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Una forma di realtà sociale che si chiama errore / A cura di Bernard Troude / Vol.19 N.3 2021

Emplois du terme erreur en droit élémentaire

Clara Surel

magma@analisiqualitativa.com

Après quelques bonds et rebonds entre études littéraires et études de droit, en parallèle d’activités dans la restauration, Clara choisit de mixer la vie et les sens en tant que barmaid. Formée à l’European Bartender School, elle œuvre depuis 5 ans derrière les bars et nous flatte les sens avec des histoires dans chaque création et réveille des « madeleine de Proust » après quelques échanges avec les clients. Son éternelle soif d’apprendre et de comprendre la conduit à lire, chercher, partager, creuser sur toutes choses qui nourrissent les relations.

 

Abstract

L’une des façons de définir l’erreur est de la décrire comme une action regrettable, une maladresse ou encore un manquement. Les conventions obligent à ce qui y est exprimé, mais à la suite que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature. A ceci près : sommes-nous tous capables d’assimiler cette notion de convention entre ce qui est dit, ce qui est entendu, ce qui est ressenti. Peu importe les lieux et les circonstances, d’indiscutables cicatrices sont visibles. Cela comprend le parler et l’écouter en fonction de la société où se trouvent les protagonistes. L’intégralité de la causerie se risque dans ce « comme si » employé en droit : le réel n’est plus, ainsi, « purement » le réel puisque interfère dans sa perception l’imagination. L’imaginaire juridique modifiant la réalité légale afin de lui insuffler certaines valeurs.

D’un point de vue psycholinguistique où va se retrouver la formulation d’une erreur, le lexique des mots dits est à envisager comme un large assortiment de représentations dont dispose le locuteur à propos des vocables de son langage dont ses représentations phonologiques. Tout cet ensemble entrant dans la psychologie comportementale formant un lexique mental complété par son lexique expressif. L’erreur, la société et le problème, ces trois éléments se confondent en nos manières de vivre. Devra-t-on considérer qu’un lecteur, (ou un écouteur) manipulateur ne va éprouver que très rarement des difficultés en accédant à son stock lexical ? Les seuls cas concernant l’impression du « mot sur le bout de la langue » de supposition d’image parlée vont faire admettre les situations imaginées et imagées. Il s’agit parfois de la noble défense d’un propre point de vue. Devrait-il être nécessaire d'exposer toutes nos blessures pour ensuite laisser les communautés d’autrui marcher sur la pointe des pieds autour de nous ? Ou bien ne serait-ce pas plus simple de garder proche de nous et de nos mots un rayon d’humanité et de fraternité qui a été laissé en arrière-plan juste après que l’on nous ait demandé de bien vouloir partager nos jouets.

 

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« (…) Toujours montrer la relativité d’une connaissance, sa dépendance par rapport à l’observateur sans oublier qu’un grain de connaissance sur un plan peut se payer par une ignorance sur un autre. (…) » Edgar Morin.

 

L’une des façons de définir l’erreur est de la décrire comme une action regrettable, une maladresse ou encore un manquement. Il nous est appris, étant enfants, à nous excuser lorsque l’on commet des erreurs ; dès lors, maladroitement s’est glissé dans nos têtes le principe selon lequel si la demande d’excuse est prononcée, l’erreur disparaît. La société familiale et collective nous enseigne à demander pardon, mais il ne nous est pas vraiment professé à prendre en considération la réponse à cette demande. L’oubli volontaire ou souvent involontaire fait qu’aucune précision n’est apportée quant à ces certains éléments mémoriels (psychique ou action physique) qui restent et ne disparaissent pas : fiction de conventions entendues, sues ou devinées. Ainsi que cela ressort de l’article 1 135 du Code civil : « Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature. » à ceci près : sommes-nous tous capables d’assimiler cette notion de convention entre ce qui est dit, ce qui est entendu, ce qui est ressenti en représentation mentale sur les mots dits et entendus. Peu importe les lieux et les circonstances, d’indiscutables cicatrices sont visibles mais toutes ne peuvent pas être perçues.

 

(…)

On m’avait dit "te poses pas trop d’questions

Tu sais petite, c’est la vie qui t’répond

À quoi ça sert de vouloir tout savoir ?

(…)

On m’avait dit qu’les hommes sont tous pareils

Y a plusieurs dieux, mais y a qu’un seul soleil

Oui mais, l’Soleil il brille ou bien il brûle ?

Tu meurs de soif ou bien tu bois des bulles ?

À toi aussi, j’suis sûr qu’on t’en a dit

De belles histoires

Tu parles, que des conneries

Alors maintenant, on se retrouve sur la route

Avec nos peurs, nos angoisses, nos doutes

(…)

Patrick Bruel [1].

 

Les mots joints à la maladresse avec laquelle nous les utilisons persistent en nos mémoires.

 

Importance du mot et l’erreur qui en découle

 

Prêter trop d’importances aux mots régulièrement utilisés dans une erreur s’avère être déjà une erreur et ne fera voir ces personnes autour de nous qu’au travers ce qu’ils expriment pour dialoguer voire se confronter. Les mots sont une promesse et les actes une preuve. Ils ne sont pas toujours sur la même longueur d’onde. Si quelqu’un vous parle de vous décrocher la lune, il reste toujours le doute que ce soit pour vous frapper avec. Cet élément de socialité qu’est l’erreur de mot et de mot justifiant une action provient d’un point de vue linguistique d’une définition pour chaque personne d’un ensemble lexical à minima formulé verbalement d’une manière expressive et surtout comprise comme lexique réceptif. Cela comprend le parler et l’écouter plus ou moins complexe justement en fonction de la société où se trouvent les protagonistes. L’intégralité de la causerie se risque dans ce « comme si » employé en droit : le réel n’est plus, ainsi, « purement » le réel puisque interfère dans sa perception l’imagination [2] (Rosset, 2006) l’imaginaire juridique modifiant la réalité légale afin de lui insuffler certaines valeurs (Bachelard, 1996).  C’est cette fiction juridique qui se trouve annihilée par la disgrâce réelle des contingents sociaux au travers de cette adage : « l’ordonnancement impeccable du monde juridique s’écroule devant la faiblesse du fait humain ». Il est honteux à déchoir en affichant en droit l’indignité des parties en leur accordant une protection, « l’esprit juridique laisse les choses en l’état admettant, en conséquence, une peine privée à l’encontre du fautif en l’absence de tout tort et de tout droit à réparation ». Toute la société peut reprocher à sa justice d’ignorer le risque de récidive. Alors, le peuple dans sa formulation juridique rappelle à l’État les valeurs collectives d’une société démocratique. L’État quel qu’il soit devra se réformer profondément en son État de droit : réforme au niveau national de la police, avec une nouvelle politique pénitentiaire, un nouveau conseil supérieur de la justice, et cette création européenne venue de Belgique le Child Focus [3]. En France, c’est une période conjointe à une importante affaire quand l’époque est empreinte d’une pression de la communauté pour obtenir vérité et justice, pendant laquelle les confrontations – d’abord des enfants dans le cadre de pédophilie puis toute personne atteinte d’abus ou harcèlements sexuels – avec les accusés seront rétablies [4].

 

Nous circulons de cette façon partant du lyrisme de l’intuition de la justice jusqu’au pragmatisme du juste dans ce contexte incroyable où la réalité de ce qui est juste (ce qui est dit et entendu) s’oppose à la vérité de la justice (ce qui est rapporté dans les conventions). Et cette ‘‘réalité’’ l’emporte puisque c’est elle qui se fait directement éprouver [5]. Albert Camus présentera cette notion en sa valeur qui sera d’autant plus éminente que cette réalité va susciter une ferveur certaine (Camus, 2005)  ; c’est de cette manière, par ce franchissement à la croyance dans ‘‘la réalité’’, dans la phénoménologie du réel, Michel Malherbe invoque que ‘‘la vérité’’ se manifeste, mais cette vérité n’est pas la vérité, elle n’est qu’une vérité possible [6] (Malherbe, 2006).

 

D’un point de vue psycholinguistique où va se retrouver la formulation d’une erreur, le lexique des mots dits est à envisager comme un large assortiment de représentations dont dispose le locuteur à propos des vocables de son langage dont ses représentations phonologiques, ses connaissances orthographiques et en complément l’aspect morphologique et pour terminer les effets de sa syntaxe et la sémantique. Tout cet ensemble entrant dans la psychologie comportementale formant un lexique mental complété par son lexique expressif. Devra-t-on considérer qu’un lecteur, (ou un écouteur) manipulateur ne va éprouver que très rarement des difficultés en accédant à son stock lexical ? Les seuls cas concernant l’impression du « mot sur le bout de la langue » de supposition d’image parlée vont faire admettre les situations imaginées et imagées concernant ce qui sera découvert comme une erreur non apprise dans les sociétés familiales ou d’entreprises. Il s’agit parfois de la noble défense d’un propre point de vue. Combien de fois dans une conversation les mots « les hommes aussi sont victimes d’abus sexuels » ont été prononcé ? C’est une noble cause, pourtant ces mots peuvent s’avérer contre-productif, la maladresse réside dans l’invalidation qui est sous-entendue. La souffrance des uns ne devrait pas servir à effacer la souffrance des autres. Une fracture nait obligatoirement à partir de ces mots qui vont faire résonner plus de questions qu’ils ne pourront apporter de réponses. Personne ne sait parler de cette question devenue habituelle même rituelle, c’est peut-être la définition la plus exacte que l’on puisse en donner. Elle échappe aux mots car elle signe précisément la fin d’un pouvoir de parole. Définition de celui qui parle en premier mais aussi de ceux et celles qui restent à l’écoute dans une sidération qui feront de leurs langages un mauvais usage. Car les mots dans le concert entendu ont cessé de signifier une réalité. Ils ne servent souvent aux mélanges des idées et qu’à dire combien plus rien ne peut avoir de sens. Beaucoup prêtent aux mots un pouvoir qu’ils ont mais souvent nié, font entendre ces paroles d’erreur dans un mensonge avéré. L’ensemble de la communauté présente a entendu tout ce que ce langage (adulte ?) cherche à masquer et demande d’en avoir une traduction que l’initiateur (trice) voulait éviter de dire.

 

D’un coup de cette simple phrase, une confrontation est créée d’où un combat en parallèle d’un autre combat. Brutalement, avec moins de dix mots, un problème majeur, qui touche plus de personnes qu’il n’en devrait, est écarté du centre de la conversation par une maladresse de pensée et une maladresse d’expression, le point principal est oublié. Un modèle de pensées, un mécanisme de défense, des insécurités, un manque d’éducation sur le sujet mit ‘‘au milieu de la table’’, voilà de multiples discours qui sont les raisons pouvant amener un tel manque de considération traduit par de simples mots. Restent les deux questions suite aux délits de parole, erreur constatée : 1) Faut-il juger en fonction des conséquences faisant suite aux erreurs ? 2) Le système de justice tout entier se trouve-t-il impliqué directement dans ce type de défaillance ?

 

C’est, peut-être par cette erreur, une forme de débat que l’on nous apprend depuis l’enfance également ; après tout, le système scolaire fait partie des premiers acteurs de notre division alors qu’avec Ivan Illich (2015), cet auteur de « libérer l’avenir », perpétue son propos dans le sens d’une auto éducation, pour les nations riches ou pauvres, d’un autre mode de vie. Pour lui : toute école doit pouvoir devenir le principal lieu d’une rupture avec le conformisme. Dans les valeurs de nos écoles, dans les profondeurs de son système, l’entraide n’est pas présentée comme une vertu, elle se traduit comme de la tricherie. Nous sommes placés devant des feuilles avec des œillères imaginaires et un système de notation qui dès notre plus jeune âge nous familiarise avec la solitude et l’intime conviction de nos ainés que nous devrions avoir toutes les réponses mémorisées, prêtes à être retranscrites. Avoir rendue l’école obligatoire [7], implanté la scolarité prolongée [8] [9] propageant ainsi la course aux diplômes, voilà autant de faux progrès consistant à produire des élèves ‘‘dociles’’, prêts à consommer des programmes préparés par les « autorités » et à obéir aux institutions. À cela il faut substituer des échanges entre « égaux » et une véritable éducation qui prépare à la vie dans la vie, qui donne le goût d’inventer et d’expérimenter. C’est, il faut le souligner, un début de controverse y compris en introduisant les formes d’erreur possibles.

 

L’entraide et la considération de ceux qui nous entourent ne font pas partie des priorités du système dans lequel il nous faut grandir. Nous sommes laissés avec notre capacité à l’empathie et des choix à faire, ce choix chaque jour est répété, retranscrit dans les mots de notre lexique. Peu importe parfois la véracité des propos quand leur but n’est pas de se rallier, mais de diminuer. Aussi rapidement qu’il aura fallu pour le dire, un choix est fait et si on ne prend pas le temps d’y réfléchir à l’avance ou bien après coup, la maladresse se pose au milieu de la table créant un effet papillon, voulu ou non, affectant toute personne assise autour et égratignant la contenance de ceux qui pourrait en subir les conséquences. Dans cette relation didactique, l’erreur désignée, relevée, parfois archivée (cf. : Bonniol, 1981) [10], renvoie aussitôt à un système de références : celui du savoir enseigné. Logiquement reconnu de droit et jouissant d’une relative stabilité à l’échelle d’une classe, évidemment incarné dans la parole du Maître, ce savoir disponible permet de circonscrire ce qui aurait dû être fait et qui ne l’a pas été. En présence de cette erreur, nous sommes invoqués à mesurer un écart, apprécier une différence, entre le résultat espéré et une production de l’élève, le lycéen ou l’étudiant.

 

Une seconde disposition, l’erreur et la décision

 

Nous croisons beaucoup de gens qui, dans un égocentrisme humain mais pas irréversible, sont persuadés être les seuls à contenir leurs petits secrets et être les seuls à ne pas divulguer tous leurs maux. Devrait-il être nécessaire d’exposer toutes nos blessures pour ensuite laisser les communautés d’autrui marcher sur la pointe des pieds autour de nous, créer un silence prolongé ou avoir des mots à peine perceptibles ? Ou bien ne serait-ce pas plus simple de garder proche de nous et de nos mots un rayon d’humanité et de fraternité qui a été laissé en arrière-plan juste après que l’on nous ait demandé de bien vouloir partager nos jouets.

 

À mon goût dans le même esprit de vouloir dénoncer la souche d’erreur, il est bien simpliste de dire que les nouvelles générations sont devenues trop susceptibles. L’idée explore cet épiphénomène qui est cachée derrière la phrase tellement répétée : on ne peut plus rire de rien. Il s’y dissimule encore une autre maladresse. Serait-il possible que l’on puisse rire de tout mais avec intelligence ? Je ne pense pas que l’on en soit encore au stade où les gens dont c’est le métier soient considérés comme les idiots du fond de la salle de classe dont la présence se traduit par leur faculté à faire rire leur camarade. J’ose penser que le métier du rire s’est affranchi de ce stéréotype. Pourtant il reste plus simple de déclarer que trop de sujets sont devenus tabous, plutôt que d’admettre qu’une bonne blague nécessite un minimum de réflexion et que certains sujets sont trop sérieux pour être abordés avec uniquement de la dérision et aucune forme d’engagement.

 

Le schéma qui se cache derrière le reproche de la susceptibilité est le même que dans bien d’autres circonstances : pourquoi est-ce-que la personne qui commet la maladresse devrait en être tenue responsable, alors et surtout quand la personne qui la subit devrait / pourrait se taire ? C’est une culture répandue, elle est implantée dans nos modes de fonctionnement si bien qu’il faut très souvent la désapprendre pour réussir à blâmer la bonne personne au lieu de soi-même.

 

Je ne pense pas être trop présomptueuse en disant que nous sommes beaucoup à avoir entendu de la bouche d’adultes, que « si un garçon vous embête, c’est sûrement qu’il vous aime bien », une phrase si innocente, dite avec le sourire à un enfant, une phrase pourtant maladroite pour tous ceux qui l’entendent, une phrase malsaine si on la laisse évoluer et grandir avec nous au fur et à mesure du temps. Les mots restent et ces mots autorisent la normalisation de comportements qui ne devraient pas l’être dès le plus jeune âge, l’âge ou l’on commence à essayer de discerner le bien du mal, une maladresse qui traverse les générations ne peut qu’être banalisée au détriment des conséquences qu’elle engendre. Ces erreurs ne sont pas juste le fruit d’un instinct primaire exprimé sur le moment. Ce sont des modes de fonctionnement qui traversent les âges, ils font partis d’un tableau qu’il faut savoir regarder dans son entièreté pour en comprendre les rouages et les imbrications. On ne nous enseignerait pas l’histoire, si nous négligeons l’importance de ce qui a été établi au préalable et l’importance donnée à ne pas répéter les mêmes erreurs.

 

L’erreur, la société et le problème

 

Pourtant lorsqu’il s’agit de remettre en question cette culture implantée blâmant la mauvaise personne, un mur est souvent dressé, réel ou virtuel, devant nous marquant une opposition à tout franchissement de manière de faire. L’erreur va prendre le statut d’une information brute, sans corrélation avec l’élève, théoriquement quantifiable qui va mal se discuter : la négociation va traiter sur la réalité de l’information connue. L’erreur qui se répercute à une règle concernant en fait ce que tout psychologue – essentiellement du travail – appelle « la tâche prescrite ». En société, nous ne prenons pas la peine d’évaluer que ce qui est dit et demandé de faire et la tâche est le plus souvent conçue par celui ou celle qui parle seule qui en commande l’exécution. Cela génère une activité immédiate déjà dans la formulation de questions subsidiaires et les réponses visent à l’orientation et à la détermination plus ou moins totalement ; ce, en fonction de la compréhension du dire. Les mots et leur façon expressive d’un texte sonore – façon de dire les choses en fonction de référence à un savoir ‘‘officiel’’- va légitimer la connotation d’un verdict souvent attaché à ce type d’erreurs. Nous le ressentons, ce type d’erreurs aura dans ce cas un sens ‘‘passif’’ : elle apparaît par les mots comme étant un défaut de conformité aux usages.

 

Il s’agit parfois de mots dont la profondeur n’est pas prise au sérieux dans l’objectif de former un bouclier autour : par exemple, des personnes qui sont le ‘‘produit de leur temps’’. Nous excusons assez facilement un enfant renouvelant simplement dans ces dires et comportements les propos qui lui sont diffusés par les adultes. Nous prenons facilement, l’opportunité de l’engager dans une conversation pour le pousser à réfléchir de lui-même en espérant que ce soit ce qu’il en retire : il peut réfléchir de lui-même, il peut avoir une opinion bien à lui qui n’est pas figée dans le temps. Pour ne pas discourir avec la jeune population combien la vie est un mystère, nos verbes disent souvent tout et son contraire sans percevoir combien nos mystifications et tromperies les plongent dans le désarroi et va renforcer leur solitude. Qu’est-ce qui va cacher à l’intérieur de nous-mêmes tout ce qui est dit, non-dit en énonçant des métaphores contradictoires, faisant conjointement reposer la société entre une attente de dessiner une vision qu’ils attendent de nous ? Toute erreur ‘‘mesure un écart’’ et va donc seulement concerner, dans cette relation didactique, la partie publique d’un rapport à un savoir particulier sinon personnel et celui de la société, celle qui se montre à tous. Néanmoins, cet archétype d’erreur dénoncé ne pourra jamais revendiquer fournir à quiconque – quelle que soit sa place en société – des informations concernant l’activité réelle d’untel ou unetelle à l’écoute, les procédures qui sont mises en œuvre et les processifs qui va les activer. Considérant cette souche d’erreurs, il nous faut préciser qu’il ne peut y avoir d’erreur que si vient une possibilité de sélection et s’il peut exister des expériences affirmées de distinctions de ces sélections.

 

Il est encore une fois un peu simpliste, pour certaines personnes en particulier, qu’un passe-droit leur soit attribué pour ne plus vivre avec son temps et que les mots qui les protègent ne sortent qu’au moment où, directement, une conversation ne va pas explicitement dans leur sens. Des mots souvent prononcés dans des maisons qui ont le pouvoir des accès à internet, le pouvoir du regard sur une télévision qui fonctionne et des gens prêts à leur apprendre quelque chose. À partir de quel âge stoppons-nous de vivre avec notre temps ? Je crois me souvenir d’une de ces mêmes personnes me dire que nous ne pouvions pas tout savoir, que nous n’arrêtons jamais d’apprendre. Dans ce cas dire que des gens sont des produits de leur temps, pour excuser leur ignorance et masquer leur manque de considération, ressemble beaucoup à un tas de poussière caché sous un tapis. Il y a tellement de personnes qui nous prouve le contraire chaque jour par leur gentillesse, leur tolérance et leur désir de continuer à apprendre que ces mots ne peuvent que laisser à mes oreilles une note d’hypocrisie.

 

J’y vois dans ces artifices pour une compréhension didactique qu’un des rôles de celle ou celui qui ‘‘enseigne’’ ce sera en effet de rendre problématique aux écoutants des situations qui, intrinsèquement, ne le sont pas pour elle/lui. Il est une chose de mettre un Être ‘‘devant’’ un problème, il en est un autre de le ‘‘confronter’’ à un problème dans le sens de Newell & Simon (1972 sur l’enseignement scolaire) ou un individu qui sera ‘‘confronté’’ à un problème quand il désire quelque chose et qu’il ne sait pas ou ne peut savoir immédiatement qu’elle forme d’action il doit entreprendre et produire pour l’obtention de cette chose réelle ou virtuelle.

 

Une socialisation différente est née

 

Toute socialisation de l’enfant a été construite par les interactions entretenues avec sa famille. L’enfant repère, apprend et intègre à sa personnalité les modes de penser et d’agir finalement communs à toute leur génération. L’ensemble des comportements sont devenus un droit parental suivi depuis peu du droit à l’enfant. Chaque individu commence par s’approprier l’héritage et la vision du monde de ses premiers modèles (ses parents) tout en s’informant par le Net de ce qui se passe ailleurs sans que les adultes ne perçoivent ou n’autorisent les acquisitions. Cela s’appréhende par le parler et par l’écouter puis par les images mouvantes en fonction de la société composant les acteurs. L’intégralité du discours se risque dans ce « comme si » employé en droit : le réel n’est plus « purement » le réel puisque la perception l’imagination interfère et s’impose. Alors les imaginaires juridiques modifient la réalité légale afin d’insuffler certaines nouvelles résolutions : espace d’erreur reconnu car très troublé par l’existence du vrai ou du faux. Dès lors, maladroitement s’est glissé dans les cerveaux le principe selon lequel si l’erreur doit s’éteindre la requête et la formulation d’une excuse doit être prononcée. La société (familiale ou collectivité) nous enseigne à demander pardon, mais aucune instruction va prendre en considération la réponse à cette demande. De là reste à définir l’erreur et à convenir de sa description, la situer comme une action regrettable, une maladresse ou encore un manquement, apparence possible d’un conflit ouvert.

 

C’est de cette disposition à nous repentir, nous excuser, non apprise étant enfants, à nous excuser lorsque l’on commet des erreurs que toute personne apprend et intègre la classe sociale à sa personnalité et le genre auquel il veut appartenir. Une erreur fondamentale – un conflit - s’est installée à ce sujet : Il s’agit du temps passé par les générations montantes devant leurs écrans (petits ou grands) faisant s’exprimer les générations adultes âgées sur ce problème comme étant une addiction, addiction qu’il faut ‘‘soigner’’. L’incompréhension s’installe dès cet instant car, finalement, le superlatif à toute communication émise est atteint via Internet et autres applications. Applications que 85% des personnes des générations précédente ignorent tant sur la technologie, la technique et l’utilisation de ces deux éléments devenus philosophiques. Je ne peux contester ces clivages intergénérationnels, il faut toutefois relativiser en soulignant qu’au-delà des tensions et incompréhensions, les aspirations des uns et des autres – parents / enfants, enfants / enseignants – s’inscrivent dans une même évolution de l’histoire.

 

Au premier chef, l’histoire de base est familiale quand les deux voire trois générations se rejoignent toutefois devant le nombre d’erreurs avalisées par un consensus d’à priori social, religieux ou professionnel, la séparation dans le consensus est patente. Appelons cela : recherche d’emploi du terme ‘‘erreur’’ en droit élémentaire en chacune des parties. Les jeunes générations mènent pour eux-mêmes leurs propres recherches d’appropriation de leurs enjeux sociétaux sans pour autant se raccorder aux enjeux parentaux. Durant le processus de socialisation (Georg Simmel - 1989 : enfants ou parents, enfants ou enseignants - ne fait pas qu’apprendre les valeurs sociales qui lui sont transmises), un individu contemporain interprète aussi toutes les nouvelles données. Celles-ci peuvent donc remettre en question certaines valeurs apprises : « la socialisation se fait et se défait constamment ». La théorie simmelienne de la socialisation, comme apparition de transitions sociales contenus dans les termes du droit social, pourrait aussi énoncer pourquoi les individus ne partagent pas toujours les mêmes valeurs que leurs parents. Cette parenthèse est des plus particulièrement intéressantes car, dès le début du XXème siècle, il convient de comprendre la portée de ce qui précède. C’est-à-dire l’élaboration de la prise de conscience de cet individu et de son individualité, fille ou garçon puis femme ou homme. Il est impensable de pouvoir établir une connaissance suffisante et satisfaisante de l’environnement humain en se fondant sur des principes dogmatiques immuables – souvent des principes de causalité – comme certains ‘‘combats de société’’ qui perdurent et qui arrivent pour des causes étrangères dont celles de santé médicale, financière, technologique etc… Réponses multiples sur Internet.

 

Dire et faire, concept hors du droit

« Sachez avoir tort. Le monde est rempli de gens qui ont raison » (Louis-Ferdinand Céline).

 

En guise de conclusion, il est nécessaire de consentir à écouter et à ne pas négocier un dire d’autrui. Internet et E-monde, l’univers des pré-adolescents et adolescents apparaît être une affirmation faisant autorité d’un nouvel état de connaissance depuis l’implantation des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) dans les familles. Une nouvelle socialisation via Internet intervenant sur toutes les relations familiales et extra familiales est prise en compte avec les effets appris  et évolués inéluctablement dont il faut faire la part des choses. La première application vient de cette extériorisation au groupe parental, indépendance d’esprit des enfants solliciteurs devenus particulièrement accordés à toutes ces technologies. Les temps quotidiennement assez longs devant leurs écrans font naitre une distanciation avec leur entourage immédiat. La seconde va entraîner ces groupes intergénérationnels vers des désaccords sur des principes de vie immuables et qui par la force de l’instruction multipliée et distanciée vont se trouver obsolètes parce que voulus autrement : sans obligation dominante et régalienne.

 

Il est finalement tentant de percevoir dans ce trouble intergénérationnel – souvent émotionnel - d’un avenir trop lointain une conséquence des allongements inédits des diverses scolarités dans les lignages de gens actifs / productifs et ceux de l’improductivité qui s’enrichissent, empêchant la formulation d’aspirations bien définies par les parents. Mais, ce qui étonne avant tout dans les réponses, c’est le sentiment qu’il n’est plus de la responsabilité d’autrui de désigner une profession, une voie professionnelle, un métier aux générations à suivre ou les générations d’individus contemporains en recherche de nouvelle fonction. Celles-ci n’autorisant souvent pas que l’on puisse penser pour elles.

 

Ce précepte des rapports sociaux se caractérise surtout par la distinction des catégories de contenu - composée aux dimensions propres de chaque individualité en chaque environnement sociétal : parents, famille proche, profession et amis (es) - et de formes qui conditionne sa façon d’entrer en rapport avec autrui. Cette pédagogie ressort d’une appropriation des enjeux (scolaires) au fil des générations. L’emprise croissante et généralisée de cette socialisation (au début scolaire) sur les biographies dans toutes les classes (ouvrières puis celles et ceux en ‘‘col blanc’’) contribue ainsi fortement à réformer déjà par la parole donnée le mode de constitution des générations. Non seulement parce qu’un modèle de prolongation maximale des contingences familiales acceptées dans les catégories qui en étaient le plus éloignées auparavant tend à s’imposer, mais aussi parce que ce processus implique une redéfinition des rapports entre les générations. Les plus jeunes ont le pouvoir de dire oui ou non voulant entrer ou non dans un concept établi.

 

Au cours de ce XXIe siècle, la technique numérique - car c’est bien celle-là dénommée ‘‘révolution’’ qui a remis les totalités en jeu - se présente plus que jamais comme un phénomène d’une complexité infinie et d’une diversité insaisissable. Face aux ‘‘anciens’’ perdus, les classes d’âge débutantes s’en tire le mieux et augmentent leurs savoirs. L’immense accumulation des outils et des procédés, des savoir-faire et des inventions, des machines et des artefacts, forme à elle seule un ensemble vertigineux et pour ainsi dire démesuré, dont la réalité vécue va se confondre avec la légende de la civilisation elle-même. L’unité du phénomène semble d’autant plus difficile à appréhender que celui-ci se définit d’emblée comme multiple : « le terme même est le plus souvent employé au pluriel : il y a des techniques textiles comme des techniques sidérurgiques » (Séris, 1994) et, peut-on ajouter aujourd’hui, des techniques numériques. En outre, chaque technique considérée en elle-même n’est en réalité qu’une « combinaison technique » (Gille, 1978) permettant à quiconque de prendre la parole et de soutenir sa propre vérité sans qu’il n’y ait d’opposition possible avec sa vérité et sa contre-vérité. Erreur ou pas ?

 

Bibliographie

 

Gaston Bachelard, La terre et les rêveries de la volonté. Essai sur l’imagination de la matière, Paris, José Corti, coll. « Rien de commun », 1996, p. 65.

Albert Camus, Le mythe de Sisyphe, Paris, Gallimard, coll. Folio Essais, 2005, p. 28.

Bertrand Gille, Histoire des techniques, Paris, Gallimard, « Encyclopédie de la Pléiade », 1978, p. 11.

Ivan Illich, Une société sans école, Paris, Points Essais, 2015.

Michel Malherbe, Des raisons de croire, Nantes, Cécile Defaut, 2006, p. 36.

Clément Rosset, Fantasmagories suivi de Le réel, l’imaginaire et l’illusoire, Paris, Les éditions de Minuit, coll. « Paradoxe », 2006, p. 105.

Jean-Pierre Séris, La technique, Paris, PUF, 1994, p. 23.

Georg Simmel, Philosophie de la modernité, § L’individualisme, Trad. J-L Vieillard-Baron, Paris, Payot, 1989, pp. 281-291.

 

Notes

 

[1] Patrick Bruel, Chanteur / compositeur, Qui a le droit ? Tour de France 1990/1991.

[2] Il est bon, ici, de reprendre la conception de Clément Rosset selon laquelle : « L’imaginaire n’est autre que le réel ; mais un réel légèrement décalé par rapport à son espace et son temps propres […] C’est toujours du même réel qu’il s’agit, mais se produisant sur une scène inhabituelle qui figure une sorte d’espace protégé : à entendre par là non un lieu d’échappatoire au réel, mais au contraire un endroit où le réel se trouve comme préservé, mis à l’abri de ce qu’il y a de constitutionnellement fragile dans la réalité même ; ici, cette autre scène n’est plus en pur droit mais en toute justice .»

[3] L’affaire Dutroux ou la révolte du peuple Belge (1996-2004).

[4] L’affaire dite ‘‘affaire d’Outreau’ où les magistrats et la police ont été confrontés à leurs erreurs d’appréciations et ont été mis en causes. 1997/2000. Verdict accepté en juillet 2004.

[5] Nous retrouvons, ici, l’impossibilité de parvenir à une connaissance véritable de la justice, à la connaissance de la vraie justice, de la vérité de la justice et, en conséquence, la focalisation sur « l’apparence » de ce qui est juste, le ressenti de ce qui est réellement juste : le phénomène de la justice.

[6] À reprendre, la position de Michel Malherbe : « Il y a croyance, nous l’avons dit quand la raison d’assentir à la vérité procède de quelque considération externe à la vérité et qu’en conséquence le sujet connaissant devient à des titres divers acteur de la vérité. »

[7] En fait, ce n’est pas l’école qui est obligatoire, mais l’instruction notée dans la loi sur l’éducation émanant de Jules Ferry.

[8] La réforme Berthoin entrée en vigueur en 1967 prolonge l’obligation scolaire jusqu’à 16 ans et marque ainsi la volonté d’améliorer le niveau de culture général des jeunes Français. Date de publication du document : 2007. Date de diffusion : 30 sept. 1968. Date d’évènement :1967. Depuis 2020, sous certaines conditions la scolarité obligatoire a été amenée jusqu’à 18 ans.

[9] Les lois Jules Ferry sont une paire de lois sur l’école primaire en France votées en 1881-1882 sous la Troisième République, qui rendent l’école gratuite (loi du 16 juin 1881), l’instruction primaire obligatoire et participent à laïciser l’enseignement public (loi du 28 mars 1882).

[10] Rappel : Nous savons que dans les classes, les cours, il y a des notes qui comptent, celles qui vont constituer, avec et sans les cursus des performances ‘‘antérieures’’ de celui qui apprend ou doit apprendre : notes dont nous avons montré qu’elles influencent significativement les résultats des évaluations en cours des bilans à venir.

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