 par Arte, intitulé «Il faudra raconter», de Daniel et Pascal Cling.
    7] . B. Morelli, dominicain, Terre et détresse, Paris, Blout et Gay, 1947, p. 16, in Annette Wieviorka, Génocide et Déportation, Paris, Hachette Littérature, 2003, p. 177.
    8] Régine Robin, La Mémoire saturée, Paris, Editions Stock, 2003, p.245.
    9] Régine Waintrater, Sortir du génocide, témoigner pour réapprendre à vivre, Paris, Payot, 2003, p. 35.
    10] Exemples d’enseignement du Zakhor: Le Deutéronome, chapitre 16 verset 3 : «Tu ne mangeras point de pain levé avant la Pâque, pendant sept jours, tu mangeras, en la célébrant, des pains sans levain, du pain d’affliction, car tu es sorti à la hâte du pays d’Egypte ; afin que tu te souviennes, tous les jours de ta vie, du jour où tu sortis du pays d’Egypte.» «Souviens-toi du don de la Torah au Mont Sinaï», dans le Deutéronome, chapitre 4 verset 9 et 10, «Seulement prends garde à toi, et garde avec soin ton âme de peur que tu n’oublies les choses que tes yeux ont vues, et qu’elles ne sortent de ton œil, aucun des jours de ta vie, mais tu les enseigneras à tes enfants, et aux enfants de tes enfants.»
    11] Régine Waintrater, Sortir du génocide, témoigner pour réapprendre à vivre, op. cit., p. 106.
    12] Carles Torner. Shoah, une pédagogie de la mémoire, op. cit, p. 86.
    13] Joshva Greene et Shiva Kumar, Témoigner: Paroles de la Shoah, Paris, Flammarion, 2000, traduit de l’anglais par Robert Marcia («The Free Press»), p. 16.
    14] Annette Wieviorka, Déportation et génocide, entre la mémoire et l’oubli, op. cit., p. 167.
    15] Annette Wieviorka, L’Ere du témoin, Paris, Plon, 1998, p. 42.
    16] Primo Levi, Le Devoir de mémoire, Paris, Ed. Mille et Une nuits, 1995, in Eva Weil, «Silence et latence.» Angelergues Jacques et Veil Eva (Rédacteurs), Devoir de Mémoire: entre Passion et Oubli, Revue française de psychanalyse, n°1, 2000 tome LXIV, Janvier-Mars. Paris, PUF, 2000, p. 173.
    17] Paul Denis, «Devoir de mémoire et réparation. Entretien avec Henri Hajdenberg.», in Angelergues Jacques et Veil Eva (Rédacteurs), Devoir de Mémoire: entre Passion et Oubli. Revue française de psychanalyse, n°1, 2000, tome 64, Janvier-Mars. Paris, PUF, 2000, p. 184.
    18] Jorge Semprum, «L’écriture ravive la mémoire», entretien avec Marie-Laure Delorne et Guy Herszlich, Le Monde des débats, n°14, mai 2000.
    19] Régine Waintrater, Sortir du génocide, Témoigner pour réapprendre à vivre, op. cit.
    20] Paul Denis, «Devoir de mémoire et réparation.», op. cit.
    21] Entretien avec Annette Wieviorka, «On ne disait pas qu’on était Juif», Les Collections de l’Histoire n°28, p.36.
    22] Jean-Jacques Bernard, Le Camp de la mort lente (Compiègne 1941-1942), Bruxelles, 1944, p. 56, in Jean Michel Chaumont, La Concurrence des victimes, Génocide, identité, reconnaissance, Paris, La découverte/Poche, p. 59.
    23] N. Weill et A. Wieviorka, «La construction de la mémoire de la Shoah: le cas français et israélien.», Les Cahiers de la Shoah n°1, Les Editions Liana Levi, 1994, in https://www.anti-rev.org/textes/Weill94a/body.htlm, p. 5.
    24] Jean Michel Chaumont, La Concurrence des victimes, op. cit., p. 56.
    25] Primo Levi, Si c’est un homme, op. cit., p. 35.
    26] Olivier Guez, L’Impossible Retour, Paris, Broché, 2007, p. 141.
    27] Primo Levi, La vita offesa, cité par Anne Moiroux «La mémoire concentrationnaire chez Primo Levi ou un Zakhor Profane, in Roselyne Mogin-Martin, (Edition coordonnée par.), La Mémoire historique, Interroger, construire, transmettre, Actes du colloque du 17 au 19 mars 2005, Angers, Presse de l’Université d’Angers, 2006, p. 188.
    28] Francine Kaufmann, (professeur à l’Université Bar-Ilan en Israël ), «Les enjeux de la polémique autour du premier best-seller français de la littérature de la Shoah», in Myriam Ruszniewski-Dachau et Georges Bensoussan ed., Revue d’Histoire de la Shoah, n°176, septembre-décembre 2002, p. 12.
    29] Francine Kaufmann, «Les enjeux de la polémique autour du premier best-seller français de la littérature de la Shoah», op. cit., p. 12.
    30] André Schwarz-Bart, Revue du FSJU (depuis 1957: L’Arche), décembre 1956 (donc durant l’écriture du roman qui dura quatre ans). Ces propos furent réitérés dans l’Express du 10 décembre 1959.
    31] Francine Kaufmann, «Les enjeux de la polémique autour du premier best-seller français de la littérature de la Shoah», op. cit., p. 12.
    32] Cette comparaison provient d’une interview de Jean-François Steiner, titrée «Les Juifs, ce qu’on n’a jamais osé dire», paru dans Le Nouveau Candide, numéro spécial et gratuit, 255, 14-20 mars 1966. «Si j’ai écrit ce livre c’est parce que, plus que l’indignation, l’émotion qu’on voulait m’enseigner, je ressentais la honte d’être l’un des fils de ce peuple dont, au bout du compte, six millions de membres se sont laissé mener à l’abattoir comme des moutons.»
    33] André Schwarz-Bart, Le Dernier des Justes, op. cit., p. 398.
    34] Francine Kaufmann, «Les enjeux de la polémique autour du premier best-seller français de la littérature de la Shoah , op. cit., p. 9.
    35] Paul-André Lesort, «Le Dernier des Justes par André Schwarz-Bart», L’Express, 17 septembre 1959, p. 31-32.
    36] Tome I, 6 chapitres. «Le cheik», p. 11 à 25, l’auteur présente son père à l’âge de 25 ans et la rencontre entre ses parents. «Lune de Miel», p. 27 à 42, il raconte le début du mariage de ses parents, et des actes antisémites en Allemagne et en Pologne, où ils vivent. «Prisonnier de guerre», p. 43 à 71, la participation du père dans l’armée russe de la Pologne en 1939, son père est fait prisonnier, il raconte son incarcération et le travail forcé, puis sa libération. «La corde se resserre», p. 73 à 96, en Pologne, la situation empire pour les Juifs, certains de ces amis confient leurs enfants à l’étranger, mais sa femme refuse. Il exprime à son fils ses regrets: p. 83 «Ilzecki et sa femme n’ont pas survécu à la guerre… mais leur fils, il est resté en vie et le nôtre, non, et de toute façon il a fallu cacher Richieu un an après.» Il raconte les premières rafles. «Trou de souris», p. 97 à 129, décrit la vie en ghetto, les cachettes pour éviter les rafles. Tome II, 5 chapitres. «Mauschwitz», p. 169 à 197, arrivée à Auschwitz, p. 185, «Nos papiers, nos vêtements et nos cheveux, ils nous ont pris […] on avait froid.». «Auschwitz, le temps s’envole», p. 199 à 234 Il y présente la survie dans les camps, la faim, les capo, les échanges pour survivre. «Et c’est là que mes ennuis ont commencé», p. 235 à 260, il mentionne l’arrivée en Pologne de l’armée russe, la fin de la guerre et la marche de la mort, puis l’échange de détenus des camps (dont le père de l’auteur) contre des prisonniers de guerre allemands, en Suisse. «Sauvé», p. 261 à 277, C’est la fin de la guerre, les détenus arrivaient en Suisse sont seuls sans gardes, ils se dispersent mais la Wehrmacht les rattrapent et les rassemblent. Puis après d’autres péripéties, ils sont véritablement libres. «La seconde lune de miel» Son père, après guerre est gravement malade, une nouvelle fois le typhus, mais il retrouve sa femme vivante…
    37] Martin Winckler, «Maus, histoire de famille», in Didier Pasamonik (ss. dir.), La Diaspora des bulles, Paris, éditions Glénat, 2004.
    38] Art Spiegelman, Maus, (l’intégrale), Paris, Flammarion, trad. de l’anglais par Judith Ertel, 2008, p. 65.
    39] Art Spiegelman, Maus, op. cit., p. 207.
    40] L’armée officielle allemande fut longtemps considérée en RFA comme une armée ayant suivie les règles morales durant la Seconde Guerre mondiale, une armée aux « mains blanches ». Ce mythe ne prit fin que dans les années 90.
    41] Art Spiegelman, Maus, op. cit., p. 294.
    42] Ibid., p. 292.
    43] Ibid., p. 133.
    44] Ibid., p. 204.
    45] Discours de Simone Veil, Présidente de la Fondation pour la mémoire de la Shoah: Quel enseignement de la Shoah au XXIè siècle, le 18 octobre 2002.

    Bibliographie

    Agamben Giorgio, Ce qui reste d’Auschwitz, Paris, Bibliothèque Rivages, Seuil, 1999.
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    Chaumont Jean-Michel, La Concurrence des victimes, Génocide, identité, reconnaissance, Paris, La découverte/Poche.
    Greene Joshva et Kumar Shiva, Témoigner: Paroles de la Shoah, Paris, Flammarion, 2000, traduit de l’anglais par Robert Marcia («The Free Press»).
    Guez Olivier, L’Impossible Retour, Paris, Broché, 2007.
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    Pasamonik Didier (ss. dir.), La Diaspora des bulles, Paris, éditions Glénat, 2004.
    Robin Régine, La Mémoire saturée, Paris, Editions Stock, 2003.
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    Schwarz-Bart André, Le Dernier des Justes, Paris, Edition du Seuil, 1959.
    Spiegelman Art, Maus, (l’intégrale), Paris, Flammarion, trad. de l’anglais par Judith Ertel, 2008.
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    Wacjman Gérard, «Oh les derniers jours», les Temps modernes, n°608, mars-avril-mai 2000.
    Waintrater Régine, Sortir du génocide, Témoigner pour réapprendre à vivre, Paris, Payot, 2003, 274 p.
    Wieviorka. Annette, Déportation et génocide, entre la mémoire et l’oubli, Paris, Hachette Littérature, 2003.
    Wieviorka Annette, L’Ere des témoins, Paris, Plon, 1998.


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