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    Le(s) Sud(s) : champs de l'imaginaire. Le Sud c'est notre Nord
    Mabel Franzone, Alejandro Ruidrejo (dir.)

    M@gm@ vol.8 n.3 Septembre-Décembre 2010

    RÉPONDRE AUX SUDS : IMAGINAIRES ET DÉFIS GÉOPOLITIQUES AUX FRONTIÈRES DU NORD : CAS DU MAROC ET DU MEXIQUE

    Philippe Sierra

    phsierra@yahoo.com
    Agrégé et docteur en Géographie Université Paris 8.

    Maroc et Mexique sont deux Etats qui ont construit depuis une quinzaine d’années un nouveau discours et de nouvelles politiques pour valoriser leur proximité au « Nord ». Alena et Mexamérique d’un côté, quasi intégration au marché européen et péninsule tingitane de l’autre, sont devenues des lignes majeures des discours gouvernementaux.

    Ce faisant, dans le cadre de politiques valorisant, au nom de l’inévitable « globalisation », les régions du nord en tant que zones d’ancrage au « Nord » développé, les Etats ont dû réinventer des messages pour signifier à leurs régions méridionales qu’elles ne sont pas abandonnées. Ce processus a donné lieu à une véritable rhétorique du sud, aux sens géographiques et économiques, révélatrice des représentations géopolitiques anciennes et des nouveaux débats sur le développement. Au Mexique, le « Président de l’alternance », V. Fox, proche des Etats-Unis a ainsi lancé un vaste « Plan Puebla Panama », supranational, au nom d’une sorte de « sud global », en retard mais riche de promesses, incarné à travers la reformulation du concept de Mésoamérique. Il s’agissait également de répondre à un conflit bien établi, celui du Chiapas. Au Maroc, sur le modèle de ce qui avait été lancé pour les « provinces du nord », une « Agence du Sud » a été mise en place avec la volonté d’apporter une nouvelle approche du développement elle-même capable de dépasser le conflit non résolu du Sahara occidental annexé de fait depuis plus de 30 ans. Mais, ces nouveaux regards sur le Sud, ces nouveaux discours de développement se trouvent confrontés à des mouvements d’opposition de Suds porteurs de leurs propres identités et revendiquant une certaine émancipation.

    Aux frontières du Nord : entre construction régionale et frontérisation accentuée
    Les processus de convergence


    Maroc et Mexique sont deux Etats dissemblables, que ce soit en termes de structure socio économique ou d’histoire. Néanmoins, leur situation au contact du Nord économique, conduit à observer de véritables convergences allant dans le sens de la construction de « régions économiques Nord-Sud » (Beckouche P., 2008).

    Figure 1 : Les inégalités de développement

    Le processus est ancien au Mexique, et remonte à la décision de créer des zones au statut spécial à l’origine des maquiladoras. De fait, en quarante ans, la population et la richesse des espaces situés au contact du puissant voisin ont conduit à modifier les équilibres territoriaux. Le passage de l’autre côté de la frontière a également produit la constitution d’une aire culturelle transfrontalière et nommé avec succès Mexamérique en 1981 par le journaliste J. Garreau [1]. Néanmoins, l’observation de la chronologie montre que c’est dans les vingt dernières années que les transformations les plus profondes ont eu lieu. De fait, la mise en route en 1994 de l’ALENA (Accord de Libre Echange Nord Américain) a conduit à un branchement encore accentué de l’économie mexicaine sur celle des Etats-Unis, ce qui s’est traduit démographiquement et économiquement par une croissance accélérée des villes frontalières. Cette croissance alimentée par l’immigration a véritablement reposé sur la construction d’un nouvel imaginaire du territoire, représentant le nord du pays, comme l’espace des possibles, où l’emploi est plus accessible et mieux rémunéré et d’où peut se réaliser le passage de l’autre côté de la frontière. Progressivement, alors que les analyses du Mexique avaient longtemps été focalisées sur une vision catastrophiste d’un México tentaculaire, elles se concentrent de plus en plus sur les succès des nords, comme par exemple les succès de Monterrey, la ville des entrepreneurs.

    Au Maroc, le processus est plus récent et demeure encore limité. Néanmoins, c’est une vision radicalement nouvelle du territoire qui s’est construite. Le nord, longtemps appréhendé par l’Etat comme une périphérie dangereuse (le Rif en révolte) et marginalisée est devenu une région d’avenir. Le processus est frappant pour qui reconsidère des discours vieux d’à peine 15 ans. En effet, en 1996, le Maroc mettait en place une « agence de développement des provinces du nord » chargée de la mise en œuvre de politiques permettant d’assurer le développement et la mise à niveau du nord du Maroc. Derrière les objectifs affichés, il y en avait en fait un autre, clairement signifié aux autorités européennes : celui de lutter contre la culture du cannabis dont le rif marocain est l’une des principales zones de production mondiale. Le début des années 2000 montre au contraire que le nord apparaît comme un espace de tous les projets. Il est ainsi frappant de lire le Schéma National d’Aménagement du territoire, publié en 2003 au terme de trois années de réflexion, qui classe ainsi parmi les pôles de croissance l’espace de Tanger-Tétouan, en synergie avec l’espace européen. De fait, la péninsule de Tanger, « angle vif » du Maroc pour reprendre l’expression de Jean François Troin [2], apparaît comme la nouvelle zone d’avenir du Maroc, celle qui voit une multiplication d’installations d’entreprises et dans laquelle le projet phare de création du port de Tanger Med, semble être le plus grand chantier du Royaume.

    La question frontière

    Ce basculement des territoires vers le nord traduit aussi un autre effet conjoint qui est dans tous les imaginaires, celui de la dissymétrie frontalière et en particulier de l’effet forteresse lié au renforcement des politiques de contrôle du passage entre Sud et Nord. La limite Nord/Sud des manuels scolaires français n’est pas une simple discontinuité socioéconomique mais bien une frontière politique, vécue comme telle de part et d’autre, ayant valeur ethno-économique c'est-à-dire dont l’intérêt est avant tout de protéger d’une menace migrante porteuse d’une pauvreté indigeste (« on ne peut pas accueillir toute la misère du monde ») et/ou d’une menace pour les identités (voir les discours sur l’identité nationale [3]). Cette valeur donnée à la frontière, explique qu’elle a réorienté les politiques du Nord, aux Etats-Unis comme dans l’Union européenne, vers sa consolidation. Un indice est flagrant : quand l’Union européenne est parvenue à construire des politiques sécuritaires communes en matière de lutte contre l’immigration, elle n’a pas encore su élaborer une politique commune du droit d’asile.

    Figure 2 : L’intégration européenne et les enjeux de voisinage

    Les frontières méridionales de l’Union européenne et des Etats-Unis se sont ainsi trouvées considérablement renforcées, selon un processus juridique qui a par ailleurs tendu à complexifier la frontière, à dépasser cette ligne érigée en repère. Faut-il parler, comme certains anglo-saxons, de fusy border, « frontière floue » ? En effet, la frontière pour les migrations se joue en plusieurs lieux qui ne s’emboîtent pas aisément. A travers « les papiers », c'est-à-dire essentiellement le visa, la vraie frontière est vécue dans les consulats, ambassades ou préfectures. Mais le non passage de cette première barrière, à laquelle tout le monde ne se soumet pas forcément, nécessite de passer les autres obstacles. Or, les politiques tant européennes qu’américaines ont conduit à constituer un véritable glacis de protection, faisant se démultiplier la frontière en une série d’enveloppes complexes. Du côté nord américain, la collaboration s’est engagée à partir des années 2000. Les mexicains espéraient que la contrepartie de cette coopération serait, à défaut d’un « ALENA plus » intégrant le libre mouvement des travailleurs sur le modèle européen [4], un accord migratoire global. Celui-ci aurait dû alors permettre une régularisation massive des nationaux en situation irrégulière présents sur le sol du puissant voisin. Elle a conduit à une sécurisation de la frontière sud du Mexique, qui devient une première barrière aux migrations clandestines continentales issues d’Amérique centrale. Le 11 septembre 2001 a totalement remis en cause toute possibilité d’un accord, en accentuant définitivement le point de vue sécuritaire et en 2002, ce sont les trois pays de l’ALENA qui s’entendent sur la construction d’une frontière commune à l’Amérique du Nord, le « périmètre de sécurité nord-américain ».

    En Europe, la politique de bon voisinage s’est également assortie d’une impulsion en termes de contrôle frontalier. Conséquence défendue comme logique de l’espace de libre circulation des personnes institué par les accords de Schengen, ce contrôle s’est d’ailleurs institutionnalisé à travers le programme frontex spécifiquement dédié à la surveillance des frontière. Elle se note aussi à travers les financements alloués dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen engagé avec la Conférence de Barcelone. Meda, qui correspond à l’instrument financier pour la mise en œuvre de ce partenariat, intègre ainsi en 2002 dans son programme indicatif national un chapitre « contrôle frontalier » mais aussi un chapitre « Provinces du Nord ». Or, cette zone apparaît en tant que tel comme espace à aider parce que les autorités espagnoles ont noté la prééminence de ces régions dans l’alimentation de l’immigration illégale du sud de l’Espagne. La coopération du Maroc avec l’Union européenne, si elle a été limitée avec le refus de l’établissement de camps de rétention, s’est clairement établie dans le cadre de la surveillance des migrations de transit et du littoral. Après le contrôle du détroit, la surveillance de la côte du sud ouest marocain, point de départ vers les îles Canaries est l’objet d’une coopération étroite. Le contact du Maroc et du Mexique avec le Nord économique a donc produit une double convergence. D’abord en termes de stratégie de développement, celle-ci étant de plus en plus fondée sur les atouts de la proximité avec les pays du Nord, ce qui dénote une régionalisation de l’économie mondiale. Ensuite en termes de contrepartie, avec une coopération plus ou moins admise dans le contrôle des flux migratoires à destination du Nord.

    Les nouveaux regards sur le territoire

    La convergence vers le Nord, la focalisation utilitariste des politiques de développement territorial, les choix des investisseurs, permettent de concevoir ces espaces supposés gagnants comme participant d’une même logique.

    Pourtant, inévitablement, doit se poser la question des espaces éloignés. Le vieux schéma Centre-Périphérie se trouve reformulé sous celui contact/lien-éloignement. A ces titres suds mexicains et suds marocains participent d’une même logique en termes de configuration géographique. C'est-à-dire que les terres du tropique humide et celles du Sahara, la révolte néo-zapatiste du Chiapas mexicain et le mouvement indépendantiste sahraoui du Sahara occidental, en dépit du hiatus qui les sépare, voient leur position redéfinie par rapport au nord et à leur difficile insertion dans la Mondialisation et non plus par rapport au centre traditionnel. Leur situation en position d’éloignement des nouvelles régions gagnantes, la focalisation sur les thématiques économiques, leur donne sens en tant qu’espaces d’un sud éloigné. Ce faisant, c’est bien à une reformulation du regard sur ces suds que l’on assiste, dans laquelle des imaginaires d’un sud qui du fait de sa situation géographique serait inévitablement différent.

    Mexique : le basculement des regards vers le sud

    C’est au Mexique que la transformation du regard sur le territoire s’est exprimée le plus tôt et avec le plus de clarté. L’abandon d’une vision égalitariste du territoire national a été la conséquence du tournant libéral pris par le pays à partir des années quatre-vingt. Les politiques d’aménagement du territoire n’ont plus consisté à répartir au mieux les activités sur l’ensemble du pays et à délester Mexico mais à réfléchir au devenir des territoires dans le cadre de la Mondialisation.

    Les élections de l’alternance de 2000, ont donné la victoire au PAN, le parti libéral, dominé par des entrepreneurs du nord. La figure même du vainqueur était symbolique : Vicente FOX, entrepreneur proche des Etats Unis, dirigeant d’une grande firme multinationale. Cela pouvait être lu comme une victoire du nord. Or, l’un des premiers actes forts de Fox, qui avait promis de régler le problème du Chiapas en « un quart d’heure » fut justement d’accepter une partie des demandes des néo zapatistes et de les sortir ainsi d’une illégalité. Il annonce rapidement la mise en place d’un vaste plan de développement du sud du pays en réponse à la coupure entre deux Mexique. Ce « Plan Puebla Panama », officiellement lancé lors de sa tournée en Amérique centrale en septembre 2001, largement préparé sous l’administration précédente, apparaît comme une réponse globale aux retards du sud. Ce faisant, il s’affirme comme radicalement nouveau et constitue un révélateur marquant de l’imaginaire d’une sorte de « sud global », économiquement pauvre mais culturellement riche, rappel politique fort que le « sud existe aussi » [5].

    La définition géographique de l’espace d’intervention est en soi particulièrement intéressante à rappeler. Les sept Etats du sud-est mexicain (Yucatan, Tabasco, Chiapas, Oaxaca, Veracruz, Campeche, Quintana Roo, Puebla) sont ainsi englobés dans un même ensemble. On y trouve donc aussi bien les régions les plus pauvres du Chiapas et de Oaxaca que des espaces extrêmement dynamiques comme Cancún. C’est un regroupement nouveau, car jusqu’alors on opposait plutôt les espaces du Pacifique sud, globalement en retard de développement de ceux du golfe du Mexique, ayant profité des installations pétrochimiques et du tourisme.

    Pourtant, ce n’est pas là le plus important : car l’espace d’action se veut en fait supranational et inclue les pays d’Amérique centrale. Il s’agit de présenter un plan à l’échelle de tout le « Sud Sud-Est », c’est à dire de toute la « Mésoamérique ». La logique est alors claire : le Mexique semble être coupé en deux. A la « Mexamérique » intégrée à l’ALENA et donc au Nord économique, s’opposerait une partie du Mexique, « mésoaméricaine » et donc en retard de développement. Le sud-est au sens géographique devient Sud au sens économique voire métaphorique. Ce faisant, l’Etat mexicain noie la question de la rébellion néozapatiste du Chiapas dans un champ plus vaste, et la raccroche aux spécificités de ce vaste ensemble mésoaméricain qui prend l’image d’un véritable « sud global ». Il faut dès lors « favoriser la richesse humaine et écologique dans le cadre d’un développement durable qui respecte la diversité culturelle et ethnique » [6] .

    A ce propos, l’emploi du terme « Mésoamérique » est tout à fait révélateur de la manière dont ce sud est imaginé. L’expression n’est pas nouvelle, elle remonte à un article de l’archéologue Paul Kirchhof publié en 1943 [7], et désignait l’aire culturelle des civilisations anciennes mayas et náhuatls. Le terme n’est sorti du champ de l’anthropologie historique qu’à la fin des années quatre-vingt dix avec le projet de création d’un « corridor biologique mésoaméricain » [8]. Et ce n’est qu’en 2000, lors du quatrième sommet de Tuxtla [9], que l’idée de région mésoaméricaine apparaît, reprise rapidement pour désigner l’espace d’action du PPP. Ce ne sont donc pas seulement des régions méridionales, mais bien un ensemble qui aurait une unité culturelle fondée sur un héritage historique commun. En insistant sur les richesses culturelles et naturelles, le plan ne fait que repousser l’idée largement ancrée dans les représentations communes de la population d’un sud à la traîne et couteux en aides de l’Etat. La promesse qui est faite est, somme toute, d’attirer, grâce à de nouvelles infrastructures, les investissements nécessaires au décollage économique de cet espace. A lire le plan et les discours qui l’ont accompagné, il s’agit de sortir de l’image d’un espace éclaté uniquement marginal entièrement assisté par le centre, en lui donnant les moyens de s’insérer dans la mondialisation. La diversité des suds est donc noyée dans une vision globalisante faisant de leur interconnexion la solution aux problèmes de développement.

    Maroc : la rhétorique de l’Agence du Sud

    Au Maroc, les années 2000 correspondent également à un nouveau discours globalisant sur le sud. Hassan II avait construit l’union sacrée de la nation autour de son roi sur la « récupération » des territoires sahariens colonisés par les Espagnols. La Marche Verte de 1975 - au cours de laquelle trois cent cinquante mille marocains armés d’un Coran avaient symboliquement pris possession du Sahara occidental - est un événement sacré et célébré chaque année. Depuis 1975, les territoires sahariens sont au cœur des préoccupations de l’Etat marocain. A l’extérieur, puisque l’annexion n’est pas reconnue de droit et demeure un objet de litige international. A l’intérieur, puisque le Maroc s’est trouvé en conflit avec le mouvement du front polisario qui considère les marocains comme des colonisateurs et a décrété en 1976 la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD). Le Sahara est donc devenu à la fois un territoire de guerre durant 15 ans, jusqu’au cessez le feu de 1991, et l’objet de toutes les attentions de façon à le « réintégrer » à la nation. Equipements routiers, stations de dessalement de l’eau de mer, développement des villes, création d’importants ports de pêche : autant d’investissements lourds effectués par le Royaume qui y encourage l’installation humaine et le développement économique grâce à des mesures fiscales et sociales. La frontière séparant le Maroc et le territoire contesté est ignorée des cartes et découpages administratifs et une politique basée sur la promotion des ralliements des « séparatistes » est menée dès l’enclenchement du conflit.

    L’échec de la MINURSO, mission de l’ONU chargée de l’organisation d’un référendum d’autodétermination dont les listes électorales achevées en 1999 ne sont pas reconnues par les deux parties, conduit le Maroc à un nouveau discours. Mohamed VI, intronisé en 1999, incarne la transition politique, se déplaçant symboliquement dans les marges du Royaume, que ce soient celles du Nord (le Rif), de l’Oriental ou du Sahara. La décentralisation est à l’ordre du jour, et le Roi, qui privilégie l’expression de « Provinces du Sud » à celle de « Provinces sahariennes », amorce le choix de l’autonomie des régions sahariennes. En 2002, il annonce ainsi la création d’une « Agence du Sud » [10], chargée du développement de ces régions. Créée sur le modèle de celle des Provinces du Nord mise en place quinze ans plus tôt, elle dénote clairement une nouvelle considération du problème saharien. Ce n’est plus le Sahara à intégrer au reste du pays par des investissements massifs. Contrairement au nord ou à l’oriental, la question des infrastructures n’est pas ainsi la plus mise en avant. Le discours est au contraire celui d’un véritable sponsoring territorial, insistant sur la richesse culturelle de ces espaces, selon un regard patrimonialisant. La problématique générale affirme ses préoccupations sociales, indiquant que « l’éradication de l’habitat insalubre, le développement des villages de pêche, le renforcement des infrastructures de base et l’appui aux projets sociaux et de proximité constituent les objectifs majeurs ». Il s’agit, toujours selon l’Agence, de « répondre aux aspirations des habitants » [11] dans le cadre d’un véritable plan de développement intégré.

    L’Agence du Sud participe donc d’un message fort, qui s’adresse à toute la nation, et veut signifier que le Roi n’oublie pas ses marges. Les régions sahariennes ne sont plus tant ces espaces à construire et à intégrer à l’espace national mais des espaces dans lesquels pourraient être mis en avant les nouveaux modèles du royaume mis en exergue au début des années deux mille : nouveau concept de l’autorité, décentralisation et réforme régionale. Somme toute, le processus d’analyse des difficultés géopolitiques apparaît similaire à celui mené au Mexique. La difficulté incarnée par les populations d’un espace est noyée dans un ensemble plus vaste. Comme la révolte néo-zapatiste qui s’expliquerait par les difficultés socio économiques d’un vaste sud au Mexique, les émeutes « séparatistes » de Laayoune et des villes sahariennes seraient le produit des difficultés socioéconomique et de la mauvaise reconnaissance des différences culturelles. Dans les deux cas, le nouveau discours, qui ne met pas en avant ces problèmes politiques majeurs, conduit à les faire croire comme secondaires au regard des aspects socioéconomiques et culturels.

    Les suds rebelles
    Des plans de développement qui accentuent la révolte


    Le Sud au Maroc et au Mexique est donc imaginé par les élites administratives et étatiques comme un ensemble en retard de développement et à repenser dans le cadre de la Mondialisation. Ces nouvelles visions comme ces plans d développement avaient une réelle signification géopolitique. Au Mexique, il s’agissait de marginaliser la révolte néo-zapatiste du Chiapas, en montrant que cette partie du Mexique était partie prenante d’un plus vaste espace en voie de marginalisation. Au Maroc, insister sur le vocable de provinces du sud, dans le cadre d’une refondation des discours de développement participait de la nouvelle stratégie mise en place à l’égard des « séparatistes » sahraouis : montrer que les autorités ont pour soucis de répondre aux spécificités culturelles et économiques d’un sud et non plus de l’intégrer au reste du Maroc.

    Ces plans de développement sont en soi parfaitement révélateurs des nouvelles représentations que se donnent nations et gouvernements de leur territoire. Mais les représentations géopolitiques ainsi formalisées et ces messages de non abandon n’ont pas eu pour effet de calmer les inquiétudes. En mettant sur la scène publique les problèmes généraux de ces espaces, ce sont en fait l’ensemble des inquiétudes qui ont pu se réélaborer et y répondre.

    Le cas est particulièrement flagrant au Mexique. Le Plan Puebla Panama lancé en grande pompe a peu à peu perdu de sa superbe médiatique face aux assauts d’organisations altermondialistes particulièrement efficaces. En fait, le Plan de développement a donné l’occasion à des mouvements très différents de s’unir. En effet, à travers le concept d’une Mésoamérique globalement en retard de développement et à mettre à niveau par rapport à la Mexamérique, c’est le combat d’une autre vision du développement qui va se cristalliser. Au Maroc, les nouveaux discours sur le Sahara à travers les offres mises en avant pour les Provinces du Sud ne mettent pas fin aux révoltes avec de nouvelles émeutes à Laayoune en 2005 et surtout l’expression d’un nouveau foyer de contestation à Sidi Ifni, en limite extérieure de ce vaste sud, qui va porter de nouvelles interrogations.

    Des contre visions construites d’en bas

    Dans les deux cas, la forte impulsion donnée à ces plans a conduit à la construction d’un imaginaire du sud qui n’était que peu présent et qui s’est reformulé à travers une véritable contre vision des schémas proposés.

    Au Mexique, la contestation sociale déjà très présente dans ces régions du sud-est a en effet trouvé dans le Plan Puebla Panama (PPP) un moyen de s’unir malgré sa diversité d’origine. De fait, des mouvements sociaux ou citoyens portant initialement sur des intérêts parfois contradictoires (mouvements paysans, mouvements indiens, pétroliers, écologistes) ont assez rapidement intégré le PPP comme une menace. Entrant dans la sphère altermondialiste, ces mouvements altermondialistes ont ainsi été capable de proposer une véritable contre expertise. En effet, à travers des forums, véritables contre-sommets dans lesquels des délégués d’associations contestatrices démontent point par point les programmes du Plan Puebbla Panama, le rôle de la contre expertise est mis systématiquement en avant. L’usage d’internet permet de diffuser les contre-analyses.

    Au projet de développement supra national, « mésoaméricain », lancé par le pouvoir mexicain, s’oppose ainsi la construction d’une « alliance sociale mésoaméricaine » réunie lors de forums de Xelajú (Guatemala) en novembre 2001 et Managua en juillet 2002. Le double objectif est affiché : informer les populations concernées des « méfaits » du PPP et proposer une alternative. Une multiplication d’initiatives se met en place : semaines pour la diversité biologique et culturelle à San Cristobal de las Casas et à Xelajú, rencontres mésoaméricaines à Tapachula et Managua en mai et juillet 2002…Le Réseau Mexicain d’Action contre le Libre Commerce (RMALC) et le centre de recherches économiques et politiques d’action communautaire (CIEPAC [12]) mettent en place la première rencontre « mésoaméricaine » contre le PPP à Tapachula et un rassemblement d’organisation dans l’AMAP (Alianza Mexicana por la Autodeterminacion de los pueblos) qui organise la lutte contre le PPP à partir de juin 2002. Ce mois là, c’est à Jalapa que le mouvement dans une réunion intitulée « Parce que le Peuple est Premier, non au Plan Puebla-Panamá » [13], décrète le rejet immédiat du plan et les propositions alternatives. Celles-ci, conformément aux vues d’Armando Bartra [14] qui cite les expériences antérieures dans l’exploitation du café, font état d’une conception autogestionnaire des communautés. En particulier réapparaît l’expression de « souveraineté alimentaire » [15], qui devient centrale lors des deuxièmes rencontres mésoaméricaines [16] de Managua au Nicaragua, qui affirment encore la demande d’une réforme agraire intégrale et du choix des petites et moyennes exploitations dans le respect des traditions locales. Selon les organisateurs, plus de mille délégués des ONG des différents Etats concernés et d’autres associations altermondialistes nord américaines et européennes.

    On peut remarquer que ces forces d’opposition admettent ainsi le présupposé, pourtant appuyé sur les conceptions libérales proches de celles défendues par les Etats Unis, qui veut que la création d’infrastructures implique rapidement l’installation d’entreprises et d’activités économiques autres que les activités primaires. Les illustrations d’un petit ouvrage d‘opposition intitulé « l’ABC del PPP » [17] sont tout à fait révélatrices. Elles montrent une prolifération d’usines de type maquiladoras en Amérique centrale dans lesquelles les pauvres indiens sont exploités. Par rapport aux plans de développement touristique, elles évoquent la multiplication d’hôtels où les populations doivent s’engager pour travailler. Bref, pour ces mouvements anti-PPP, le danger du Plan Puebla-Panamá ce n’est pas tant qu’il s’agisse d’un plan de plus, mais qu’il apporte réellement une croissance économique –ce qu’il affirme !- néfaste pour les populations et l’environnement, les deux étant étroitement associées, et qu’il menace la souveraineté de la région en la mettant sous la coupe des intérêts des investisseurs internationaux, au premier rang desquels les Etats-Unis. C’est donc le modèle de la croissance économique telle qu’elle s’est incarnée dans le nord du Mexique ou dans le succès touristique de Cancún qui est contesté. Ainsi, ce qui est notable, c’est que l’expression de cette contestation n’est pas tant une dénonciation des promesses, une mise en évidence de la vacuité des plans de développement ou une contestation des représentations qu’ils portent. Ainsi, les prérequis de l’analyse néolibérale ne sont pas remis en question. On ne met pas en doute le fait que la réalisation d’infrastructures de transports va amener des investisseurs et des usines. On ne remet pas en cause le concept de Mésoamérique. On ne nie pas le discours flatteur de la richesse naturelle de la zone. Bref, ce n’est pas l’efficacité du Plan qui est contestée, mais bien le modèle de développement au sens large. Ces oppositions, même si elles ne s’en réclament pas, se situent alors dans une certaine continuité du « révélateur chiapanèque », pour reprendre l’expression de H.Favre : l’identification des interventions de l’Etat comme une menace [18], et, dans le même temps, le rejet du libéralisme économique.

    Ce faisant, le nouveau regard lancé par le pouvoir est véritablement utilisé par ces mouvements sociaux pour se donner une identité collective qui dépasse l’identification politique commune (l’altermondialisme) pour proclamer une véritable solidarité culturelle sur une base géographique large énoncée par les plus hautes autorités. A travers la contestation du programme de développement, le vaste sud mésoaméricain prend vie et reconstruit un imaginaire résistant et modèle.

    La résistance est aussi le caractère central des mouvements observés dans le sud marocain. La force de ce sentiment est, comme le note M. Keith [19] « deprived of the teleological certainties of revolutionnary socialism, « resistance » has that omnibus quality that vicarious celebration of bloodlettings of other places and a smug reassurance of the gravitas of everydaylife and the political import of the transgressions of the jaywalker ».

    Sidi Ifni, la revendication du sud ?

    Il est toujours difficile de mesurer au Maroc les réponses de la population aux politiques concernant ses régions sahariennes compte tenu de l’importance prise par l’annexion de facto des anciennes colonies espagnoles du Sahara occidental. Identifiée comme une réintégration à la Mère patrie, dans un Etat en quête du « parachèvement de l’intégrité territoriale », la diversité même du Sahara est mal connue, à commencer par les délimitations dudit Sahara occidental qui ne correspond qu’à une petite partie des « Provinces du Sud ».

    Pourtant, c’est à la périphérie immédiate de cet espace que va se jouer l’une des réponses les plus évidentes à la politique saharienne du Royaume. En effet, un mouvement d’une force inédite s’est exprimé à Sidi Ifni, une ancienne petite enclave littorale espagnole, rétrocédée au Maroc en 1969 et incorporée à la Province de Tiznit dont elle forme la limite occidentale méridionale avec la Province saharienne de Guelmim. Petit pays en déprise, dont l’ancienne ville coloniale de ce casernement militaire espagnol n’a fait que vieillir, Ifni est néanmoins connu dans tout le pays comme étant le territoire des Aït Ba Amrane, la tribu résistante, qui de 1958 à 1969 a lutté pour se libérer de la tutelle espagnole et rejoindre le Royaume indépendant depuis 1956. Chaque année sa rétrocession est célébrée comme une étape essentielle de l’histoire du Maroc indépendant.

    Figure 3 : Les Provinces du Sud : limites administratives et problèmes territoriaux

    Or, depuis 2005, cette petite ville est agitée par un mouvement social auquel une très large part de la population prend part. Dans un pays marqué par la multiplication des mouvements protestatifs et/ou revendicatifs, le mouvement d’Ifni aurait pu apparaître comme un mouvement parmi d’autres. Ses revendications, au nombre de cinq procèdent du développement social et territorial et s’intègrent dans le sentiment d’une partie de la population marocaine d’avoir été abandonnée. Il s’agit de l’achèvement du port de pêche afin de créer des emplois, de l’équipement de l’hôpital, de la distribution de cartes d’entraide nationale et de la construction d'une route côtière la reliant à Tan Tan. Mais à ces demandes d’ordre social ou économique, s’ajoute une revendication territoriale, qui est de plus constitue la revendication mise au premier rang : l’érection d’Ifni au rang de province rattachée à la Région de Guelmim-Es Semara, la région saharienne voisine [20]. Cette revendication relève certes de la demande de reconnaissance pour une population incarnant la résistance et qui, largement frappée par le chômage, vit dans le lustre passé de ce qui fut la capitale de l'Afrique Occidentale Espagnole (1946-1958) s'offre sans cesse au regard : aéroport international désaffecté, cinéma, théâtre et zoo abandonnés rappellent le « bon temps » d'un âge idéalisé. Mais elle incarne aussi la volonté de se rapprocher du modèle de développement saharien impulsé par l’Etat, et largement basé sur une assistance spécifique aux populations. Appartenir à l’espace saharien est vécu comme permettant de bénéficier à la fois des investissements économiques et des aides données aux familles et aux jeunes en particulier. Si cette revendication a des fondements géopolitiques locaux en modifiant les découpages électoraux au bénéfice de certains notables locaux, son enjeu est d’une portée nationale et relève exclusivement du Roi. En juin 2008, la répression brutale du mouvement suite au blocus du port en fait un événement national où se trouvent pêle-mêle posées la question de la nature de la transition mais aussi celles de la politique saharienne et de la tournure de la contestation dite séparatiste. Les accusations de séparatisme portées alors à l’encontre de la population d’Ifni, qui n’a jamais soutenu le Polisario, au lieu de la discréditer ont renforcé un sentiment de défiance à l’égard des autorités tout en activant, au niveau des associations d’émigrés les représentant à l’étranger de nouvelles solidarités des populations sahraouies et des interrogations sur le modèle de développement saharien. Une interrogation en filigranes pour l’Etat étant de savoir si les promesses de décentralisation et d’autonomie régionales ne risquait pas, sur fonds de difficultés sociales, de provoquer une extension de la contestation à travers des solidarités inédites à une échelle régionale plus vaste.

    Si, compte tenu des spécificités politiques des suds marocains avec la question majeure du Sahara occidental, on ne peut donc parler d’une véritable reconstruction globale de l’imaginaire du sud, force est de constater que les nouveaux discours n’ont pas seulement été perçus comme un message à forte teneur géopolitique pour promouvoir la « solution autonomiste » promue par le Maroc, mais aussi comme une justification à des revendications locales, participant d’une reconstruction identitaire.

    Conclusions

    Mondialisation et dynamisme des mouvements identitaires participent à la reconsidération des territoires. L’impulsion donnée à l’insertion des nords mexicains et marocains dans l’économie mondiale du fait de leur proximité aux Etats-Unis et à l’Union européenne, dans le cadre d’une intégration en progression, a conduit à une reconsidération des suds de ces deux pays. Zones de tension géopolitique, elles sont devenues au début des années deux mille des espaces sur lesquels les gouvernements ont mis en avant leurs nouveaux discours de développement, conformes aux attentes internationales d’un développement durable et intégré, respectueux des populations locales. Ce faisant, en redéfinissant de larges ensembles, auquel l’Etat signifie qu’ils ne sont pas abandonnés, c’est à la reconstruction de visions d’un sud global que ces programmes de développement participent. Un sud marqué par d’autres richesses qui seraient ses atouts pour s’insérer dans la mondialisation. Mais, ces nouveaux discours se heurtent à des mouvements sociaux qui, loin de disparaître, proposent, en particulier dans le cas du Mexique, un contre-modèle de développement mettant en avant les solidarités héritées d’un sud porteur de valeurs.

    Notes

    1] Garreau J., 1981, the nine nations of North America, H.M.C., Boston.
    2] Troin J.F. (Dir.), 2002, Maroc, régions, pays, territoire, Maisonneuve et Larose, Paris.
    3] Voir en particulier Huntington S., 2006, Qui sommes nous ? Gallimard, Paris.
    4] A peine élu, Vicente Fox, le président mexicain de l’alternance, évoque cette proposition en août 2000.
    5] Dávila, Enrique; Georgina Kessel y Santiago Levy, 2000. El Sur también existe: un ensayo sobre el desarrollo regional de México, México: Subsecretaría de Hacienda y Crédito Público, Subsecretaría de Egresos, mimeo, 66 p., republié dans la revue Economia mexicana, vol. XI, 2002.
    6] Plan Puebla Panamá, 2002 (alors consultable sur le site de la BID).
    7] Kirchoff P., 1943, Mesoamérica, sus límites geográficas, composición étnica y caracteres culturales, Acta Americana, México, I (I), pp. 92-107.
    8] Ce projet a été lancé en 1997 lors du dix-neuvième sommet des présidents centraméricains.
    9] Ces sommets correspondent à des rencontres entre les chefs d’Etat d’Amérique centrale et du Mexique.
    10] Le nom complet est « Agence pour la Promotion et le Développement Economique et Social des Provinces du Sud du Royaume ».
    11] Voir le site officiel de l’Agence du Sud, et plus particulièrement cette page :
    https://www.lagencedusud.gov.ma/problematique_generale.php.
    12] Centro de Investigaciones Economicas y Politicas de Acción Comunitaria. A publié un opuscule très instructif: ciepac, 2002, el abc del plan puebla panama, avec l’aide d’ONG internationales dont France liberté. Chaque page reprend simplement le discours officiel puis en montre les dangers. La couverture qui dit que un autre monde est possible écrit : tout ce que tu dois savoir pour ne pas te laisser avoir (todo lo que necesitas saber para que no te atrape).
    13] “Porque el Pueblo es Primero no al Plan Puebla Panama.”
    14] Cet intellectuel a tenu un rôle important dans la contre-expertise systématique aux projets de développement. On peut lire avec intérêt son article : « Reinventando una identidad colectiva. Foros sociales y encuentros campesinos en Mesoamérica”sur le site : https://osal.clacso.org/dev/article.php3?id_article=95. Dans cet article, il donne sa version des tenants et aboutissants des nombreux forums.
    15] Rappelons que cette expression avait eu grand succès au temps où des gouvernements se revendiquaient du Tiers Monde.
    16] II encuentro campesino mesoamericano, 15 juillet 2002, poursuivi du 16 au 18 juillet par le « Foro mesoamericano frente al PPP « globalicemos la solidaridad ».
    17] « El ABC del PPP ». Réalisé par le CIEPAC centre de recherches économiques et politiques d’action communautaire, une organisation altermondialiste quiprésente également un grand nombre de contre-expertises. Voir le site : www.ciepac.org.
    18] Voir l’analyse de Zermeño S.,1998, le soulèvement zapatiste : pouvoir central et identités sociales, in Debuyst F. et Yépez del Castillo I., 1998. Dans cette analyse, il montre bien comment l’Etat – alors dominé par le PRI, le Parti Révolutionnaire institutionnalisé maître du pouvoir pendant 70 ans- est représenté comme l’adversaire.
    19] Dans la conclusion de l'ouvrage qu'il a édité avec S. Pile: Keith M., in Pile S., Keith M., 1997, Geographies of resistance, Routledge, London and New York.
    20] Sierra P., 2009, Le développement régional vu d’en bas : le mouvement social d’Ifni (sud-ouest marocain), in Mager C. (coord.), 2009, Développement territorial : jeux d’échelles et enjeux méthodologiques, U.N.L., Lausanne.


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