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  • Questioni di genere nelle comunicazioni scientifiche
    Mabel Franzone e Orazio Maria Valastro (a cura di)

    M@gm@ vol.15 n.3 Settembre-Dicembre 2017





    LA MODERNITÉ, L’UNIVERSITÉ ET LES CHERCHEURS : LA PLACE DES FEMMES (L’AMÉRIQUE LATINE ET L’EUROPE)

    Mabel Franzone

    mabel.franzone@gmail.com
    Docteur en Lettres, Professeure Université Nationale de Salta- Argentine.


    Dancing Figures, 2001-2002, bronze
    Magdalena Abakanowicz (Falenty 1930 – Varsavia 2017)

    Notre intention, au départ, était de comparer la place des femmes dans les publications scientifiques, prenant des exemples de l’Europe et de l’Amérique Latine. Mais nous n’avons pas trouvé des études générales sur la question du genre dans les communications scientifiques, ni concernant l’Europe ni concernant l’Amérique Latine, et cela malgré les recherches entamées. Il y a des études des cas ponctuels en Europe et si ces études existent en Amérique Latine, d’où nous écrivons ce papier, elles ne sont pas disponibles ou encore très difficiles à trouver, donc nous pensons qu’elles ne sont pas répertoriées.  La spécificité du sujet a posé des limites, les mêmes que nous avons expérimentées tout au long de la préparation de ce numéro de la revue M@gm@. Mais nous pensons que l’arrivée des analyses sur ce thème ne saurait pas tarder, vu le développement atteint par les études sur la place des femmes dans la recherche et dans le monde académique depuis déjà dix ans.

     

    En effet les études de genre avec ses approches interdisciplinaires ou transdisciplinaires sont encore jeunes et de pouvoir traiter si le système de publications scientifiques a-t-il un genre peut mettre encore du temps. Ces savoirs si bien sont reconnus comme donnant droit à des études thématiques, à des congrès ou à des numéros particuliers des revues ou d’autres publications scientifiques, ils n’ont pas encore atteint un stade où l’on peut y trouver des recherches poussées sur le genre dans la communication scientifique comme contexte de production de données.

     

    Nous avons choisi la figure du chercheur pour cet article parce que derrière toute communication scientifique il y a un chercheur, qui doit attester son appartenance à un laboratoire de recherche, ou suivre une certaine orientation d’études, ou encore de faire partie d’une école déterminée.  Existe-t-il une exigence par rapport au genre ? Pas de façon explicite mais à juger par la quantité de femmes chercheuses de la planète, sans doute il y a quelque chose d’inégale, car elles représentent le 29%, un quart de la totalité de chercheurs [1]. L’inégalité existe aussi parmi les sciences car il y a tendance à respecter les mandats des sciences dures. Une discipline est considéré comme « scientifique » si elle respecte les règles imposées par dites sciences. A cause de ces règles longtemps les sciences sociales ont été bannies de la sphère des sciences et considérées comme des « savoirs », et ce, étant un débat né depuis longtemps qui n’est pas près de finir. D’autre part, les filières des sciences sociales sont les plus suivies par les femmes.

     

    Qui dit « chercheur » dit « université » nous nous sommes donc aussi intéressés en le développement des sciences modernes et l’arrivée des femmes dans les établissements universitaires.

     

    Le paradigme positiviste. Les promesses de la Modernité

     

    Entre les XV et XVI siècles commence la construction d’un modèle de la raison à partir de la révolution scientifique du XVI siècle, modèle développé  dans le domaine des sciences naturelles.  Il naît aussi la perspective dans l’art, ce qui vient révolutionner le dessin ou la peinture, en leur donnant une dimension de profondeur. La distance entre le regard de l’observateur et le tableau, crée tout un monde lisible et organisé à la mesure du point de vue de cet observateur. La crédibilité de cet art « illusoire » est fondée sur la précision  mathématique du point de vue de l’individu, de celui qui regarde. Or, cette découverte entraînera un coût assez élevé, celui du regard immobile. L’illusion est réelle à condition que le tableau soit observé depuis un point déjà déterminé et fixe, rigide.

     

    Cette immobilité du regard déborde vers les sciences. Dans ce contexte naît la Modernité. Pour les Français la modernité commence en 1492, date de l’arrivée de Christoph Colomb en Amérique, la fameuse « découverte de l’Amérique ». Et cette Modernité n’est pas encore finie pour les uns ; pour d’autres nous sommes dans une période appelé « la Surmodernité » (Serge Latouche) et pour d’autres encore nous sommes à la Postmodernité (Michel Maffesoli). Pour la plupart de chercheurs Latino-américains la Postmodernité n’existe point et la Modernité s’étend dès les XVIII-XIX siècles à nos jours, ce qui devient compréhensible si nous tenons en compte que le modèle de la raison véhiculé par la révolution scientifique déjà nommée, c’est-à dire, celle produite par Copernic, Galilée ou Newton, née  dans le XVI, s’étendra aux Sciences Sociales émergeantes seulement dans le XIX.  Pour les Anglo-saxons, la Modernité commence en 1453 quand Byzance tombe sous  l’égide de l’Empire Ottoman et elle sera finie en 1920, date des débuts de la révolution scientifique de la Mécanique Quantique lancée par l’Ecole de Copenhague. 

     

    Quoi qu’il en soit il y a eu un paradigme positiviste qui s’est installé et cela jusqu’aujourd’hui. Ce paradigme préconisait que toute science devait être empirique, quantitative, objective, rationnelle, vérifiable, analytique, déductive, établissant des lois générales, universelles. Conditions que les Sciences Sociales ne peuvent pas accomplir. Et pourtant nous vérifions que les grands scientifiques ayant établi et délimité le champ théorique que nous utilisons encore, ont vécu et travaillé entre le siècles XVIII et les premiers vingt années du XXème, dès Adam Smith et Lavoisier, passant par Darwin, Marx et Durkheim, Max Weber ou Pareto, Humboldt et Planck ou encore Poincaré et Einstein [2]. Nous sommes donc des enfants de la Science moderne et de l’épistémè de la Modernité.

     

    Nous comprenons par épistémè la construction d’un réseau ou ensemble de dispositions de production d’une culture donnée et qui constitue un savoir qui est au delà de la science et de la philosophie, puisque il nous dit comment doivent être celles-ci. Etablir un épistémè signifie trouver les régularités discursives et les configurations souterraines qui délimitent ce que l’époque peut penser o ce qui ne peut pas penser, ce qui se voit et ce qu’on perçoit (Foucault). 

     

    En ce qui nous concerne nous allons nommer deux points de l’épistémè moderne, deux points bien exacerbés durant le XIX siècle.  Tout d’abord nous avons l’instrumentalisation d’une pensée rationnelle, complètement séparée du sacrée, dirigée plutôt vers l’agnosticisme. L’accent est mis sur la raison mais cette raison est une faculté humaine, donc c’est l’homme qui est au centre de tout, il est celui qui raisonne, il observe, il tire des conclusions, il trie, il classe. Les objets d’étude se coupent et se recoupent, les disciplines se séparent, les champs d’étude se divisent. La science devient analytique, elle réduit les connexions entre ses branches, annule les réseaux de correspondances ou de ressemblances symboliques. Le monde concret est réduit à des catégories mentales abstraites supputant l’existence d’une opposition dualiste entre un sujet et un objet, qui n’ont point de relation directe entre eux. Au XIX l’Histoire sera rythmée par des chants de progrès, d’optimisme, toute perfection peut être atteinte et on peut conquérir n’importe quelle bonheur.

     

    L’autre point qui nous intéresse relever est la primauté de la ligne du Père, ce Père qui est en dessus de tout, en haut de la pyramide et qui fait descendre son autorité vers le bas de la pyramide ; le mouvement se fait du haut en bas. Ce père s’installe dans le social, le politique et dans toute connaissance comme la cristallisation de ce qui se profilait déjà avec l’avènement des monothéismes et leur progrès pendant le XIX. La Ligne du Père, le Patriarcat, signifie la domination de l’homme sur la Nature, la domination de l’homme sur l’animal et la domination de l’homme sur la femme. Et tout va se concrétiser dans les pratiques sociales, les pratiques de travail et le corps juridique. August Comte (1798-1857) arrive avec sa Physique Sociale et son positivisme préconisant le savoir scientifique comme la seule source de toute connaissance et systématise le rationalisme pour tous les savoirs, même pour la religion.  De cette sorte s’est construit le paradigme de la Modernité et un masculin superlatif. Mais qu’en est de la nature féminine ?

     

    Construction de la nature féminine

     

    Depuis Aristote et jusqu’à la fin du XVIII siècle l’Occident fonctionnait avec deux sexes sociaux et un sexe biologique. Les travaux d’Evelyne Peyre [3] montrent que les représentations sociales modèlent notre anatomie. Ainsi, dit la chercheuse, en 1543 un seul squelette s’étudiait pour l’être humain. Il n’y aurait pas de changement durant les 200 ans suivants. Mais dans le XVIII siècle (1759) et pour la première fois, le corps humain est représenté par deux squelettes, celui de l’homme et celui de la femme. La notion de « nature féminine » s’impose et l’essence du sexe ne se borne pas à un seul organe mais s’étend à toutes les parties [4]. Deux planches de Thiroux d’Arconville, de 1759 [5] montrent les « différences » de nature entre l’homme et la femme : différence de taille, la femme a 20 cm de moins que l’homme ; de tête, plus grosse pour l’homme ; de regard : droit devant pour la femme et au-dessus de l’horizon pour l’homme ; les os sont très faibles pour les femmes avec un thorax étriqué et un thorax bombé pour l’homme. Paul Broca en 1861 dira que « la femme est en moyenne un peu moins intelligente que l’homme. Il est donc permis de supposer que la petitesse relative de son cerveau dépend à la fois de son infériorité physique et de son infériorité intellectuelle » [6]. Et de la sorte les différences se manifestent déjà dans les cerveaux, séparant le cerveau féminin du masculin comme si étaient deux natures différentes.

     

    Au XVIII « le sexe » désignait les femmes, une manière péjorative (quasi aimable), de dire que la Raison n’était pas vraiment leur fort. Au XIX siècle le sexe fort sera opposé au sexe « faible », une manière scientifique de maintenir la domination des uns sur les unes [7].  Après sera le tour de l’usage du mot « genre » et comme bien le signalent Erika Flahaut  et Emmanuel Jurand dans leur paper « Genre, rapports sociaux de sexe, sexualités : une introduction » [8], le terme genre est proche, voire très proche  du concept de rapports sociaux du sexe. Ce dernier terme, conceptualisé par Danièle Kergoat prend appui sur une analyse marxiste des rapports sociaux déjà faite par Rose de Luxembourg, qui avait remarqué les inégalités du sexe liées aux inégalités produites par le système capitaliste. Ce thème a été analysé aussi par Simone Weil (inégalités des conditions de travail liées aux ouvriers en général) [9] et par Simone de Beauvoir (inégalités liées au travail et au sexe) [10]. La réflexion s’établit autour de la division sexuelle du travail, établissant un principe de séparation qui attribue aux hommes la sphère productive, en tant que les femmes se voient assigner la sphère reproductive, c’est-à-dire le travail domestique [11]. La hiérarchisation venue de la Ligne du Père, du Patriarcat, détermine que les travaux des hommes ont une valeur supérieure que la valeur des travaux des femmes [12]. Le rapport donc, entre hommes et femmes ne sont point des rapports interindividuels définis naturellement sinon sont des rapports construits historiquement. Et « ils ont pour enjeux la sexualité et le travail, à travers des mécanismes d’exploitation et des dispositifs de domination, de production et d’intériorisation des différences, de naturalisation, de normalisation. Ils se traduisent partout dans le monde, avec plus au moins d’intensité, en violence, inégalités de toutes sortes, subordination, exclusion partielle ou totale du politique » [13].  La domination masculine existe dans tout ordre d’activité professionnelle et cela a bien mérité la signature des Chartes pour l’égalité.

     

    La création des nouvelles universités et la naissance de la recherche en A. Latine : la place des femmes dans la recherche

     

    La Modernité avait fait ses promesses et en effet, la recherche est pratiquement née entre la fin du XIXème et les débuts du XXème, sous l’influence du positivisme. Ainsi s’est fait en Amérique Latine aussi où la plupart des universités ont été fondées à la période signalée. Ces universités sont venues remplacer les universités coloniales. Celles-ci étaient des institutions d’élite -liées étroitement à l’Eglise Catholique- dont le but principal était la préservation de la foi et non pas la connaissance scientifique. Pendant la première moitié du XXème, la recherche scientifique latino-américaine était menée par des petits groupes de scientifiques, dont la majorité étaient des étrangers, venus d’Europe [14]. Le développement scientifique dans toute la planète, et les promesses d’égalité promues par la Modernité ont fait possible l’expansion des matricules universitaires et la féminisation de ces matricules, d’autant que la diversification des disciplines et des spécialités sont venus stimuler -de forme graduelle- la création et la consolidation des communautés scientifiques dont leur production acquit une importance accrue à l’intérieur des institutions académiques. L’Etat reconnut la valeur des recherches scientifiques et des institutions spéciales chargées de la coordination de la science et la technologie furent crées. Nous devons remarquer qu’en Argentine le Conseil Nationale de la Recherche Scientifique et Technique (CONICET) a été crée en 1958, lorsque le CNRS de France avait 20 ans d’activité.

     

    A partir des années ’70 les universités latino-américaines passèrent d’être des institutions d’élite à des universités de masse. Le nombre de matricules en 1950 était de 266.692 étudiants et en 1985 était de 6.070.013. Jusqu’en1960 l’institution universitaire comptait dans leur corps de professeurs seulement des professionnels libéraux, des gens qui ayant leur propre activité enseignaient aussi quelques heures à l’université. Or, à partir des années ’70 plus d’un demi million de professeurs est incorporé en Amérique Latine, dont en Argentine 65.000 et en Mexique 190.000. Donc, il y a eu ce qu’on appelle la « professionnalisation académique » ajoutée à l’arrivée des classes moyennes et baisses de la population aux universités latino-américaines ( mesocratización du nom donné à ce processus en espagnol) [15].

     

    La féminisation de la matricule est une conséquence d’abord du passage de l’université des élites à l’université des masses, mais aussi de la diversification des carrières universitaires, de la régionalisation de ces institutions et d’autres institutions d’éducation supérieure ; du nombre de plus en plus élevé des établissements crées en dehors des aires métropolitaines des grandes villes ; et aussi de la création des carrières liés aux sciences sociales, à l’éducation, au commerce et à l’administration.  Malgré l’essor de l’éducation universitaire dans toute la population, en Amérique Latine il y a eu et il y a des va et vient, occasionnés par les instabilité politico-économique endémique. Cette instabilité est le facteur responsable du retard économique et du retard dans le domaine de la science en général.

     

    Par rapport à la situation des femmes dans les universités latino-américaines, le rapport de l’UNESCO montre que l’Amérique Latine et les Caraïbes (nommé ALC) est une des rares régions du monde où la priorité sur l’égalité de genre a été atteinte, dans le milieu de la science et la technologie En effet le rapport de l’UNESCO de 2009 si bien dit que le pourcentage des chercheuses de la planète est du 29 %, ¼ de la totalité, l’Amérique Latine et le Caraïbe sont des régions placées largement en dessus de ces chiffres, puisque le 46% des chercheurs sont des femmes (UNESCO, UIS, 2009). On compte six pays ayant atteint la parité entre sexes dans le domaine de la recherche : Argentine, Cuba, Brésil, Paraguay, Uruguay et  Venezuela.  Ceci dit nous insistons à signaler que les résultats généraux cachent des profondes inégalités des régions. Surtout dans l’actualité où la fin des gouvernements progressistes de la région est bel et bien arrivée et où les budgets destinés à la recherche et à la science et technique sont recoupés. Les avances faites une dizaine d’années durant ont éclatées en mille morceaux avec le néo-libéralisme aujourd’hui en place. Une analyse détaillée de la situation des femmes montre que derrière les statistiques optimistes existe une réalité autre qui se cache et qu’on est loin d’arriver à l’égalité femmes-hommes, car on peut observer encore des grandes différences d’accès aux postes les plus hauts, les postes de prise des décisions et ceux bien placés dans l’hiérarchie des carrières scientifiques. Il n’existe point une reconnaissance égalitaire à l’heure d’obtenir des budgets de recherche, ce qui répercute grandement dans le manque d’autonomie et génère plus d’inégalité. Ceux-ci sont des aspects qui demandent la création des politiques spécifiques qui sont vraiment loin de s’établir dans la région [16].  

     

     Il y a des autres endroits où les inégalités sont encore plus marquées, ainsi en Asie les femmes représentent seulement le 18% du nombre total de chercheurs. Les disparités sont énormes : le 18% en Asie Méridional, 40% en Asie Sud-orientale et 50% dans les pays de l’Asie Centrale. En Europe la parité femmes-hommes est atteinte seulement en cinq pays : en  Macédoine, L’Estonie, Lituanie, la République Moldove et la Serbie. Dans la Communauté d’Etats Indépendants la participation de la femme dans la recherche est d’un 43%. En Afrique est du 33%.

     

    La femme dans les universités françaises

     

    Des travaux faits en France (1970) montrent que la rénovation de l’enseignement supérieur durant l’arrivée des républicains au pouvoir en 1879, obéissait à la volonté politique où se sont rencontrés les aspirations des nouvelles élites à la formation, le projet politique des républicains et la volonté des universitaires d’affirmer leur autonomie professionnelle [17]. Mais l’attention est focalisée sur les grandes écoles et les institutions parisiennes, réputées par la concentration des élites universitaires, enseignante et étudiante. De la sorte sont délaissées les autres universités où se forment la plupart de gens. Si bien le regard est mutilé, ces travaux donnent à voir la façon dont se dresse les portraits des enseignants des facultés parisiennes et notamment le travail de Christophe Charles [18] sous la Troisième République mettant en lumière l’homogénéisation sociale des enseignants qui « a pour effet d’entraîner la diversification accrue des stratégies intellectuelles individuelles ». Dans le même temps il observe le processus de professionnalisation et la mise en place d’une division scientifique du travail au sein de chaque faculté, ainsi que l’existence sur le long terme des modes de fonctionnement spécifiques à chacune. A part de cette autonomie, se met en évidence une forte hiérarchisation entre les lieux, les institutions et les disciplines. L’articulation entre la pratique et la règle, en questions de professionnalisation académique, a pour effet une organisation qui privilégie les relations verticales entre les champs disciplinaires et qui n’est gérée que par l’université même. La réforme des républicains changeait beaucoup de normes mais surtout mettait en place l’autonomie universitaire sans conteste.

     

    En France et en Amérique du Nord l’enseignement universitaire était aussi élitiste. C’est à la fin du XIXème siècle qu’apparaissent de manière sporadique les premières étudiantes universitaires [19]. Si la présence des femmes à l’université augmente « elles restent dans des positions subordonnées, celles d’apprenantes, dans une organisation structurelle dominé par les hommes » [20].  Marie Curie est la première professeure en titre en 1906 et le restera jusqu’en 1924. Les enseignantes à l’université ne sont pas titulaires, elles exercent des emplois subalternes et techniques (traductrices, lectrices, préparatrices, etc.) Entre 1924 et 1930  cinq femmes seront nommées en tant que professeures, de chimie, de grec, d’allemand, de lettres et une agrégée supérieur en médecine. Ceci s’explique  « outre la disproportion du vivier masculin et l’effort plus ou moins conscient des pairs pour disqualifier les prétendantes, par la difficulté d’accéder à l’agrégation masculine, tremplin pour entrer dans l’enseignement supérieur, quand l’agrégation féminine cantonne les ambitieuses dans le secondaire » [21]. Ces deux agrégations préparaient aux mêmes matières (lettres, mathématiques, histoire) mais seules les masculines traitaient de grammaire et de philosophie. Par ailleurs les épreuves des candidates étaient un concours encyclopédique et polyvalent et les masculines exigeaient une plus grande spécialisation. Les femmes devaient être d’abord pédagogues que des lettrées [22]. Le travail académique des femmes connaît une ouverture en 1924, puisqu’on les autorisait à se présenter aux agrégations masculines, mais ce travail sera encore touché pendant la guerre et sous le régime de Vichy parce que la loi d’octobre de 1940 interdit d’embaucher les femmes mariées dans les services de l’Etat et des collectivités locales [23]. La présence des femmes s’accentue après la seconde guerre mondiale mais elles restent peu nombreuses parmi les enseignants-chercheurs.

     

    La Constitution de 1946 interdit la distinction entre les sexes et garantit à la femme dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme. Et si le Conseil d’Etat énonce que les femmes ont désormais en règle générale vocation à tous les emplois publics dans les mêmes conditions que les hommes, dans le domaine de la connaissance la mixité totale des concours d’agrégation du secondaire avec épreuves communes et classement unique, ne sera établie qu’en 1976.

     

    Actuellement, en 2011, les femmes sont majoritaires parmi les étudiants inscrits à l’université (57, 6%) leur nombre diminue en doctorat (48%), au stade de la maîtrise de conférences (42,4%), de l’habilitation à diriger des recherches (31,7%) pour n’être plus que 22,5% parmi les professeurs [24]. En 2015 leur part avait progressé, pour maîtresse de conférences (43,7%) et professeurs (24,9%). Mais dans les deux extrêmes des systèmes d’enseignement il y a quatre femmes pour un homme comme professeurs d’école et il y a quatre hommes pour une femme comme professeurs d’université. Dans les disciplines scientifiques les femmes sont le 33,1% dans les corps de maitre de conférences  et 16, 8% dans les professeurs ; dans les disciplines littéraires, elles sont le 56,6% chez les maitres de conférences et 37% chez les professeurs. L’université française est soumise donc à la ségrégation horizontale (distribution genrée des disciplines) et à la ségrégation verticale (distribution genrée des postes prestigieux et subordonnés), s’y heurtant au plafond de verre, c’est-à-dire à un ensemble d’obstacles invisibles que les séparent des plus hautes responsabilités et de l’hiérarchie organisationnelle et professionnelle [25].

     

    Devenir chercheur

     

    Dans le domaine de la recherche scientifique existent des réflexions déjà anciennes sur le monde scientifique. Nous pensons notamment à Pierre Bourdieu qui en 1976 s’interrogeait sur le « champ scientifique » et en 1984 à la production de l’homo academicus.  Mais bien avant Max Weber parlait du sens de la science pour celui qui en veut faire sa profession (1917). En 1942, Robert-King Merton réfléchissait à la question de l’ethos scientifique. Bruno Latour et Steve Woolgar en 1979, questionnaient la construction de la science dans le quotidien d’un laboratoire. Si bien la Sociologie des Sciences est devenue « ample et bouillonnante » (Gingras, 2013), la Sociologie des scientifiques et des carrières scientifiques reste un domaine peu développé (Perpic et al. 2004) [26].

     

    Bernard Fusulier signale que faire carrière comme chercheur à l‘université ou dans un laboratoire, suppose, hier comme aujourd’hui un engagement temporel important et un réel engagement subjectif.  C’est « s’engager dans la compétition pour obtenir un poste stable puis participer au champ scientifique en vue d’accéder progressivement aux positions valorisées au sein de ce champ » [27]. Cependant ce champ devient un enjeu d’un jeu de pouvoir entre les intervenants. La socialisation professionnelle des chercheurs conduit à l’apprentissage, à l’acceptation et à la reproduction d’un ethos proche à d’autres métiers hautement qualifiés [28]. Cet ethos exige la démonstration d’une grande vocation et un entier investissement dans la carrière de chercheur.

     

    L’évaluation scientifique traditionnellement se mesurait à la disponibilité du chercheur pour pouvoir se faire une place durable et reconnue dans un champ très concurrentiel et convoité, devant montrer une grande capacité à obtenir des fonds- indispensables pour la recherche- et devant tout aussi démontrer la capacité à développer une recherche de pointe selon une certaine éthique du travail et en plus de l’excellence scientifique, concept à charge qualitative et qui devait opérer selon les termes fixés par l’épistémè de la Modernité.

     

    Or, le même auteur relève qu’une note du Conseil Rectoral de l’Université de Louvain de 2012, indiquait que du professeur totalement investi dans son travail et profitant pleinement de sa liberté académique, on est passé au professeur toujours entièrement investi, mais beaucoup moins libre académiquement, vu l’accroissement de la charge administrative et les nombreuses réformes qui se sont succédée » [29].  Nous constatons que cela est arrivé en Europe, mais aussi en Amérique Latine et ainsi les professeurs des universités argentines voient leur travail précarisé. En effet, l’enseignant qui accède à un poste régulier est obligé de passer un concours -pour ce même poste- tous les cinq ans. Il existe des cas, et pas des moindres, où des enseignants ayant eu un poste comme professeur titulaire l’aient perdu lors du concours obligatoire et ce après 10 ou 20 de carrière. Ces conditions s’amplifient par rapport aux femmes-enseignantes chercheuses- qui à cette contrainte subie voient s’ajouter des discriminations autres comme la couleur de la peau, l’âge ou encore la condition sociale (classe sociale d’appartenance, si on est de la capitale ou de la province, si on est mariée ou célibataire, le nom de famille qu’on porte, etc.).  En Amérique Latine ces discriminations sont monnaie courante et ce malgré les conclusions générales des rapports sur le sujet, conclusions qui cachent des disparités à niveaux régionaux, tel nous les avons signalé plus haut.

     

    La recherche et l’inégalité femmes-hommes

     

    Ces inégalités de genre sont inscrites dans le fonctionnement des universités et des sociétés.  L’expression « plafond de fer » (glass cieling) ou « plafond de verre » définit bien de quoi on parle. Lorsque on est confronté à ces discriminations dans le monde universitaire on sait bien que ce ne sont pas des choses dites de manière  directe ou explicites, sinon plutôt des formes d’agir propres à un old boy’s club, suivant l’expression de Bernard Fusulier [30], correspondant à des structures installées et invisibles qui dominent et dont leur répétition est la règle à laquelle il faut bien s’attendre lors d’un entretien de recrutement ou d’un concours. Le premier facteur de la discrimination des femmes correspond donc au poids du modèle masculin sur la conception dominante de la carrière universitaire.

     

    Le modèle de chercheur est celui qui donne toute priorité au travail sur la vie privée, faisant apparaître l’homme de science comme un héros, (Benschop, Brouns, 2003) entièrement consacré à son travail et l’on suppose libéré des contraintes domestiques. Or, les labeurs domestiques et l’éducation des enfants il faut bien qu’elles soient sous la responsabilité de quelqu’un. Et bien, ce quelqu’un n’est pas toujours –ou presque toujours- une femme ? L’articulation entre le privé et le professionnel est une cause supplémentaire de « l’évaporation » des femmes au fur et à mesure du parcours professionnel dans le monde de la recherche. En effet, des rapports des universités et de l’UNESCO expliquent avec des chiffres à l’appui, la disparition des femmes dans un certain niveau dans le monde académique, dans le monde de la recherche et par conséquence dans le monde des publications scientifiques. Si bien les hommes voient aussi leur vie professionnelle limitée par la vie familiale ils n’ont pas de crainte ou de culpabilité d’imposer à la vie familiale une contrainte professionnelle. La culpabilité du « temps volé » à la famille constitue une spécificité nettement féminine (Jarty, 2009) [31], produite par l’assignation sexuée de la prise en charge de la vie domestique [32].  

     

    Les responsables des grandes institutions scientifiques connaissent bien cet aspect des choses et la Charte européenne des chercheurs dit bien que « les employeurs et les bailleurs de fonds devraient viser à fournir des conditions de travail qui permettent aux chercheurs tant féminins que masculins de combiner la famille et le travail, les enfants et la carrière » [33].  Un exemple autre est la Charte pour l’équilibre des temps de vie, signée en 2015 par l’Ecole des Hautes Etudes des Sciences Sociales de Paris. Ou encore l’inscription dans les axes stratégiques de 2020 de l’Université de Louvain, d’une politique du personnel qui veille « à favoriser l’équilibre et la conciliation entre vie privée et vie professionnelle » [34].  Voilà des mesures pour obtenir un équilibre et combattre des inégalités entre hommes et femmes dans la carrière scientifique.  Cette quête d’égalité était déjà un des principes fondateurs de l’Union européenne et à ce titre toutes les politiques mises en œuvre par la Commission Européenne se doivent d’intégrer et de promouvoir ce principe. Dans le contexte spécifique du soutien à la recherche scientifique, la CE poursuit donc, un double but : favoriser l’accès des femmes aux métiers de la recherche pour ne pas se priver d’un important vivier de talents et aussi promouvoir  l’intégration de la dimension du genre comme une contribution essentielle à l’excellence [35].

     

    Un facteur autre de l’inégalité femmes-hommes est la répartition sexuée des filières. Une étude suisse montre que ce qui se produit en Europe en général, arrive aussi en Suisse, les femmes sont très nettement plus nombreuses dans certains domaines scientifiques que dans d’autres : les femmes professeures en sciences humaines et sociales constituent 28% de l’ensemble des professeurs alors que leur proportion tombe à 9,5% dans les sciences dures en techniques [36].  Et cette tendance se poursuit en ce qui concerne les corps enseignants dans les hautes écoles universitaires. Selon cet étude le taux de femmes professeures devrait atteindre le 24% en 2020 : « la grande disparité constatée actuellement devant demeurer avec des proportions de 73% en 2020 dans le domaine de la santé (72% en 2010) et de 11%-12% en Technique et sciences dures. Cette ségrégation horizontale tient à une socialisation différenciée des filles et des garçons et peut être passible d’une analyse en termes d’auto-exclusion des femmes dans les domaines les plus prestigieux. Les auteures de ce papier vont soutenir que les critères choisis par les universités pour attester de l’excellence académique sont des critères sexués et inspirés par les traditions des sciences exactes et techniques vers lesquelles les femmes, pour des raisons qui tiennent à la socialisation différentielle et à la sexuation des disciplines (Vouillot, 2007 [37]) se dirigent toujours peu [38].

     

    L’évaluation dans la Science et le monde des publications scientifiques

     

    Si bien des ponts ont été tendus entre la critique de la régulation de la science et des projets pour résoudre les inégalités femmes-hommes, il reste à voir que le système d’évaluation scientifique s’est doté de nouveaux outils qui relèvent de ce que Bernard Fusulier appelle « un régime comptable-productiviste-court-termiste [39] ».

     

    Il faut beaucoup produire dans un court laps de temps et produire des travaux scientifiquement bons ce que revient à dire produire plus, quantitativement, tout en gardant l’excellence ; cette excellence, cette norme d’excellence assimile le bon et le plus comme des nouveaux critères d’efficacité. Le mode de régulation scientifique exige –pour être considéré comme un bon chercheur- plus de publications, plus de projets, plus de crédits, plus de mobilité dans une période temporel plus courte. Donc, la tension famille-travail ne fait qu’augmenter compromettant, peut-être la recherche fondamentale et les tentatives d’équilibrer les inégalités hommes-femmes dans le domaine scientifique. 

     

    En relation aux publications en général, nous pouvons voir  une concurrence forte et constante où chaque chercheur agit visant l’épaisseur de son CV, ce qui génère une course individuelle à la publication plutôt que de suivre un intérêt primordial. D’ailleurs nous nous demandons si les dites publications sont vraiment lues et si elles sont de manière certaine une contribution au monde scientifique –académique. Comme bien le dit Bernard Fusulier « la mise en équivalence via une logique « métrique » stimule des stratégies de maximisation de signaux comptabilisables, ce qui peut transformer le rapport à la publication [40] ». Et en effet  la production excessive dans un temps court peut aller en détriment de la profondeur d’analyse et d’une réelle quête de la connaissance. Dans ces conditions est-ce qu’il y a un véritable débat scientifique ? Les chercheurs essayent toujours de publier leurs travaux pour donner une réponse aux questions de la vie, ou aux problèmes surgissant du fonctionnement des sociétés  ou de la Nature ? Ou est-ce qu’ils sont occupés à remplir un CV ? En outre comment accéder à la recherche fondamentale sans avoir le temps nécessaire, étant donné qu’ils doivent produire (beaucoup de fois on reste sur la reproduction, sur le recyclage des anciennes contributions) et innover rapidement en fonction d’une maximisation du facteur impact. Il existe donc, un abîme entre l’idéal de la recherche fondamentale comme activité créatrice et le régime comptable-productiviste-court-termiste.

     

    Les publications scientifiques au féminin

     

    Il s’agit d’une approche étant donnée le manque d’ouvrages ou des productions axées sur le sujet. D’ailleurs, comme il a été déjà signalé notre intention au départ était de comparer des donnés sur l’Amérique Latine et l’Europe, mais nous constatons qu’on doit rester sur des cas particuliers européens et encore sur des questions.

     

    Il y a plusieurs lignes d’analyse à suivre si l’on veut travailler sur les questions de genre dans les publications scientifiques. Nous voulons ici mentionner deux : celle des sources cités dans les publications et à cet effet nous avons trouvé des propos d’Armelle Le Bras- Chopard, en ce qui tient à la transmission de savoirs : La philosophe nous dit que les ouvrages des femmes sont peu mentionnés et les théories des penseurs masculins sont elles abordées, abstraction faite de leur perspective androcentré. Cette perspective demande une recherche beaucoup plus approfondie pour pouvoir arriver à des conclusions valables.

     

     D’un autre côté nous avons une autre approche, celui d’Etienne Anheim en « Genre, publication scientifique et travail éditorial. L’exemple de la revue Annales. Histoire, Sciences sociales » [41], visant un mélange d’histoires de vie et d’ histoires de recherche où il est fait mention d’un article de Natalie Zemon Davis publié dans History Workshop « Woomen and the world of the Annales ». L’auteure s’interrogeait sur la place des femmes  au sein des Annales durant la première décennie de son existence et sur leur participation au travail intellectuel au sein de la revue. Son point de départ était le destin de l’historienne autrichienne Lucie Varga qui avait publié trois articles dans les Annales d’histoire, économique et sociale, en 1936-1937. Elle avait eu une liaison avec Lucien Febvre, avant de s’éloigner de la revue à la suite de leur rupture.  Elle dut se cacher pendant la Seconde Guerre mondiale du fait de ses origines juives et mourut de maladie à 36 ans à Toulouse, en 1941. La reconstitution des principales trajectoires féminines évoluant autour de la revue conduisait l’historienne américaine à un portrait collectif en creux, celui d’une fraternité masculine qui ne laissait guère d’autre place aux femmes que celle d’épouse et d’assistante scientifique de l’ombre [42]. Or, Etienne Anheim dessine la tendance générale des Annales d’histoire sociale et ainsi il y a une progression de la question des publication féminines entre 1930-32 époque où il n’y a pas d’article signé par une femme et  2012-2015 où on trouve 60% d’hommes et 40% des femmes. Entre 2007 et 2011 [43] il y avait un tiers de femmes pour deux tiers d’hommes, la tendance est le rééquilibrage, mais l’auteur dit qu’il faut rester prudent sur ce dernier état du rapport de genre, « étant donné le faible recul dont on dispose sur les données récentes, qui ne permettent pas de se prononcer sur la linéarité de l’évolution, sur son irréversibilité, ni même sur une éventuelle stabilisation » [44].  Cette étude conclut affirmant que le résultat final dans la publication est moins déséquilibré du point de vue du genre, même s’il reste inégal et qu’il se cumule avec d’autres aspects touchant les trajectoires féminines identifiées déjà par des sociologues dans le monde universitaire, comme l’impact des grossesses ou le partage inégal des tâches domestiques.

     

    Un autre point est relevé par Etienne Anheim dans son paper, il nous dit que ce rééquilibrage correspond à l’étude des rapports extérieurs au comité, sur les articles avant discussion dans le cadre du comité, rapports qui ignorent le genre de l’auteur ou de l’auteure et qui viennent témoigner d’une « même tendance à une évaluation plus favorable, toutes choses égales par ailleurs, des textes écrits par des femmes » [45]. Sans doute on a tout à gagner avec la mise en place de l’anomysation, dans la lutte conte les discriminations, mêmes inconscientes, produites par les institutions ou les comités de lecture des revues, ou les entretiens d’embauche, ou encore les concours [46].

     

    Donc, voici deux versants à développer dans ce type de recherche, au niveau des sources citées et au niveau des travaux des femmes scientifiques publiés dans des revues. Ce dernier imposerait l’analyse des travaux publiés, mais aussi des travaux soumis aux comités de rédaction. Mais ceci dit, nous signalons le besoin de travailler ces inégalités femmes-hommes en convergence avec  d’autres types de discrimination subies dans le monde de la recherche (l’intersectionnalité).

     

    Conclusions

     

    La Modernité donc, n’a pas tenu ses promesses d’égalité tout comme n’ont pas été accomplies les expectatives créées de nous donner un monde en progrès constant sous l’aide de la recherche scientifique et de la raison, contribuant à l’idéal d’une race humaine de plus en plus heureuse. Mais tout n’est pas négatif et pensons que le statut des femmes est en train de changer étant donné le niveau d’éducation atteint  et la lutte mené pour la parité, la mixité et l’égalité. Cette égalité cherché n’est pas seulement femme-homme et la tendance mondiale nous dit que aujourd’hui (rapport UNESCO 2017) non seulement il y a de l’inégalité femmes-hommes sinon que cette inégalité existe en relation à l’établissement d’un équilibre international. Il y a environ 7,8 millions de chercheurs dans le monde dont la UE est à la tête avec le 22% du nombre total de chercheurs. L’UE (22%), la Chine (28%), la Russie, le Japon et les Etats Unis, les cinq grands, représentent le 72% de tous les chercheurs de la planète [47].

     

    Un travail sur l’Université Libre de Bruxelles (ULB) indique une forte hausse du niveau d’éducation des femmes et le signale comme l’un des évènements les plus remarquables observés au cours « des trente dernières années dans tous les pays européens » [48]. Les jeunes femmes sont à présent majoritaires parmi les étudiants et les diplômés de l’enseignement supérieur, leur pourcentage dépasse 50% dans tous les pays de l’Union Européenne, à l’exception de Chypre. Dans certains pays, la proportion d’étudiantes dépasse le 60%, c’est le cas de la Suède, la Slovaquie, l’Estonie, et en Lettonie. En Belgique le pourcentage est du 50% (Eurostat 2009). « L’entrée massive des filles dans l’enseignement supérieur a constituée une véritable lame de fond : non seulement elles sont plus nombreuses que les garçons mais elles affichent des taux de réussite plus élevés  [49] ».  La conséquence logique est que les femmes sont plus éduquées que les hommes. Ainsi en Belgique, en 2010, 50% de femmes âgées de 30 à 34 ans ont un diplôme d’enseignement supérieur alors que pour les hommes ce pourcentage n’est que du 39% (Eurostat, 2010) [50]. Les auteures de cet article affirment que « la croissance spectaculaire de l’activité féminine, qui remonte aux débuts des années ’60, n’a pas débouché sur une régression véritable des disparités entre emplois féminins et masculins. Tout se passe comme si on avait pensé que les écarts de genre allaient se diluer dans la Modernité  [51] », mais il n’en est rien ; rien de ce qu’on attendait ne s’est produit. La mutation sociale ayant eu lieu s’est faite sur un fond d’inégalités aussi coriaces, aussi rebelles (Maruani 2003) [52]. Au début de cet article nous avons analysé le paradigme moderne et avons parlé du débordement de la perspective de l’art vers les sciences et avons dit que cette perspective immobilisait le regard et en l’occurrence le regard du chercheur. Peut-être c’est l’immobilité en question ajouté à l’emprise du Patriarcat ce qui fait si difficile le changement si voulu en relation aux inégalités. Et nous devons tenir en compte que le système capitaliste est fondé sur ce Patriarcat.

     

    Mais cette époque que nous vivons a reconnu la disparité femme-homme comme un vrai problème, méritant l’institutionnalisation des études de genre, ce qui est un indicateur de l’importance accordée aux inégalités dans la recherche, l’enseignement et la production intellectuelle. La création de départements et des programmes d’enseignements dédiés au genre est déjà une reconnaissance de la problématique et témoigne de la volonté de corriger ces inégalités.

     

    Il existe nombre de chercheurs qui traitent du genre dans des différentes disciplines  mais les initiatives sont souvent individuelles et la diffusion des résultats est limitée aux cercles des spécialistes, pourtant serait convenant la création de Instituts qui regroupent au sein des universités les équipes travaillant sur le genre et les encourager à mener des recherches pluridisciplinaires, car ce sujet traverse la vie entière, donc, traverse aussi la science et ses productions.

     

    Notes

     

    [1] Rapport de l’UNESCO (2009).

    [2] Boaventura de Sousa Santos (2009). Una epistemología del Sur : La reinvención del conocimiento y la emancipación social. México, Siglo XXI, Clacso Ediciones. pp. 17-18.

    [3] Chercheuse au CNRS à l’unité « Eco-anthropologie et ethnobiologie » (CNRS/MNHN). Spécialisée dans l’analyse des ossements humains, ses études portent tout particulièrement sur les populations anciennes de France et d’Amérique.

    [4] Roussel, Système Physique et Moral de la femme, 1775.

    [5] Cité par Evelyne Pere et Joëlle Wiels in « Le sexe biologique et sa relation au sexe social ». Les Temps Modernes, 1997. P. 10.

    [6] Cité en Ibidem.

    [7] Ibidem.

    [8] ESO Travaux et Documents. Espaces et Sociétés. UMR 6590 CNRS. pp. 63-68.

    [9] « Expérience de la Vie et de l’usine » (article de 1942).

    [10]  Le deuxième sexe (1949).

    [11] Erika Flahault et Emmanuel Jaurand. Op. Cit. p. 66.

    [12] Kergoat, 1984. Cité in Ibidem.

    [13] Bidet- Mordrel, 2010, p. 6. Cité in Ibidem.

    [14] Armando Alcantara. « Políticas educativas en Latinoamérica ». SciELO (México) : redsocial2040.wikispaces.com.

    [15] Joaquín Brunner, cité in Ibidem.

    [17] George Weisz The Emergence of modern universities en France : 1863-1914 (1983) cité par Emanuelle Picard « L’histoire de l’enseignement supérieur français. Pour une approche globale » in Histoire de l’Education. N° 122. 2009. Journal.opennedition.org/histoire-éducation/1938.

    [18] Christophe Charles. La République des universitaires. 1994. Cité par Emanuelle Picard in Ibidem.

    [19] Sophie Grosbon « Propos introductif : de la non-mixité à la parité à l’Université. » in La Revue des Droits de l’Homme.  N° 12 du 2017.

    [20] Caroline Barrera. « Les universités toulousaines (1912-1968). Cité par Sophie Grosbon in Ibidem.

    [21]  Juliette Rennes cité par Sophie Grosbon in Ibidem.

    [22] Loukia Efthymiou. « Le genre des concours » cité in Ibidem.

    [23]  Sophie Grosbon. Ibidem.

    [24] Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. L’Egalité entre les femmes et les hommes Chiffres clés de la parité dans l’enseignement supérieur et la recherche ». cache.edia.enseignementsup-recherche.guv.fr, 2013, p.3.

    [25] Association nationale d’études féministes. Le genre dans l’enseignement supérieur et la recherche. La Dispute, 2014. p. 140. Cité par Sophie Grosbon. Op. Cit.

    [26] Tous cités par Bernard Fusulier. « Faire une carrière scientifique aujourd’hui. Quelques clés de lecture et critiques ». Séminaire Ilya Prigogine « Penser la Science ». L’Evaluation de la recherche en question. p.1

    [27] Ibidem. p. 2

    [28] Bourdieu cité in Ibidem.

    [29] Fusulier. Op. Cit.

    [30] Ibidem.

    [31] Cité par Bernard Fuselier in Ibidem.

    [32] Ibidem.

    [33] ec.europea.eu. Cité par Fuselier. Ibidem.

    [34] Ibidem.

    [35] La question du genre dans la rédaction des propositions. Chercheurs européens n° 6- Mars 2013.

    [36] Farinaz Fassa et Sabine Kradolfer. «  Le professorat universitaire : une sélection masquée par des critères d’excellence ? « . Lives Working Papers 2012/2013. Fonds Natinal Suisse de la Recherche scientifique (FNSNF). dx.doi.or.

    [37] Cité in Ibidem.

    [38] Ibidem.

    [39] Bernard Fusulier. Op. Cit. p. 7.

    [40] Ibidem.

    [41] Tracés. Revue de Sciences humaines. ENS Editions (Université de Lyon). 32/2017. pp. 193-212.

    [42] Ibidem.

    [43] En 2000 commence une nouvelle étape pour les Annales qui correspond à l’arrivée d’un nouveau directeur de la rédaction et au début d’un changement de génération au sein du comité de rédaction. Ibidem.

    [44] Ibidem.

    [45] Ibidem. p. 5

    [461] Etienne Anheim remarque une autre revue ayant mis en ligne des données comparables pour la période 2014-2016, la revue anglaise Past and Present. Dans le cadre d’une réflexion sur biais du genre, que ce phénomène ne semble pas limité aux Annales car on retrouve de même une soumission moindre des femmes et un taux d’acceptation plus élevé. Ibidem.

    [48]  Danièle Meulders, Síle O’Dorchai et Natalie Simeu. Alma Mater, Homo Sapiens II. « Les inégalités entre femmes et hommes dans les universités francophones de Belgique ». GENIUF. Dep. d’Économie Appliquée de l’Université Libre de Bruxelles. p.1. Introduction.

    [49] Ibidem.

    [50] Ibidem.

    [51] Ibidem.

    [52] Cité in Ibidem.



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