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Art versus Société : soumission ou divergence ? / Sous la direction d'Hervé Fischer / Vol.18 N.2 2020

Mémoire sauvage : art vert

Guy Sioui Durand

magma@analisiqualitativa.com

Wendat (Huron) originaire de Wendake, Guy Sioui Durand est membre du clan du Loup. Sociologue (PH.D.), critique d’art, commissaire indépendant, conférencier de renom et performeur Sioui crée aussi des harangues performées exprimant l’oralité amérindienne. L’art actuel et l’art amérindien sont ses domaines d’intervention. Il est co-fondateur du collectif et ex-président des Éditions Intervention de Québec, membre des collectifs d’art-performance Le tas Invisible (Québec) et Bbeyond International (Belfast). Théoricien, sociologue et critique d’art, Sioui Durand est l’auteur de livres dont L’Esprit des objets (2013), Riopelle. Indianité (2002), Les très riches heures de Riopelle (2000) et de l’ouvrage de référence L’art comme alternative. Réseaux et pratiques d’art parallèle au Québec (1997) Trois livres sont en chantiers: Ohrehta’. Art Sauvage en Kébeq et Kanata, L’art, sans alternative. Art actuel du Québec au Monde, tome 2, Sehiatonhchotrahk. Écrits littéraires.

 

Abstract

Cet essai discute du fait social total qu’est la Technologie. Elle « est désormais avec nous et en nous ». Proposant une définition de société globale anthropocène technologique capitaliste hypermoderne toxique, j’analyse les deux grands défis d’autodestruction qu’elle nous pose : l’environnement planétaire et les dénis et oublis culturels du réel. J’énonce mon parti pris pour l’art écologique, sans autre alternative, en insistant sur mon ancrage éthique et esthétique, la résurgence de la vision du monde et des luttes militantes de celles et ceux que j’appelle les Chasseurs / Chamanes / Guerriers de l’art autochtone, tant en contextes réels que comme réalités virtuelles.

 

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Wendat Guy Tsie8ei 8aho8en yatshih, Wendat endi’, Yanariskwa’ iwayitiohkou’tenh, Wendake ekwayehtih, Teyiatontariye (Québec) indare.

2020. Le mythologique Œdipe a rejoint Ratonhnaké:ton, un guerrier Mohawk virtuel. Ils portent un casque branché. Le Sphinx 2.0, sculpté sur un des monts Black Hills en territoire sacré Lakotah aux États-Unis d’Amérique, leur fait face. L’être fabuleux au « deux esprits », mi lion mi elfe ailée, figure aussi dans le jeu vidéo Assassin’s Creed, développé par la multinationale Ubisoft à Montréal. Une nouvelle énigme les confronte. Quel est l’avenir : la Technologie ou la Terre Mère?

 

À toutes époques, des postures se font face, divergent, s’affrontent. La réponse à donner à ce Sphinx 2.0 s’avère peut-être un exercice à plus au haut risque que dans l’Antiquité. L’entrée dans le XXIe siècle exige une pensée complexe et plurielle, objective et introspective face aux configurations sociétales des technologies numériques ayant infiltré toutes les sphères de l’existence, y compris sa propre critique [1]. Elles nous convoquent, connectent et activent quotidiennement techniques et langages, mémoires et rythmes. Un appareil symbolise ce dilemme : le téléphone portable intelligent et ses innombrables applications et extensions (ex. : la montre) branchées aux réseaux de l’internet! Traditionaliste autochtone et sociologue activiste de gauche, je ne saurais plus m’en passer.

 

C’est avec ces paradoxes que, dans cet essai, je discute du fait social total qu’est la Technologie. Elle « est désormais avec nous et en nous » [2]. Proposant une définition de la société dominante, j’analyse les deux grands défis d’autodestruction qu’elle nous pose. J’énonce mon parti pris pour l’art écologique, sans autre alternative, en insistant sur mon ancrage éthique et esthétique, la résurgence de la vision du monde et des luttes militantes de celles et ceux que j’appelle les Chasseurs / Chamanes / Guerriers de l’art autochtone, tant en contextes réels que comme réalités virtuelles.

 

Nommer la société

 

Il faut nommer la société pour comprendre son art. D’une part il y a le processus organisationnel et idéologique, et l’impact du tout social sur l’art. La société versus l’art signifie son institutionnalisation et sa normalisation professionnelle fonctionnelle ou à tout le moins neutralisée, récupérée. D’autre part, à l’inverse il y a l’impact de l’art sur la société. Il y a un art positif, célébrant ou fonctionnellement parfaitement intégré au système et à son discours idéologique dominant. S’y opposent encore des pratiques artistiques versus la société, c’est-à-dire qui l’ébranlent pour amorcer non seulement un changement des sensibilités esthétiques, mais aussi de l’environnement culturel, les lieux et milieux par l’art. On y trouve des œuvres de connivences avec les mouvements sociaux dissidents. Il s’agit donc d’un va-et-vient sociétal-art. Il en va de même pour leur mode d’intelligibilité [3]. Nous vivons dans une société globale anthropocène technologique capitaliste hypermoderne toxique.

 

La société globale anthropocène

 

On doit entendre par société notre milieu et notre mode d’existence individuel, collectif organisé et fonctionnel où se développent les échanges matériels et immatériels du commerce économique, allant de l’exercice socialisé des libertés individuelles et politiques aux usages culturels et individuels.

 

La société est globale en ce sens qu’elle forme un système de sous-systèmes qui découpent et s’appliquent à toutes les déclinaisons des formes de vie en commun, lesquelles sont branchées en réseaux de flux communicationnels. Le téléphone et la radio auront été les premiers médiums du phénomène comme prolongements technologiques comme l’a mis en lumière Marshall McLuhan [4]. Les applications généralisées de l’intelligence artificielle en sont la nouvelle étape, l’aérospatiale, la médecine, l’automatisation des machines et bien sûr, les communications économiques, politiques et culturelles dont la science et l’art.

Elle est anthropocène, c’est-à-dire qu’elle prend en compte les impacts irréversibles de la présence humaine sur l’environnement naturel et sur la qualité des milieux de vie, de plus en plus industriels-urbains.

 

Technologique

 

La réévaluation en pleine période hypermoderne des notions d’outils (Leroi-Gourhan [5]) et de média (McLuhan) peut nous éclairer sur l’omnipuissance de la technologie comme variable causale redéfinissant toutes les autres constituantes de la société actuelle que sont l’économie, le politique, les communications, la socialisation, la science et les arts.

 

Notre type de société anthropocène tient maintenant à un mode de production matériel et symbolique des rapports sociaux reposant sur l’exponentiel développement médiatique des applications numériques. Elle est donc sous l’emprise technologique. La maîtrise des énergies de la nature avait transformé les sociétés traditionnelles en sociétés modernes propulsées par la science et la technique. La maîtrise des savoirs technologiques et ses applications numériques nous font passer à un nouvel univers médiatique programmé et contrôlé avec le support des avancées de l’intelligence artificielle.

 

La rationalité instrumentale de gestion et de gouvernance a absorbé le prince (le Politique), le savant (les savoirs) et l’artiste (les styles). La technologie des programmeurs s’est certes substituée à la technique des ingénieurs. Elle l’a absorbée. Il en va de même des médias et ordinateurs pour les outils et machineries.

 

Du côté de la production matérielle économique, c’est l’avancée des méga-ordinateurs et entrepôts, satellites, antennes, flux de bandes passantes performantes des réseaux de l’internet, ordinateurs, tablettes, montres, casques et surtout les téléphones portables aux plateformes interconnectables entre eux et avec les autres objets de la vie quotidienne. En corollaire du côté de la production scientifique, logique et intellectuelle, le développement exponentiel des applications numériques a explosé : programmes compatibles, prédictibilité et modélisation, robotique, automatisation, géolocalisation, stockage des mémoires (les « clouds »), sites informationnels, ludiques et relationnels nous mettent en présence de réalités virtuelles interactives et immersives.

 

L’expertise de techno-bureaucrates et maintenant d’algocrates (spécialistes des algorithmes) programme tant les échanges économiques que la vie politicienne, la consommation et la communication de masse. La technologie numérique permet la planification, la gestion des entreprises, la gouvernance politique des gouvernements et le contrôle des flux communicationnels.

 

Le même processus rationnel instrumental y est appliqué : la fragmentation et la spécialisation en unités d’une part (ex. : tableau des éléments, statistiques comptables, sous-systèmes, identification ADN, numéros d’identités), et d’autre part la recomposition du tout par des interconnectivités « branchées » et par là, un potentiel plus grand de contrôle sociétal (ex. : géolocalisation, recomposition de profils d’informations stockées, etc.). Hervé Fischer nous dit à ce propos: « aujourd’hui, dans nos sociétés de masse et de réseaux, chacun de nous est identifié par un numéro, ce qui relève de la même idéologie instrumentale de gestion que celle des produits que nous consommons. Chacun a son ADN identitaire » [6].

 

L’invention du téléphone a créé la première vague de globalisation communicationnelle. La radio et la télévision ont poursuivi. De nos jours, l’usage généralisée des téléphones portables intelligents, l’internet et les jeux vidéo modulent la société par la technologie. Nous sommes entrés dans le mode de relations culturelles hypermoderne des hyperliens communicationnels, des industries culturelles et des arts numériques. La vie psychique et quotidienne des individus et celle des institutions mutent. Les rapports publiques, privés et intimes sont transformés par les applications Mail, Facebook, Instagram, pornhub, etc.). Dans les sciences, et les sciences humaines en particulier, les analyses empiriques et statistiques (individu, client, bénéficiaire, part de marché, populations cible) pour recomposer le tout, ont pris le dessus. Elles sont aux antipodes de la pensée globale de synthèse ou de la pensée holiste, œcuménique ou communautaire. L’accent est mis sur ce qui nous divise plutôt que sur ce qui nous unit !

 

Capitaliste

 

Les valeurs d’échanges (libre-échange, propriété privée immobilière et entreprises) de l’économie capitaliste s’en trouvent généralisées, non seulement par cet ajout d’un nouveau domaine matériel de production et de consommation, l’économie numérique (bureaux, usines, commerces, transports, main-d’œuvre spécialisée, etc.), mais aussi révolutionnées par la globalisation et la vitesse des flux communicationnels des informations et transactions qu’elle génère [7]. Cette économie numérique médiatique transnationale est symbolisée par l’acronyme GAFA, la première lettre des quatre plus grandes entreprises (Google, Apple, Facebook, Amazon) qui s’est ajoutée aux transactions immobilières foncières, de surexploitation des ressources naturelles, de la main-d’œuvre et des clientèles consommation de masse.

 

Les tensions géopolitiques (territoriales, démographiques, militaires, identitaires, idéologiques) entre les États-Nations elles-mêmes se sont métamorphosées en organismes de négociations internationaux (ONU, OMC, G20, G7) pour tenter de contrôler les dynamiques liés à l’économie et les velléités de pouvoirs de ces puissantes multinationales dont les activités concentrent la richesse de cette élite capitaliste dite du 1% de la population.

 

Hypermoderne

 

Comme l’économie et le politique, la vie culturelle est sous influence technologique. De moderne puis postmoderne, la culture est devenue hypermoderne. Autant le préfixe post fixé à la notion de moderne a marqué une brève période de remise en question des idéaux dominants de la société moderne (matérialisme, injustices économiques et sociales, colonialisme, industrialisation-urbanisation, individualisme, progrès technique et scientisme), autant le préfixe hyper se caractérise comme le paradoxe de la vie culturelle remodelée par la société anthropocène technologique capitaliste globale.

 

La culture hypermoderne combine le degré le plus extrême de fragmentation et de sous-spécialisations en unités, catégories, groupes, secteurs, statistiques et activités, et la mise en place de plateformes et processus d’inter-connectivités devenus le commun dénominateur de la vie sociale. Sur ce plan, la technologie numérique branchée devient un mode de communication et de consommation de masse auquel se greffent les productions scientifiques, idéologiques, intellectuelles et artistiques, dont les avancées en intelligence artificielle concurrencent l’idée même du réel !

 

Les valeurs et les usages coutumiers de la vie quotidienne en sont modifiés, ainsi que toutes les autres formes de la vie culturelle, tous les aspects psychiques, les conduites / situations, le communicationnel, le relationnel, l’intellectuel et le créatif, à la fois en termes de consommation, de communication de masse, mais aussi en termes personnels et intimes. L’idéal d’universalisme humaniste y est fragmenté en une mosaïque des croyances, d’idéologies, d’usages coutumiers, de productions matérielles, intellectuelles et artistiques, susceptible en outre d’être programmées par la propagande, la publicité, et des influenceurs sur de multiples plateformes de communication et de consommation. La vision idéologique du monde hypermoderne est évidemment individualiste à tendance psycho-sociale narcissique, du point de vue de la culture du moi mais aussi du comportement citoyen, comme on l’observe sur Facebook ou Instagram

 

Les industries culturelles du spectacle de masse et les arts expérimentaux produisent des spectacles, des œuvres numériques, des sites de diffusion et de rencontres qui constituent des réalités altérées (effets spéciaux) et virtuelles suggérant des expériences immédiates immersives usant des avancées de l’intelligence artificielle et de la programmation. Les collections des musées, les bibliothèques passent au numérique et développent toutes des sites de visite, de recherche, de consultation, comme on a pu le consulter en cette période de pandémie alors que les activités publiques ont été annulées.

 

La technologie numérique module donc les choses et les esprits en mêlant ce qui se présentait soit comme homogène, soit comme dialectique, il y à peine un demi-siècle. Tout y passe, l’économie politique, les distinctions culturelles et le contrôle sociétal des comportements de l’humain. La technologie influe de manière macro-sociétale notre conscience de l’univers, nos connaissances, la vie intellectuelle et artistique, mais aussi micro nos relations microsociales intimes, privées et publiques. Il en est de même pour notre conception de l’espace (ex. géolocalisation) et du temps (ex. : accélération et quasi-instantanéité en continu de l’information, pouvoir décuplé des modélisations et des prévisions). Cela vaut pour la science (ex. : le décuplement des capacités de traitements informatiques des données, des dossiers, du calcul, les applications surmultipliées des laboratoires, les modélisations théoriques virtuelles). Cela vaut tout autant pour le contenu, les méthodes et les sens de l’histoire (mémoire stockée numérisée, modifications Wikipédia et revendications au droit à l’effacement), l’objectivité et la subjectivité des jugements (intelligence artificielle), du raisonnement et du rêve, la distinction entre le réel et les réalités altérées, augmentées (montages, effets spéciaux) ou virtuelles. Les identités et les formes d’appartenances (les agrégats de consommateurs, clients, bénéficiaires membre de groupes inventés, etc.) mutent.

 

L’idée du bonheur, que le sociologue Henri Lefèbvre jugeait comme neuve pour l’ensemble des humains en société dans sa critique de la quotidienneté [8] et dont le philosophe Herbert Marcuse craignait qu’elle ne se globalise dans l’Homme unidimensionnel [9] dans les années 1960, est aujourd’hui mondialisée par les appareils intelligents et ses applications comme Tik Tok ! Aujourd’hui le bien-être est technologique et, pour une grande part de notre évolution, avec raison. Mais. Mais il y a un envers de l’endroit très sombre.

 

Toxique

 

Si les recherches scientifiques ont grandement progressé, cette même science analyse, mesure et nous alerte aussi sur l’état général du monde. Depuis trente ans, par nombre d’études allument les signaux de l’autodestruction anthropocène. La concentration urbaine progressive des humains, l’exploitation industrielle continue des ressources naturelles et de la déforestation des milieux naturels à grande échelle engendrent l’émission ininterrompue et en augmentation des gaz à effet de serres (GES), qui sont devenus plus que problématiques. Cet indicateur nous montre les effets toxiques de la pollution atmosphérique, tels que la montée du niveau des océans, le réchauffement climatique, la disparition accélérée d’espèces de la faune et de la flore, l’accélération des pandémies et l’amplification des injustices sociales. L’humanité s’autodétruit et mutile l’écosystème. Cette équation additionnant des acronymes de trois lettres décrit le phénomène : PIB + IDE + GES vs VIE.

 

Les institutions utilisent des acronymes pour se nommer (ex. : ONU, OMC, G20, G7, NASDAQ, GAFA). GAFA évoque la suprématie des entreprises transnationales de technologies numériques. Le PIB, mesure le supposé bon fonctionnement économique des pays. L’indice de développement à l’étranger (IDE) identifie les mesures d’évasion fiscale qui font que les plus riches paient moins d’impôts, en compromettant donc la justice sociale (santé, éducation, sécurité, culture, environnement, etc.). L’ensemble de ces acronymes constitue l’équation toxique de la sociétéanthropocène technologique capitaliste hypermoderne.

 

Voilà les sulfureux souffles destructeurs en explosion des forges de l’Histoire des Humains. Camouflés sous de belles appellations telles qu’évolution, progrès, avenir, désir, plaisir, bonheur, l’Histoire capitaliste sous propriété privée, alliant le libre commerce et la soumission des États-Nations est pourtant faites non seulement de conflits, d’exploitations, de destructions, de surconsommation et d’injustices, mais aussi de pollutions, d’accélérations des cataclysmes, de pandémies et du réchauffement climatique toxique pour tout l’écosystème.

 

De fait, ce mode de vie est doublement toxique, non seulement du point de vue environnemental (dans les villes et dans ce qui reste de la nature, des forêts, des cours d’eau, des espace verts), mais aussi de nos conduites et situations culturelles hypermodernes qui ireproduisent ce processus aliénant par des dénis et l’oubli du réel.

 

Les dénis et oublis du réel

 

Car la menace n’est pas qu’environnementale, elle a contaminé les esprits. Elle est devenue mentale. L’actuelle vague de dénis et d’oublis du réel dans la culture et les arts en atteste. La culture hypermoderne depuis l’avènement du nouveau millénaire semble s’ajuster à la toxicité environnementale de la société globale, en intériorisant mentalement l’oubli du réel dans notre mémoire collective, en rationalisant la destruction de nos conditions existentielles, selon de nouvelles formes d’aliénation. Dans certains cas, avec le concours de la socialisation numérique.

 

Sur le plan de l’histoire et des débats des idées, notre conception de la technologie est devenue un déni de la nature et un oubli de ce qui nous constitue en société. Cette réification aliénante met en branle une panoplie de dispositifs. Il y a ceux, visibles, qui font les actualités : censures, révisionnismes, altérations, propagandes, divertissements, mirages, et détournement des contextes réel et du monde naturel, mais aussi ceux, invisibles, qui altèrent la psyché, nos valeurs et nos modes de pensée de la réalité : anxiétés, irrationalismes, soumission. L’issue sera tragique si ce mode toxique de vie en commun ne change pas.

 

L’art à l’état gazeux et l’esthétique de la limite dépassée

 

Dans son livre au titre explicite, L’art à l’état gazeux (2003), le sociologue Yves Michaud [10] évoque la dissolution de la spécificité de l’art par son succès à se généraliser et à se banaliser dans la plus vaste culture de consommation de masse, dont le tourisme artistique mondialisé des biennales et foires standardise la nature de marchandise expressive-symbolique au point d’atteindre l’inessentiel, sinon de fonctionner à perpétuité comme autopromotion, comme le critique sévèrement le sociologue Michel Freitag dans L’oubli de la société, et que le philosophe Gilles Lipovetsky a qualifié d’ère du vide [11]. En outre, comme le montre Paul Ardenne dans son livre Extrême. Esthétiques de la limite dépassée [12], les avant-gardes artistiques du siècle passé ont cédé la place à une tendance extrême de dépassements des normes, fragmentant en idéologies multiples, multiculturelles et multi-causes le rapport à l’universel, avec une attitude morbide obéissant souvent aux pulsions de mort et / ou de mutilation notamment dans l’art de performance.

 

Le nouvel iconoclasme

 

Le déni religieux, terroriste, anticolonial, antiraciste et féministe introduit un nouvel iconoclasme. La monumentalité commémorative des sculptures et des statues sises en des places publiques, ainsi que des sites et des architectures, y passe à son tour. Il y a eu déjà plusieurs époques d’iconoclasme appelant à la destruction, l’effacement, la censure et / ou l’autodestruction.

 

Le XXIe siècle démarre avec un choc des civilisations. Il y a eu d’abord la destruction des immenses sculptures taillées dans la paroi rocheuse des Bouddhas de Bamyan en Asie, patrimoine civilisationnel. Un an plus tard, un autre choc : l’Amérique du Nord subit la destruction terroriste des deux tours jumelles du World Trade Center à New York le 11 septembre 2001, le symbole du capitalisme mondial.

 

Vingt plus tard, la mondialisation des réseaux sociaux numériques diffusent quasi-simultanément aux actualités, des attaques, des mutilations et même des destructions ou encore des manifestations pour retirer ou remplacer un grand nombre de monuments dans l’espace public. La monumentalité des personnages historiques y est remise en question par des factions, des groupes issus des minorités ethniques, pour qui elle est perçu comme des symboles d’injustices, dans le développement d’un mouvement de décolonisation. Au Canada, ce sont les statues du premier ministre, père de la Confédération canadienne, John A. Macdonald raciste envers les Autochtones et les immigrants chinois, qui sont ciblées. Aux États-Unis ce sont celles des présidents de l’époque esclavagiste et un peu partout, celles de Christophe Colomb.

 

Dans la même veine, tandis que l’on rapporte la destruction par une multinationale bien implanté au Québec, Rio Tinto, de sites archéologiques des Aborigènes d’Australie, le gouvernement musulman de Turquie transforme en mosquée le musée universel symbole de la rencontre millénaire entre l’Occident et l’Orient, qu’est la basilique Ste-Sophie à Istanbul.

 

Le « déférencement » et la « culture de l’annulation »

 

La compilation numérisée des data et leur croisement avec l’intelligence artificielle permettent de recomposer, d’identifier, de localiser des personnes, de favoriser le contrôle autoritaire tout autant que d’amplifier les connaissances, la recherche, le divertissement, les loisirs et les relations interpersonnelles. À cet égard, sous les notions de « déférencement » et de « culture de l’annulation », se profilent des démarches individuelles et des processus collectifs visant, peu importe les motifs légaux, éthiques ou idéologiques, à effacer, censurer, dénoncer des éléments de mémoire historique, des dossiers individuels ou carrément des statuts et opportunités, dans un esprit d’autodestruction. La socialisation numérique a introduit, comme une trainée de poudre, ce que l’on appelle désormais la culture d’annulation (« cancel culture »). En plus des fausses nouvelles, des sites de propagande ou de contrefaçons, sont apparues ces dernières années sur les réseaux sociaux des dénonciations souvent haineuses, pour allégations sexuelles, usurpations d’identité ou autres motifs, notamment dans l’industrie du spectacle, la littérature, le théâtre et les arts visuels, par exemple au Québec, l’annulation de l’exposition au Musée d’art contemporain d’un artiste en vue, John Raftman suite à une allégation sexuelle.

 

Dans le champ de l’art, émergent certains coups d’éclats volontaires qui, tout en se voulant critiquer le système de marchandisation ou de répression politique, participent de la même logique de l’effacement. Dans l’esprit de l’Hommage à New York, une sculpture s’autodétruisant créée en 1960 par Tinguely, en 2018 la maison Sotheby’s a mis en ventes aux enchères à Londres l’illustre tableau Girl With Balloon de Banksy, rusé artiste anonyme de la rue (« street art ») et réputé sur le marché de l’art. Le tableau s’est vendu à 1,18 millions d’euros, or à la stupéfaction du public, la toile est descendue du cadre, une alarme a retenti et le dessin s’est déchiqueté devant les regards du public, un iconoclasme monté par Banksy lui-même. Dans la même veine, l’an passé, en 2019, l’artiste newyorkais David Datuna a performé Hungry Artist en mangeant l’œuvre Comedian de l’artiste italien Maurizio Cattelan, une banane scotchée par un ruban adhésif au mur de la galerie Emmanuel Perrotin lors de la foire d’art contemporain de Basel à Miami, avant de se faire escorter à l’abri des regards par la sécurité. Ce qui n’empêcha pas de remplacer le fruit et de vendre l’œuvre à un collectionneur.

 

Les mirages technologiques

 

Les applications numériques pour les collections des musées, la production de sites pour des visites virtuelles d’expositions, de biennales ou de performances, surtout en cette période de confinement due à la pandémie de la COVID-19, nous montrent des côtés positifs du développement et des usages des technologies numériques. Les avancées technologiques contribuent bien sûr à l’industrie des jeux vidéo en réseaux, à la création de scénarios inédits d’art d’animation, à un renouvellement du cinéma, mais aussi à des projets de création remarquables, notamment en réalité virtuelle, en expérience immersive (le port de casques numériques dont les sollicitations multisensorielles modifient, comme les lunettes 3D au cinéma, toutes nos perceptions). Replacées dans le contexte de la culture hypermoderne et de la domination de technologiques toxiques sur la nature, il importe de rappeler le rôle important des divertissements et des mirages qui sont en jeu. Encore une fois, Hervé Fischer nous éclaire : « Nous savons tous que l’interactivité, que mettent en œuvres les artistes dans des installations multimédias, n’est qu’un leurre tant elle est préprogrammée et limitée. Pourtant, elle séduit considérablement parce qu’elle donne l’illusion au spectateur de participer au processus de création de l’artiste, c’est-à-dire au mythe même de la création » [13].

 

Que faire ?

 

Heureusement, la société travaille sur elle-même. Nous prenons conscience de la nécessité de repenser la mondialisation et d’endiguer ses effets négatifs. Le mercantilisme du libre-échange, l’injustice de la répartition de la richesse et les changements climatiques sont désormais des enjeux du mouvement social altermondialiste qui a pris son envol au passage d’un siècle à l’autre et qui a forcé les États-Nations à signer des conventions, comme l’accord de Paris, mais aussi à se confronter aux transnationales de l’économie numérique sur les questions de démocratie, des libertés individuelles, du croisement des données. Le monde scientifique étudie et suggère aussi des usages positifs des technologiques.

 

La sauvegarde de la planète et donc la survie non seulement de l’humanité mais de l’écosystème du vivant, est devenue le combat citoyen à mener. Il faut changer la société et son mode économique de destruction anthropocène : verdir l’économie. Il faut donner préséance, comme l’écrit le philosophe Alain Deneault à une économie de la nature par des approches intégrées prenant en compte de l’ensemble des stratégies vitales d’habitat, d’alimentation et de reproduction fondée sur l’appartenance commune des espèces animales et végétales en tenant compte des territoires et du climat, plutôt que de continuer à réduire l’économie à la comptabilité, la production de marchandise et la consommation. L’économie de la nature vise un équilibre entre les espèces évoluant dans l’écosystème [14]. Il faut mettre fin à la banalisation des analyses sur l’enrichissement, le commerce, la spéculation cotée en bourses, les politiques monétaires. Cesser, comme le recommande l’économiste Prix Nobel Joseph Stigliz, de mesurer le bien-être du monde en PIB. Ne plus seulement contester mais abolir progressivement les évasions fiscales des riches et des compagnies, qu’un autre acronyme nomme IDE, et qui privent les gouvernements de sommes gigantesques qui leur permettraient de réduire les injustices, d’améliorer les services sociaux, de santé et d’éducation.

 

En face à face avec les trois lettres ART comprises comme une esthétisation de toutes les formes de vie, une prise de conscience réaliste paradoxale et un parti pris responsable, sans autre alternative, émergent avec un même dénominateur commun : l’espoir. Nous reconnaissons lucidement l’état de grande aliénation de l’art dans nos sociétés, mais constatons aussi de plus en plus une dissidence qui, bien que limitée, ne peut que se radicaliser. Deux acronymes de trois lettres maintenant s’affrontent : GES (gaz à effet de serre) versus ART : VIE + ART vs PIB + IDE + GES.

 

L’art vert, sans autre alternative

 

Que peut l’art, dans ce combat contre la culture hypermoderne sous l’emprise de la technologie numérique, de l’intelligence artificielle et de la réalité virtuelle, qui impliquent des dénis de société et l’autodestruction de notre milieu de vie ? Que peut cet art, même marginal et minoritaire, dont la tradition de rébellion nous ramène dans la seconde moitié du XXe siècle, postmoderne ?

 

Au cours de ces vingt premières années est apparue l’urgence de l’art écologique, sans alternative, contre les dénis et les mirages de la société vis-à-vis de son auto-destruction anthropocène.Seul un art écologique peut prévaloir dans ce face à face avec une Société-contre-Nature. L’art, compris comme intelligence au monde et pratiques expressives et symboliques, participant au vaste mouvement altermondialiste des verts, comme écologie politiquement engagée, comme un art écologique, sans autre alternative, passe aussi par une écologie mentale contre les dénis et les oublis du réel colportés par les tendances destructrices de la culture hypermoderne.

 

De la dématérialisation à l’art écologique

 

Dans sa fameuse télésérie pour la BBC The Shock of The New. Its rise, Its Dazzling Achievement, Its Fall, 1880-1980 [15], le réputé critique d’art Robert Hughes analyse les avant-gardes de la modernité qui façonnent l’époque des paradis mécaniques, des paysages du plaisir, et de la culture qui supplante la nature comme paradigme. Dans sa conclusion, Hughes rappelle l’échec architectural, et par là civilisationnel, de la ville de Brasilia au cœur de l’Amazonie considéré comme le poumon écologique de la planète. Il croit déceler, parmi les nouvelles pratiques qu’une autre brillante critique, Lucy R. Lippard a qualifié de dématérialisation de l’objet d’art [16], des signaux faibles de l’art futur au XXIe siècle.

 

Bien que l’ère postmoderne des années 1970-1990 ait connu son lot de symposiums d’art-nature, de sculpture environnementale ou de thématique d’art et écologie, particulièrement au Québec où je vis, une année me semble marquante : 1982.

 

Cette année-là, deux œuvres et ma participation à un atelier d’art politiquement engagé sont, pour moi, marquants au regard de l’art versus la société. En premier, la création par Naim June Paik d’une puissante installation vidéo en circuit fermé 18th Century Buddha statue, exposée maintenant au Stedelijk Museum d’Amsterdam. Il s’agit d’une variante de sa série de face à face entre l’esprit méditatif (le buddha) et la technologie (télévision, circuit de diffusion par caméra et ordinateur) allant du Buddha TV (1974) au Golden Buddha (2014). Il y a aussi le fameux projet de sculpture sociale de Plantation des 7000 chênes par Joseph Beuys à la Dokumenta 7 de Kassel. Je me trouvais sur place, participant à un atelier d’art engagé. Ces faits d’art amorcent la dualité technologie versus écologie à venir, et par là le XXIe siècle artistique.

 

En effet, huit ans après avoir côtoyé le coyote de l’Amérique autochtone à New York City avec sa performance chamanique I Like America and America likes Me (1974), et après avoir présenté sa sculpture sociale de pompe à miel, un dispositif sculptural de soutien à ses actions comme militant du Parti Vert, de la Free International University (FIU) opposant l’art à la société, Joseph Beuys récidive avec son colossal projet de sculpture environnementale de plantation des 7000 chênes pour changer les perceptions et reboiser les villes (la Dia Art Foundation est le mandataire de l’œuvre demeurée inachevée). Se joint à lui le peintre argentin Nicolas Uriburu, seul artiste invité de l’hémisphère sud à l’événement, lui qui met en œuvres des gestes d’éclats - la coloration des eaux des canaux lors de la Biennale de Venise de 1968, celle des fontaines publiques de Kassel en 1982 et sa gigantesque peinture Amazonie. Poumon de la Terre à la biennale de la Havane en 1994, pour la survie de l’Amazonie.

 

L’atelier d’art politiquement engagé est une manœuvre réseau réunissant trois collectifs [17]. Il y a le collectif Inter / le Lieu de Québec qui met de l’avant l’art performance - Je m’y fais d’ailleurs complice de Richard Martel pour la performance Le Traité de la farine qui dénonce le colonialisme dans l’Amérique Autochtone.

 

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Rare photographie d’un moment de la performance Le Traité de la farine. Les complices, Richard Martel en pantalon bleu et Guy Sioui Durand en pantalon rouge, mettent le feu à un mélange de farine et de poudre lors de l’atelier d’art politiquement engagé à la Dokumenta 7 de Kassel en 1982. L’action dénonce en sol européen les Traités d’alliance trahis par les colonisateurs français aux dépends des Premiers Peuples XVIIIe et XIXe siècle. Crédit photo : Guy Sioui Durand.

Notre groupe y rejoint le collectif français d’art sociologique et ses dispositifs interrogeant l’art et la société autour d’Hervé Fischer - ce dernier introduit en signalétique son approche de la mythanalyse [18] -, ainsi que le collectif allemand d’activistes écologistes avec comme figure de proue, l’artiste Klaus Staek. L’atelier reçoit Nicolas Uriburu et le critique d’art Pierre Restany, auteur prophétique de l’art écologique par son Manifeste du Rio Negro. Du naturalisme intégral, rédigé en Amazonie en août 1978 : « L’Amazone constitue aujourd’hui sur notre planète l’ultime réservoir refuge de la nature intégrale. Quel type d’art, quel système de langage peut susciter une telle ambiance exceptionnelle à tous points de vue, exorbitante par rapport au sens commun ? Un naturalisme de type essentialiste et fondamental, qui s’oppose au réalisme et à la continuité de l’esprit réaliste métaphore du pouvoir, pouvoir religieux, pouvoir d’argent à l’époque de la Renaissance, pouvoir politique par la suite, réalisme bourgeois, réalisme socialiste, pouvoir de la société de consommation. Le naturalisme traduit un autre état de la sensibilité, une ouverture majeure de la conscience…. Cette option n’est pas seulement critique, elle ne se limite pas à exprimer la crainte de l’homme devant le danger que fait courir à la nature l’excès de civilisation industrielle à la conscience planétaire. Après des siècles de " tyrannie de l’objet " et sa culminance dans l’apothéose de l’aventure de l’objet comme langage synthétique de la société de consommation, l’art doute de sa justification matérielle. Le naturalisme intégral est une réponse… une véritable mutation et la dématérialisation de l’objet d’art, son interprétation idéaliste, le retour au sens caché des choses et à leur "symbologie"…Il s’agit de lutter beaucoup plus contre la pollution subjective que contre la pollution objective, la pollution des sens et du cerveau, beaucoup plus que celle de l’air ou de l’eau » [19].

 

L’art écologique, sans autre alternative

 

En 2020, la Mère Terre hurle : cataclysmes naturels, réchauffements climatiques, disparition des zones vertes, de la flore et de la faune, épidémies : des résultantes que la science mesure. Bien que toutes les formes de société soient désormais largement sous l’emprise de la technologie (production, diffusion, consommation), ce que l’on entend par ART ne s’y enferme peut-être pas totalement. Nous avons toujours affaire avec la Nature par la puissance de nos rêves! C’est là aussi, l’aboutissement de l’art environnemental et autres pratiques d’art dématérialisées dont l’art performance mais aussi de mouvements successifs d’art situationniste, d’art sociologique, d’esthétique relationnelle, d’art avec, dans et pour les communautés, qui demeurent certes aux marges.

 

Les artistes citoyennes-citoyens sont convoqués. C’est l’art vert, sans autre alternative. Il y va d’un parti pris, sans autre alternative, pour des pratiques socio-artistiques écologiques, au sens de bienveillance, de guérison et de protection de l’écosystème, une réalité naturelle face à la tendance dominante des arts issus des technologies numériques. Il n’y a guère d’échappatoire à ce face à face.

 

Dans le concept d’esthétique il y a le mot éthique. Ce qui signifie une responsabilité expressive-symbolique, qui incite aux pratiques humanistes et écologistes. On la retrouve dans le vaste mouvement altermondialiste auxquels se joignent les artistes écologistes. La bienveillance (protection et restauration) envers la Nature y est de mise. D’où ce nécessaire parti pris géopolitique pour un art écologique contre les tendances toxiques de la société technologique capitaliste hypermoderne. À mon avis, cette posture l’emporte sur toutes les autres variantes des rapports de la société versus l’art et vice versa. 

 

L’historien et critique d’art Paul Ardenne, se positionne entre le doute et l’espoir dans son livre Un art écologique. Création plasticienne et anthropocène (2018), et prend ce virage écologique. Sous sa plume lucide et érudite, Ardenne recontextualise les exigences de cette écologie mentale déjà envisagée par Pierre Restany et Félix Guattari [20] : « pas d’écologie viable si toute la société, en l’ensemble de ses composantes, ne se transforme pas jusqu’à ce stade, l’intronisation, l’institutionnalisation et le vécu au quotidien des rapports interhumains de solidarité, de partage, d’économie participative et de réciprocité » [21].

 

L’historien et critique d’art met l’accent sur différentes éco-œuvres éveillant les prises de conscience et d’éco-art recycleur comme ré-usage du monde mais surtout, il y détecte une autre histoire de l’art en cours et qu’il appelle du néologisme « l’anthropocènart ».  Selon lui, l’évolution de la pensée et de l’écriture artistiques est à synthétiser en trois points de vue: (1) la prédominance du thème écologique et de la question environnementale dans la création, (2) la connectivité des œuvres avec les matériaux, les processus et les milieux de vie naturels, et (3) un archivage technologique éco-solidaire d’œuvres non-destructrices de l’environnement, tendant vers le carbone-neutre en tant que dépense énergétique polluante. Ce faisant Ardenne se rapproche de la vision autochtone quand il note que « l’anthropocènart aspire à devenir un fait social total avant que nous ne soyons acculés à la seule expérience même de la survie » [22].

 

Décoloniser l’art par l’art autochtone

 

Ensauvager l’art ?

 

Une économie de la nature, une politique des territoires équitable et de l’art écologique comme alternative altermondialiste à la société technologique définissent un projet qui ramène les peuples autochtones de partout devant la scène. Nos civilisations ont été, pendant cinq cent ans, écartés de l’Histoire. Les conquérants colonialistes « Blancs » - à mes yeux le Blanc est le capitaliste - les ont maltraitées comme étant des sociétés sans État, ni religion, ni culture. Ils nous ont refoulé comme objet anthropologique. Nous avons été victimes d’ethnocides durant la (trop) longue époque coloniale. Notre résilience et nos luttes de résistance rejoignent maintenant l’actuelle crise environnementale et morale. En ce sens, la conjoncture actuelle en appelle à la décolonisation de l’art par l’art autochtone pour renouveler nos relations [23]. Cela exige une révision ontologique épistémologique, éthique et esthétique non seulement pour qui nous sommes mais chez tous les Onkweongwe’s, les vrais « Humains »

 

En tant qu’autochtone Wendat (Huron) et sociologue de l’art actuel, j’ai trouvé ma place dans ce que j’ai nommé le retour de celles et ceux que j’appelle les nouveaux Chasseurs / Chamanes / Guerriers par l’art [24]. Leurs présences et pratiques mettent en branle les trois stratégies écologiques qui considèrent le fait d’Américité total ou, fait social total: comme vision spirituelle du monde, comme expressivité symbolique en œuvres et comme géopolitique des luttes territoriales là où nous sommes.

 

L’ohte’rah’

 

Chaque langue découpe la réalité selon une vision qui lui est propre. L’ohte’rah’ est un concept fondateur dans ma langue huronne-iroquoise. Il condense l’essentiel de la vision du monde qui prévaut d’une manière générale dans les sociétés autochtones, que ce soit chez les Guaranis, les Mayas, les Hopis, les Lakotahs, les Gitxsan’, les Cris des Plaines, les Anishnabes et les Haudenosaunes, les Wendat et les Inuit d’Amérique, les Samis d’Europe, les Berbères et les Masais d’Afrique, les Ainus et les Veddhas d’Asie ou les Maoris d’Océanie. Ohte’rah’ veut dire vision du monde holiste, animiste, circulaire et inclusive qui indivise toutes les énergies et formes de vie, la conception du temps et de l’espace. C’est la conscience que nous avons de l’univers, de la planète, de nous, les Humains, et par là, de la vie en société.  Spirituelle au sens général de la vie des idées, et pragmatique comme théorie de l’action sociétale et individuelle, c’est l’équivalent de la fusion des notions occidentales de religion (croyances), de théorie générale (science) et de fait social total (sociologie) en y ajoutant la conception mythologique des rapports avec la nature, les animaux, la flore et le monde des esprits comme culture qui détermine les échanges économiques, politiques, technologiques et symboliques.

 

Selon cette ontologie globale, chaque chose, chaque geste peut être analysé comme un fait social total, c’est-à-dire mettant en branle l’ensemble de la société. C’est là un concept fondamental des sciences humaines que les premiers anthropologues et sociologues ont observé dans les Potlasch et les Makushams, ces grands rassemblements festifs aux allures de happening et d’art total chez les Premiers peuples d’Amérique du Nord. C’est une théorie générale de l’action individualisée en société, qui détermine sans les fragmenter ou les diviser les savoirs (les connaissances mythologiques et scientifiques), les savoir-faire (la technologie) et le savoir-vivre ensemble (la culture qui a préséance sur l’économie et la politique). Plus important, et c’est ce qui rend pertinente la vision du monde autochtone, c’est qu’elle est, parce que reconnaissante des éléments de la Nature, foncièrement écologique. Qui plus est, elle ne s’oppose pas à la technologie. Elle la conçoit cependant comme un outil et un médium soumis aux finalités de la culture commune plutôt qu’une puissance autonome, indépendante et dominante, ou comme une fin en soi. On peut même observer que les avancées de connectivités spirituelles et empiriques se rapprochent de la fameuse allégorie des communications comme « village global », l’utopie de McLuhan, plutôt que de la globalisation du GAFA. L’importance accordée aux rêves et aux récits mythologiques fabuleux y rejoint la science-fiction et les fantasmagories virtuelles des arts numériques. Théoriquement, éthiquement et esthétiquement, l’ohte’rah autochtone s’oppose à la logique de la fragmentation de la connaissance -- dont celle des sciences humaines compartimentées en archéologie, paléontologie, anthropologie, sociologie, histoire sciences politiques, relations industrielles, sociologie des industries culturelles et du tourisme, histoire, etc. - au profit de l’herméneutique et contre les surproductions matérialistes polluantes, inégales et destructrice de l’environnement.

 

L’ohte’rah est la matrice écologique d’harmonie avec la Mère Terre comme perspective de recherche d’équilibres incessants fondés sur le don et le contre-don, les remerciements (rituels, festins et arts) et la guérison (féminisme et communautarisme). À cet égard la figure du chamane est, en quelque sorte, l’équivalent de l’intellectuel, du scientifique et surtout de l’artiste hypermodernes, quant à la production de l’imaginaire et à la transmission des savoirs, savoir-faire et savoir vivre ensemble. Il dialogue avec les Okis, les esprits protecteurs de la forêt, l’esprit des animaux dont Papakassik le grand maître des caribous, mais aussi avec l’esprit fabuleux du Trickster, l’influenceur de tous les artistes.

 

L’esprit du Trickster

 

La jonction écologique symbolique entre le coyote de l’Amérique d’un Joseph Beuys et le Coyote Trickster des Premières nations - I like America and America likes me - a bel et bien eu lieu. C’est que deux êtres vivants, l’arbre et le coyote, symbolisent la fusion des visions militantes et artistiques écologiques.

 

L’arbre, lui-même un écosystème plein de vie, est un symbole et une référence. Il incarne le territoire comme milieu de vie et d’identité. Par exemple, le grand pin blanc est l’arbre de la paix chez les Iroquoiens. Les arbres, et par extension la flore, sont vitaux. Les médecines traditionnalistes proviennent des plantes médicinales, la nourriture des animaux et des poissons, tandis que les rythmes saisonniers modulent les rituels de remerciements.

 

Dans l’Ouest c’est le corbeau, dans les Prairies c’est le coyote, dans l’Est c’est le carcajou ou le lapin. Ils incarnent la forme animalière du Trickster, ce personnage fabuleux des récits mythologiques mais aussi la métaphore de l’artiste pour nous, les Autochtones. Son esprit est présent lors des nombreux symposiums d’art-nature tant dans nos territoires (ex. : Nitassinan, Niskastinan, Nionwentsïo) que sur les scènes locales et mondiales de l’art contemporain. L’ensemble des œuvres créées par les nouveaux Chasseurs / Chamanes / Guerriers que sont les artistes autochtones, par leur humour critique s’en inspirent en s’identifiant aux ruses animalières du Trickster. S’y ajoute, principalement dans l’art des femmes, la bienveillance pour la Mère Terre notamment par un art de guérison mentale et environnementale.

 

Ce n’est pas une coïncidence si, en 1974, année de la performance de Beuys à New York, démarrait à La Macaza en territoire Attikamew au Québec, l’aventure subversive du Collège Manitou, la première institution d’enseignement panaméricaine autochtone. Après trois ans d’effervescence et d’activisme, elle sera fermée par l’armée. Ce qui n’empêchera pas l’artiste d’origine Tepehuanes, Domingo Cisneros d’y former une nouvelle génération qui a fait évoluer l’artisanat folklorique vers l’art contemporain. Du Collège Manitou aux groupes Territoires culturels qu’il contribuera à mettre sur pied en Haute Matawinie, Cisneros maintiendra un radicalisme chamanique d’initié. Il sera commissaire d’art-nature dans les fameuses expéditions dans la Zona del Silencio au Mexique (1985 et 1990). En tant qu’artiste nomade (au Canada, au Mexique, en Norvège et en France), ses œuvres in situ, sculptures et installations puissantes utilisent les éléments animaliers (ex. : sa série de bestiaires Sky Bones, 1981-1995) et végétaux - dont Wampum 400’, le plus grand wampum comme installation rappelant la mise en réserves des Premières Nations et leur résilience. L’installation a été créée en duo avec Sonia Robertson à Espace 400 lors des festivités Québec 1608-2008 -.

 

Là où nous sommes

 

Les œuvres des artistes autochtones s’inscrivent géopolitiquement dans les mouvements et luttes non seulement de revendications des territoires usurpés mais comme luttes écologiques. C’est ainsi que l’icône visuelle créée par l’artiste Karoniaktajeh Louis Hall de Kahnawake est devenue le drapeau de la Société des Guerriers (Warriors), célèbre depuis de la crise de Kahnesatake / Oka en 1990. Son effigie est devenue l’emblème de toutes les luttes autochtones. Il flotte au-dessus de chaque conflit. Comme les luttes des mouvements sociaux, la présence de l’art autochtone est « glocale » : internationale et dans les communautés.

 

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Hiver 2020, au Collège Kiuna - qui signifie en langue abénakise « C’est à nous » -, dans la réserve d’Odanak. Le déploiement du drapeau de la Société des guerriers Mohawks avec ma classe d’étudiant(e)s d’art autochtone est présenté comme manœuvre de solidarité avec les luttes des Premières Nations Wetsu’weten’ dans l’Ouest canadien et des Sioux Lakotah aux USA contre les tentatives par les multinationales de faire passer des pipelines pétroliers sur leurs territoires. Crédit photo : Guy Sioui Durand.

Inter-nations

 

Malgré les conquêtes et les tentatives de génocides et d’acculturation, les peuples autochtones se battent encore pour la survie de leurs territoires du Sud au Nord, d’Est en Ouest des trois Amériques. Dans ces luttes réelles et cruelles, on retrouve des solidarités inter-nations sur tout le continent. Ainsi les Innus qui se battent eux sur la Côte Nord appuient-ils toutes les luttes environnementales en cours – déforestation, exploitation minière, pipelines pétroliers - des Guaranis qui se battent en Amazonie. Les Kanien’ke a :ka (Mohawks) soutiennent quant à eux les luttes des Mayas du Guatemala, des Sioux Lakotahs aux USA et des Wet’suwe’tens dans l’Ouest canadien en plus de défendre leurs propres territoires contre les promoteurs immobiliers. Il est aussi intéressant de noter les appuis d’organismes allochtones souvent mis de l’avant par des artistes.  Je pense ici aux groupes Aquaverde en Suisse et en France.

 

Dans la lignée de la grande œuvre du peintre chamane Anishinabe Norval « Copper Thunderbid Morrisseau » lors de la controversée grande exposition Les Magiciens de la Terre au Centre Georges Pompidou à Paris en 1989, suivront d’autre artistes autochtones sur la scène internationale de l’art. Soulignons l’impact d’Edward Poitras, dont la sculpture de Coyote produite avec les ossements de plusieurs bêtes de l’espèce, impressionnera au point de devenir le logo des communications de la prestigieuse Biennale de Venise en 1995. Il y aura l’invitation faite au cinéaste et vidéaste Inuit Zacharias Kunuk via ses vidéos expérimentaux du Grand Nord à la Dokumenta de Kassel en 2002. Il en sera de même pour l’artiste Anishnabe Rebecca Belmore, dont l’esprit performatif rendant visible le sens sacré des éléments, ici l’eau, fera de son installation multimédias Fountain, où l’eau vire au sang, une œuvre marquante de l’édition 2005 de la même Biennale à Venise. 

 

Dans nos communautés

 

Malgré son décès tragique à trente-trois ans, l’influence de l’artiste PekuamIlnuatsh Diane Robertson, connectée à « l’Esprit des Animaux », son chef d’œuvre (1992), perdurera dans la suite ininterrompue d’événements d’art nature in situ dans les communautés et territoires autochtones. La réserve de Mashteuiatsh, sa communauté d’origine, sous l’impulsion de sa sœur Sonia Robertson qui reprendra le flambeau, est un milieu effervescent d’art écologique depuis le Symposium Nishk E Thiptamuk / Sous le regard de l’outarde en 1994 jusqu’au Symposium d’art de la Terre (Land Art) Que soufflent les Esprits de 2018 en passant par Renaître / Cumbre Tajin, un échange autochtone Mashtuiatsh / Tajin au Mexique, et les éditions d’oralités performatives et mythologiques Atalukan.

 

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Œuvre in situ entièrement faite de matériaux naturels par l’artiste Atikamekw Eruoma Awashish, l’installation à été réalisée pour le Symposium d’art-nature (« Land Art ») Que soufflent les Esprits. L’événement a pris forme dans la communauté des PekuakamIlnuatsh à Mashteuiatsh lors de l’équinoxe d’automne 2018. Observez le capteur de rêves en suspension assurant le passage entre les modes visibles et cachés. Il est créé avec des branches seulement pliées et attachées. Au sol, les pierres tracent le cercle, symbole de la vision de l’ohterah’ dans lequel on retrouve des épis faits de branches de cèdre et des pierres enrubannées d’un fil rouge, signe de protection pour les voyageurs nomades. Ces artefacts sont investis des Okis, les esprits protecteurs de la forêt, pour être offerts aux gens venus participer. Appliquant la logique du don et du contre-don compris comme « fait social total » propre aux rassemblements que sont les Potlaschs et les Makushams, cette du Symposium en territoire autochtone, réalise un art écologique harmonieux avec la Mère Terre. Commissaire Sonia Robertson, artistes : Domingo Cisnéros, Sophie Kurtness, Edwidge Leblanc et Eruoma Awashish) Crédit photo : Guy Sioui Durand.

Il en va de même pour la théâtralité rituelle de guérison d’Ondinnok du Wendat Yves Sioui Durand en performances ainsi que les œuvres d’Eruoma Awashish et de Jacques Newashish (Atikamekw), de Kegos Papatie (Algonquin) et de Sophie Kurtness (PekuakamIlnuatsh). Depuis 2011, le Collège Kiuna a pris le relais du Collège Manitou. J’y ai créé le prix Manitou / Kiuna qui est remis à un(e) artiste émergent(e) depuis 2017.

 

Ensemble sur le dos d’Yändiawish

 

L’enjeu premier est la survie de l’espèce humaine sur Yändiawish, la Grande Tortue qui vogue dans le cosmos. Voilà une image autant en provenance d’un récit mythologique que d’une image virtuelle. Retenons pour nos fins qu’il s’agit de la « Mère Terre », notre planète. C’est une belle expression sensible. Elle inclut la mémoire des Anciens et des Aîné(e)s parce que nous marchons dans leurs pas, sur leurs traces. C’est encore l’expression d’un respect féminisé des territoires vivaces et vitaux. L’appellation est autochtone : Pachamama en Amérique du Sud et Great Turtle en Nord Amérique. Elle resurgit avec le nouveau millénaire. Elle est évoquée dans tous les Sommets altermondialistes et environnementaux depuis le Forum Social Mondial de Porto Alegre en 2001. Ainsi, l’ONU a décrété le 22 avril journée mondiale de la Terre Mère en 2009, lors de la bien nommée Conférence Mondiale des Peuples sur le Changement Climatique et les Droits de la Mère Terre, en Bolivie !

 

Du mythe à l’activisme notre parti pris altermondialiste assume concrètement la protection et la réparation de nos rapports avec l’environnement, convoquant symboliquement les rouages de la vie spirituelle (chamanisme, science, religions) et technologie pour harmoniser réalités naturelles et virtuelles et la bienveillance anthropocène. La technologie est dans l’art sans distinction entre le traditionnel et le contemporain, l’artisanat et l’avant-garde, la théâtralité rituelle et les expériences immersives. Ce sont des entre-deux mondes où la créativité autochtone crée un passage. Parmi celles qui ne font que s’inscrire dans le mainstream, il faut savoir détecter ces œuvres initiées et initiatrices qui amènent à l’avant-plan visible, ce qui est caché, à savoir nos rêves, les sensibilités et les énergies de tout ce qui vit, vibre. C’est là, le second enjeu : ensauvager la pensée critique par la puissance de nos rêves pour y maintenir vivaces toutes les formes de vie, en luttant contre le désastre environnemental et contre les dénis et oublis hypermodernes.

 

C’est en ce sens, qu’au terme de l’odyssée d’Assassin’s Creed, la réponse que chuchotera dans sa langue mohawk le Chasseur / Chamane / Guerrier virtuel Kanien’ke a :ka (Iroquois) Ratonhnaké:ton au Sphinx 2.0, fera songer Œdipe. Elle sera comme le vent et la technologie, que l’on ne voit pas mais que l’on ressent : ensemble pour demain [25] !

 

Voilà à nouveau un horizon révolutionnaire [26].

 

Notes

 

[1] Hervé Fischer, Le choc du numérique. À l’aube d’une nouvelle civilisation, le triomphe des cyberprimitifs, Vlb Éditeur Montréal, 2001.

[2] Michel Freitag (avec la collaboration de Yves Bonny, 2002), L’oubli de la société. Pour une théorie critique de la postmodernité, Québec, les Presses de l’Université Laval, p. 417.

[3] Guy Sioui Durand, L’art comme alternative. Réseaux et pratiques d’art parallèle au Québec, 1976-1996, Les Éditions Intervention, Québec, 1997.

[4] Marshall, Mcluhan, Pour comprendre les médias. Les prolongements technologiques de l’homme, Les Éditions HMH, Montréal, 1968.

[5] André Leroi-Gourhan, Le Geste et la Parole, vol.1 Technique et Langage, vol.2 La Mémoire et les rythmes, Albin Michel, Paris, 1964-1965.

[6] Hervé Fischer Mythanalyse des liens. Inter, (101), 2008, 21–22. Lire aussi (2001) Le choc du numérique. À l’aube d’une nouvelle civilisation, le triomphe des cyberprimitifs, Montréal : Vlb Éditeur, et La divergence du futur, Montréal : Vlb Éditeur (2014).

[7] Thomas Picketti, Le Capital au XXIe siècle, Les Éditions du Seuil, Paris, 2013.

[8] Henri Lefebvre, Critique de la vie quotidienne, III. De la modernité au modernisme (Pour une métaphilosophie du quotidien), L’Arche, Paris, 1981.

[9] Herbert Marcuse, L’homme unidimensionnel. Étude sur l’idéologie de la société industrielle, Les Éditions de Minuit, Paris, 1968.

[10] Yves Michaud, L’art à l’état gazeux. Essai sur le triomphe de l’esthétique, Stock, Paris, 2003.

[11] Gilles Lipovetsky, L’ère du vide. Essai sur l’individualisme contemporain, Gallimard, Paris, 1983.

[12] Paul, Ardenne, Extrême. Esthétiques de la limite dépassée, Flammarion, Paris, 2006.

[13] Hervé Fischer, Mythanalyse des liens, Inter, (101), p. 21-22, 2008.

[14] Alain Deneault, L’économie de la nature, Lux Éditeur, Motréal, 2019.

[15] Robert Hughes, The Shock of the New. The Hundred-year History of Modern Art. Its Rise, Its Dazzling Achievement, Its Fall, Alfred A. Knopf, New York, 1981.

[16] Lucy R. Lippard, Six years: the dematerialization of the art object from 1966 to 1972; a cross-reference book of information on some esthetic boundaries, Praeger, New York, 1973; aussi Mixed blessings: new art in a multicultural America, Pantheon Books, New York, 1990.

[17] Le numéro 17 de la revue Intervention - qui devient Inter, art actuel - d’octobre 1982 relate cette expédition dans son dossier appelé « Attention à l’art ! ».

[18] Hervé Fischer, L’histoire de l’art est terminée, Balland, Paris, 1981.

[19] Pierre Restany, (1978), Manifeste du Rio Negro. Du naturalisme intégral, 1978, www.conseildesarts.org.

[20] Félix Guattari, Les trois écologies, Gallilée, Paris, 1989.

[21] Paul Ardenne, Un art écologique. Création plasticienne et anthropocène, p.249, La Muette. Le bord de l’eau, Bruxelles, 2018.

[22] Paul Ardenne, op. cit., p.262.

[23] Guy Sioui Durand, De la décolonisation par l’art dans dossier Premiers peuples : cartographie d’une libération, revue Liberté, numéro 321 automne, 2018; aussi ; Le ré-ensauvagement par l’art. Le vieil Indien. Les pommes rouges et les Chasseurs / Chamanes / Guerriers », dans dossier La notion d’autochtonie, dirigé par Jean-Philippe Uzel, revue Captures. Théories et pratiques de l’imaginaire, vol. 3 no 1, www.revuecaptures.org.

[24] Guy Sioui Durand, L’Onderha’. Survol de l’art autochtone actuel, dans le dossier « Affirmation Autochtone », revue Inter Art actuel, no 122, hiver 2016, p. 4-19.; aussi Indiens, Indians, Indios, (2010), dossier sur la situation de l’art amérindien au Kébec (Québec) en Kanata (Canada) dans les années 2000, dans Inter, art actuel, no. 104.

[25] Demain, (2015), un film de Cyril Dion et Mélanie Laurent, Montréal : L’Atelier Distribution, Movemovie et Mars Films.

[26] Karl Marx et Friedrich Engels, L’idéologie allemande, Paris : Éditions sociales, édition de 1970.

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