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  • L’addiction : un mythe, une maladie ou un fléau social contemporain ?
    Johanna Järvinen-Tassopoulos (a cura di)

    M@gm@ vol.14 n.1 Gennaio-Aprile 2016





    L’ADDICTION OU LES ADDICTIONS ; EN QUÊTE D'UN BIEN-ÊTRE ET PATHOLOGIE DE SYSTÈME ?

    Thierry Jandrok

    thierry.jandrok@ch-epsan.fr
    Psychologue clinicien, psychanalyste, docteur en psychologie, psychopathologie et études psychanalytiques. Sa thèse de psychologie et études psychanalytiques reçue un prix pour sa qualité scientifique de sa démarche (Prix Jean Kepler, 2007). Il est également titulaire d’un Executive MBA de management des organisations de santé. Il est l’auteur de trois essais : Tueurs en série : les labyrinthes de la chair (2009), La société décors : l’emprise du management (2014) et La société des corps : métaphores perversions, extermination (2014) et a déjà publié une soixantaine d’articles dans diverses revues scientifiques et littéraires dans des revues et des actes de colloques ainsi que sur Internet.


    Image : Pixabay CCO Public Domain

    Préambule

    Dans le cadre de cette étude, notre but ne sera pas de faire une nouvelle clinique de l’addiction. D’autres s’y consacrent au quotidien et témoignent régulièrement de leur travail. En revanche, nous nous arrêterons sur quelques questions que posent les addictions notamment à ceux qui croient en être exempts. Il s’agira pour nous d’emprunter les chemins d’une psychodynamique emprunte de poésie et sur les traces des philosophes. En effet, notre clinique quotidienne nous rappelle que les secrets des souffrances de nos contemporains sont essentiellement langagiers. Souffrances criantes ou silencieuses, elles appartiennent toutes au registre du discours, y compris lorsqu’elles s’expriment à travers les maux du corps.

    Lorsqu’un sujet se laisse aller à une dépendance, il y introduit, à son insu, sa part molle, sa chair, son corps, ses circuits organiques. C’est ainsi que très vite ses symptômes s’expriment à travers des métaphores tronquées, tordues telles des branches de bonzaï. Chaque prise, chaque répétition de l’acte, est comme une tige d’acier embrassant ses membres et son psychisme. Elle s’installe comme un tuteur, une culture de la nature, une force de torsion irrépressible. Alors qu’une parcelle de son désir demande sa libération d’autres, plus archaïques, exigent sa soumission sans condition. Le sujet dépendant est en tension. Il est destiné à se déchirer, alors qu’il lui suffirait juste de se séparer. Malheureusement, l’imaginaire de la dépendance est puissant. Il convoque des représentations aussi terribles qu’angoissantes. Et qui dit angoisse, parle de la participation passive du corps à l’expression de l’affect. Lorsque les affects et l’engagement du corps dominent, la pensée se soumet. Elle accepte sa défaite. En ce sens, elle respecte le principe d’économie psychique. De prime abord, la pensée cherche toujours les solutions les plus rapides, les plus simples, autrement dit les moins couteuses afin de régler ses tensions internes. Ce n’est que dans un second temps, qu’elle affûte ses arguments et combat ses expressions primaires. Ce principe essentiel de l’économie psychique participe grandement au lâcher prise du sujet devant les exigences charnelles de son anatomie. Or, c’est bien parce que rien ne force la psyché à résister aux expressions besogneuses du corps, que le sujet doit engager une résistance. C’est là une vieille leçon de la philosophie antique, qui à travers la tempérance évoque clairement la nécessité éthique d’une résistance de la pensée aux élans pulsionnels et/ou charnels. Quelles sont donc les articulations qui opèrent sous l’apparence de la pulsion à la dépendance et du désir d’indépendance ? Comment le désir combat-il la pulsion ? Par quelles voies, à travers quels mots, quels vocables ? En fait, que dit la culture ? Qu’implique l’usage des signifiants ? Que nous racontent-ils de ce qui se présente comme un fait clinique indiscutable ?

    Le sujet parle tout en ignorant le sens de cet usage avec lequel il a le sentiment de faire corps depuis l’aube de sa subjectivité. Il parle sans penser sa parole. Cette dernière lui paraît tout ce qu’il y a de plus naturel. Il se pense comme une évidence du discours alors qu’il n’est qu’un signifiant. Il s’imagine même parfois être l’auteur de ses propres jours. La plupart du temps, ce qu’il imagine être ses mots appartiennent à d’autres qui, avant lui partageaient cette même certitude. Le sujet est toujours un sujet par et pour. Sa place dans le discours du destin dépend de ce qui le précède et le suivra. En attendant la mort, le sujet est littéralement transporté d’une pertinence à l’autre, d’un paragraphe à l’autre. Les actes, les paroles déroulent le texte d’un masque singulier que le sujet porte en aveugle. Il est ontologiquement lié à un signifié qu’il n’entend pas. Le signifié du sujet se construit sur ses vestiges, ses œuvres et les instants partagés qu’il laissera dans son sillage.

    Le destin de l’humanité s’écrit ainsi dans la masse d’une argile à laquelle chacun tente de donner une forme. Le plus souvent, il ne subsiste que des ombres éparses, des homuncules en voie de désagrégation. C’est de cette argile de la subjectivité dont il sera question ; de figures singulières de l’histoire, d’objets d’un destin contraire, ou complices d’un lissage généralisé de la matière psychique. Dans ce registre, la question des addictions renouvelle celle du passage et du voyage intérieur. Elle dépasse également le simple fait singulier, dans la mesure où l’addiction a été reprise par la logique du Pouvoir. Les questions de la dépendance, des produits, des pratiques singulières et collectives, de la toxicomanie, de la jouissance et de la transgression, de la pulsion et de désir, de l’abandon et de la réunion convoquent le Politique comme organisateur de sens et de hiérarchie.

    Qui commande ? De quelle façon l’ordre organise-t-il le désordre ? Comment la société encadre-t-elle et maîtrise-t-elle le sujet représenté comme un individu extrait d’une masse populaire indifférenciée ? La subjectivité serait-elle soluble par le politique ? Ne serait-elle pas plutôt ce qui, sans rémission, fait systématiquement échec au Politique ? Autant d’interrogations qui, filtrées par les aspects à la fois pluriels et singuliers de l’addiction, nous conduiront dans les arcanes d’une langue aussi mystérieuse qu’oppressante.

    1 La question institutionnelle

    Lorsque l’on cherche à en savoir un peu plus sur l’addiction, ou les addictions, de nos contemporains, le chercheur tombe rapidement dans les registres du médical, notamment psychiatrique, et du judiciaire. Aujourd’hui comme hier, il arrive régulièrement que des addicts tombent sous le coup d’une condamnation et/ou d’un impératif de soins. Ils sont, de toute évidence, «malades». C’est ainsi que depuis le dix-neuvième siècle et les premiers grands projets de santé publique, l’addiction s’est construite comme une entité médico-juridique dont le discours tente à la fois de soigner et condamner et de soigner sans condamner. La justice essaye de prendre en compte les circonstances atténuantes, en un mot la souffrance de l’individu, tout en pénalisant ce prévenu, objet d’une addiction modifiant son adaptation sociale. S’il est l’objet d’un Autre, l’addict est sous influence. Il ne peut être donc intégralement tenu pour responsable dans la mesure où ses actes sont conduits (drivés) par la pathologie : c’est un toxicomane. Le terme de pathologie signifie littéralement : «discours de la maladie», logos du pathos, science de la souffrance, des affects adressée aux représentants de l’altérité ? Dans cette optique, si un individu est littéralement conduit par le discours d’une souffrance, n’est-ce pas parce que sa raison s’y conformerait ?

    Se laisser conduire implique une adhésion du sujet aux articulations symboliques qui ont un sens pour lui. Dans l’addiction le sujet est accompagné par un plaisir ambivalent. Cette ambivalence, qui se creuse dans la subjectivité, est un signe critique des modalités comportementales des addicts. Le sujet n’est ainsi pas tant prisonnier d’un produit, ou d’une pratique, que de la structure d’un discours engageant à la fois son corps et son psychisme, sa jouissance et sa volonté, son désir et sa satisfaction. S’abandonner à, c’est faire le choix de se donner une chance d’exister sur le bas-côté d’une théorie de l’existence. C’est se rendre dans la marge de la page. Le sujet qui s’exfiltre des bornes d’un logos prend le risque de ne plus être tenu par ces limites symboliques. Au-delà des voies du discours se tiennent, tapies en embuscades, fantasmes et pulsions non liées. Ces dernières attendent, telles des oiseaux de proie, l’occasion de se satisfaire à travers un scénario fantasmatique. En se construisant un fantasme, le sujet s’imagine maîtriser le circuit de sa pulsion. Il jubile à l’idée de se sentir enfin maître de lui-même, de sa jouissance, à l’exclusion de tous les autres, de tous ceux susceptibles de questionner sa démarche, de mettre ses sens à la torture, à la question.

    Le fantasme est un château de cartes intime dont la réalisation est voilée au sujet. C’est ainsi que la logique de ses actes est à l’image de celle à laquelle il adhère…, sans pour autant en assumer la responsabilité. Ce qui l’amène parfois à ne plus percevoir les frontières de l’adaptation sociale, de la transgression et des lois. Le législateur comprend ce relâchement psychique comme la conséquence d’une cause extérieure au sujet. Le citoyen ne peut, par principe, être privé de son libre-arbitre que par une cause extérieure, modifiant son discernement ; c’est-à-dire sa capacité à circonscrire les registres de l’existence. Le sujet est alors qualifié d’ «irresponsable» parce qu’il aurait été poussé, par les autres, par son goût pour les toxiques, ou plus simplement, par nécessité, parce que sa culture, son environnement, ont influencé le cours de sa pensée. Dans ce registre, la vulgate contemporaine précise que les addicts sont habités par un «mal», (du latin mal habitus). Ce mal est interprété comme un déplaisir pour les témoins et les victimes. Mais pour le sujet qui consomme des produits stupéfiants parfois licites, d’autres fois illicites il s’agit plutôt d’une jouissance. La nature politique de ces produits est maintenue dans une brume sémantique.

    Il est en effet quelque peu surprenant de ne pas classer dans la catégorie des stupéfiants de nombreuses substances psychoactives, notamment l’alcool et les anxiolytiques. En ce qui concerne ces derniers, il est politiquement incorrect de les stigmatiser comme des drogues, dans la mesure où ce sont des médicaments. Les anxiolytiques sont prescrits par des médecins, institués en gardiens de la santé physique et surtout mentale. Ces produits servent à calmer le mal être de nos contemporains. On les utilise indifféremment pour soulager la tristesse, les maux d’amour, les douleurs articulaires, intestinales ou rhumatismales…, les ravages de l’âge, l’insomnie, le deuil, les troubles conjugaux (conjugopathies), les dysfonctions érectiles chez les cinquantenaires stressés, l’anxiété des adolescentes, l’angoisse des examens universitaires, les divorces, les syndromes pré-ménopausiques, l’arthrose…, et bien sûr, la dépendance à l’alcool ainsi qu’à d’autres psychotropes. L’éventail est si large que l’on peut se questionner sur la pertinence de tous ces usages pour une classe de molécules dont les effets à long terme sont tous aussi addictifs que celles contre lesquelles elle est utilisée. On ne peut mettre en cause un agent de l’État ! On ne peut mettre à la question la fonction sociale de la médecine sans également interroger le projet politique. Réfléchir sur ce premier aspect de notre réflexion revient à questionner les institutions qui forment l’armature des gouvernements.

    Comment les institutions de santé produisent-elle de la bienveillance ? Comment différencier un soin d’un acte juridique alors que le terme même de «prescrire» est issu de la vulgate juridique ?  Prescrire signifie «se libérer d’une obligation par un acte juridique». Par ailleurs lorsque l’on précise qu’«il y a prescription», on ne peut plus poursuivre un justiciable, car le délit commis est trop ancien pour que le ministère poursuive. Pour les médecins, prescrire consiste à se libérer d’une plainte. Ce dispositif à la fois la réifie et lui offre une solution qui la dissout dans un oubli complice entre le médecin et son patient. Prescrire libère le médecin de l’emprise de la plainte et lui permet ainsi de mettre un terme à la consultation. La prescription sert aussi de sauf-conduit au sujet entre le cabinet médical et l’officine du pharmacien. Ce qui ne signifie pas que le patient soit sain et sauf pour autant. Il est seulement renvoyé là où il suppose qu’il trouvera la solution à la question qu’il n’a pas pu poser, puisque cette dernière s’est exprimée dans la plainte. La prescription d’anxiolytiques, dans la logique socio-médicale actuelle, sert donc à annuler la plainte ou le symptôme, sans en questionner les origines et encore moins le sens. Cette pratique est issue d’une logique sémiologique. Elle ne laisse aucune place à l’expression de la subjectivité. Le signe n’est pas un signifiant. Il indique. Aussi le symptôme et la plainte qui l’accompagne font foi d’un trouble, syndrome, ou maladie, plus rarement d’une question adressée à un sujet supposé savoir. La sémiologie introduit le silence de la communication dans le registre de la parole. La communication met la parole sous silence. Elle fait taire l’équivoque, érode les métaphores jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’une infranchissable barre de rapport entre le signe et le sujet. La médecine répond des signes. Elle ne s’adresse pas au sujet. Pour ses représentants, le signe fait office de preuve. La fonction de la preuve est justement d’oblitérer la parole par le jeu des évidences. C’est par cet usage de la preuve que le juridique confirme ses liens avec à la médecine.

    2 Au jeu des vocables

    Lorsqu’un sujet s’engage dans une addiction, c’est le plus souvent afin d’éviter une rencontre malheureuse. Son but est l’évasion, le voyage intérieur, l’amnésie onirique. Qu’importe où ce voyage débute, l’essentiel est que ce ne soit pas chez soi, en soi, là où ses pensées sont les plus profondes, les plus dérangeantes aussi. Lorsqu’il est questionné, l’addict est souvent évasif. Il tergiverse, tente de prendre des chemins de traverse. La marge le protège. Elle est para-théorique ! Son regard aussi est fuyant. Il sait que le chemin de son existence n’est pas une voie heureuse, du moins pas une voie considérée comme telle par son entourage, la société et les institutionnels. Dans ce cadre, l’addict interprète sa parole comme un témoignage adressé à un juge, peut-être un censeur ; en tout cas, une personne susceptible de le culpabiliser, de le rendre responsable de ses actes. Parler, pour l’addict, c’est avouer, se livrer à travers la délivrance d’une information qu’il désirerait ne pas divulguer. Très vite, pour lui, son interlocuteur n’est plus à la place qu’il prétend. Il n’est plus médecin, infirmier ou psychologue. C’est un juge, plus un proche. Un rapport de force rompt l’espoir de tout lien. La confiance n’est plus au rendez-vous. Car la confiance, pour un addict, se gagne entre pairs, entre ceux qui savent, qui ont déjà fait le voyage. Ce qui inévitablement nous amène à d’autres questions, plus intimes, plus déraisonnables aussi, des questions obscures, jamais véritablement formulées, dont la réponse s’effondre sous le poids de la stupéfaction et du voyage. L’addict craint la lumière, comme il craint sa parole. Sa progression dans les profondeurs de son addiction l’éloigne des autres dont la présence au monde lui rappelle son sentiment malheureux, sa différence, sa singularité. Au bout d’un temps décisif, le sentiment du malheur originel est supplanté par les conséquences de sa dépendance. Le sujet n’est plus malheureux, il est «dépendant», à la fois objet et victime de son addiction. Son état génère alors chez ses contemporains des sentiments de compassion mêlés de répulsion. Si l’on a pas mal pour lui, on a des difficultés à le comprendre sans sombrer soi-même dans le même marigot désirant. L’addict, se présente et s’expose comme objet d’une souffrance, interprétée par son interlocuteur comme un vice. «Un vice enfin est un manque d’harmonie entre les diverses parties du corps, rendant celui-ci éventuellement contrefait et difforme.»[1]

    Si l’on peut ressentir de la compassion pour la souffrance de son prochain, le délabrement de son corps consécutif à ses actions amène des réactions de rejet et parfois de dégoût et de mépris. Afin de prendre sur lui la souffrance d’un addict, son interlocuteur n’a pas d’autre choix que de dépasser le pathos négatif du toxico et les émotions générées par la rencontre. D’autre part, le professionnel réalise que la plainte de l’addict n’est pas une parole adressée, mais une parole vide, une mécanique destinée à tromper autrui afin d’en obtenir des avantages secondaires. La parole du toxicomane est bien plus une prière adressée aux instances tutélaires susceptibles de le soulager, autrement dit de le renvoyer là où il se croît se réaliser ; dans cet ailleurs où, nul autre que lui, dans son hubris, ne peut se rendre. Cet ailleurs bat au rythme de sa dynamique pulsionnelle. Il chauffe et se refroidit à intervalles réguliers. L’addict se complait dans cette douce chaleur. Il craint également le retour de son hiver intérieur qui lui évoque un désert balayé par le vent d’une jouissance cent fois recherchée, mais rarement connue.

    L’addict, ne se plaint pas. Il réclame juste un étayage de sa passion voyageuse. L’autre n’est pas un interlocuteur, mais l’incarnation d’un moyen. Il désire la présence de l’altérité, mais afin de mieux l’éradiquer dans le silence de l’Oubli. Ce dernier terme est d’autant plus important pour sa structure psychique qu’il est souvent évoqué à travers des : «Je veux oublier. Oubliez-moi ! Laissez tomber ! Laissez-moi ! Lâchez-moi… » Toute parole chez lui semble exprimer le fait qu’abandonner le dialogue, mettre fin à la question était une remise en liberté sans condition. Le sujet demande à larguer les amarres de la conscience et du lien, jusqu’à l’oubli. Ce signifiant souvent utilisé nous vient du grec Atlas.

    Atlas est le dieu qui soutient les colonnes du ciel. Oublier c’est essentiellement «supporter, soulever, porter». En latin on le retrouve sous la forme d’ablatio «action d’enlever», collatio, «assemblage, rapprochement», mais aussi delatio, «dénonciation» et delator, l’accusateur. Puis on arrive à oblatio, «action de donner volontairement», oblatus, «offert» et enfin relatio, «action de rapporter», narration, et par extension legislatio, «legislation» et legislator, «législateur». La quête de l’oubli est une entreprise métaphysique que le sujet entreprend afin de renouer une relation avec ce qui le soutient. Le signifiant de «oubli» se situe aux fondations de l’univers subjectif. Il est ce qui entre désir et pensée soutient l’édifice du psychisme en séparant les registres. Atlas porte le passé immémorial, comme il soutient le sujet entre vie et mort. La distance entre les registres est un paysage mental sans limite, baigné par les murmures d’Eole et les poèmes de Poséidon. Cette dimension du divin est une utopie, un lieu hors-lieu, en-deçà de la géographie, sous le trait des limites et la séparation des mots. Pour la conscience langagière, cette utopie métaphysique est un horizon sans barrière. Lorsqu’un sujet s’y laisse tomber, il vit une expérience indicible. Les mots manquent pour en témoigner. Le toxicomane re-vient d’un Ailleurs. Néanmoins, l’addict est en manque. Il lui manque quelque chose d’essentiel ! Cette partie amputée de lui-même n’est, malgré les effets de surface, pas une pratique, une jouissance ou même une substance psychoactive. Elle est ce pays inconscient découvert lors de ses voyages obscurs. Qui d’autre mieux que lui peut s’y retrouver ? En réalité, et pour des raisons essentiellement structurelles, nul ne peut entrer dans un lien immédiat avec son Unbewußt. La dimension de l’oubli appartient au néant des origines, ainsi qu’à tout ce qui s’en échappe dans le langage. Les signifiants de cette pensée ont été masqués à la conscience par le sceau d’un refoulement originaire. Ses promesses et les connaissances qu’elle recèle appartiennent au domaine de Dieux. Ce savoir est à la fois puissant, secret et nécessaire à la génération. Le sujet les cherche. En même temps, il accepte intimement qu’en empruntant ce chemin escarpé, il transgresse les règles essentielles du langage.

    Le domaine des Dieux, le pays de l’Oubli, est interdit. Sa frontière silencieuse exige l’inconscience de l’explorateur pour se dévoiler à ses yeux. Afin de pénétrer dans le labyrinthe de l’oubli le sujet doit se perdre pour lui-même. Il doit abandonner sa réflexion sur le seuil de ce monde. Les secrets de Dieux ne parlent qu’aux dieux eux-mêmes. Aussi, le sujet est-il condamné à ne jamais découvrir les secrets de sa propre existence, le langage que partagèrent ses parents et qui motiva sa venue au monde. Le pays de l’oubli est la matrice langagière de toute subjectivité. Elle est le lieu d’effondrement de toutes ses questions. A travers sa quête de jouissance, tous les addicts prennent pied sur le seuil du royaume des immortels. Ils font connaissance avec l’éternité d’un instant. Là-bas tout et rien se confondent. Le sujet s’imagine toucher à l’intégralité de ce qu’il est. Cependant, chacun de ses voyages creuse sa dette à l’égard de cette contrée métaphysique. Les Dieux ne souffrent pas la compagnie des mortels. Si l’un d’entre eux franchit le seuil de la métaphore intérieure dans la chaleur enveloppante de sa jouissance, il se condamne au silence de la complétude dont autrui est exclu. Sans possibilité alternative, la subjectivité s’effondre. Elle se dilue dans sa rencontre avec sa jouissance. La jouissance est le plaisir des Dieux. Le sujet ne peut la rencontrer que partiellement. Elle bouleverse les liens symboliques et le registre de la représentation. Dans la jouissance, le sujet est bouche bée, réduit à l’inarticulé. La jouissance est une entreprise singulière, sans partage ni vocable. C’est là son plus grand bonheur et son indescriptible malheur. La jouissance se vit comme un éclair, dans la puissance d’un instant éternisé qui s’effondre aussi rapidement qu’il est survenu. Le bonheur fugace qu’elle procure n’est que l’ombre du malheur de l’existence.

    C’est ainsi que l’étymologie de bonheur et de malheur nous renseigne sur le drame singulier de l’addiction dans la mesure où, le bonheur ou le malheur ne sont pas «la bonne heure ou la mal heure», mais l’expression d’une période estivale, temps de croissance et de baignade ensoleillée. En effet, le bonheur et le malheur sont des vocables issus du mois d’août, de l’augustus. Cette racine donna également auctor, l’auteur, le créateur, celui qui fait croître. En latin, ce vocable produisit augure (présage), augurer (prédire) et par extension, inaugurer, (consacrer), mais, également, autoritaire et octroyer, tous deux issus du grec auctor. L’heur date du XIIè siècle et est issu de cette racine. Elle produisit les vocables heureux et malheureux qui, par homonymie, laissent penser qu’il y aurait un lien avec la bonne heure. Le malheur et le bonheur appartiennent donc au temps estivaux, aux instants ensoleillés de la créativité et de la progression de la subjectivité sur le chemin du devenir. Le sujet heureux, croît, progresse, comme l’adolescent. L’adolescent du latin adulescere, signifie celui qui ne cesse de grandir. Cependant, là où la vie s’exprime avec le plus de force, la mort n’est jamais loin…

    3 Les addictions aux limites du normal et du pathologique

    Au cœur des cités, l’alcool, consommé de façon épisodique, n’est pas considéré comme un psychotrope. Aussi longtemps qu’ils se promènent en état d’ébriété sans déranger l’ordre public, les ivrognes ne sont pas repérés, ils ne sont pas poursuivis. Cette logique indique que la consommation de produits psychoactifs n’est pas un délit en soi, à moins de directement menacer la vie du consommateur, celle de son prochain ou plus simplement l’ordre public. La ligne de partage entre adaptation et transgression, normal et pathologique est bien fine. Elle semble d’autant plus évanescente que c’est le passage par un acte délictueux qui signale le sujet, et non la consommation du produit ; il suffit d’échapper à la surveillance ou aux contrôles policiers. La responsabilité et la culpabilité ne prennent corps que dans la rencontre avec les représentants de la loi.

    Le discours médical, de son côté, à partir d’un verre d’alcool, d’un joint, d’un rail…, ou d’une cigarette par jour, lève le flambeau de sa rationalité. Une fois passé le bureau des admissions, l’usager, a priori considéré comme normal et adapté, découvre que sa consommation de substances psychoactives licites et illicites, aussi petite soit-elle, parce qu’elle est régulière, relève d’une pathologie menaçant son capital santé. A titre d’exemple, une cigarette, par semaine ou par mois, suffit à le qualifier de «tabagique». Aussi longtemps que l’usage de ces substances est considéré comme occasionnel, exceptionnellement récréatif, sans mettre en danger la personne ou son prochain, il n’entre pas dans le registre des pathologies ou des maladies. En revanche, dès que cet usage s’installe dans une régularité, l’individu est incriminé. Il entre dans la catégorie des «malades» et, peut-être, des victimes. Il ne consomme plus un produit, il est sous son influence ! Il est drogué, toxico, addict. La répétition en faisant preuve d’une accoutumance, parlée comme une addiction, met le sujet en situation d’être l’objet de ses passions archaïques. Or, dans le psychisme, comme dans le langage, l’archaïque est la puissance qui commande.

    La frontière entre normal et pathologique est dynamique. Elle existe dans un équilibre précaire entre des extrêmes dont les limites changent en fonction de l’appréciation des autorités médicales et juridiques. La définition médicale de cette limite laisse entendre que tout usage de substances, ou même de pratiques aux effets psychoactifssatisfaisants, constitue une porte d’entrée dans l’addiction et, par voie de conséquence, dans l’infraction à la loi. En revanche, la perception des sujets concernés est bien plus tolérante, voire complaisante. Elle l’est d’autant plus qu’il s’agit souvent de pratiques collectives, sociales. Quitte à se situer dans une forme minimale d’adaptation-transgressive autant être à plusieurs, histoire de diluer l’aspect transgressif dans la socialisation.

    Du côté des représentants de l’ordre mental et social, en revanche, le passage de l’addiction à l’infraction est considéré comme inévitable parce que psychiquement irrépressible. De l’hypersexualisme à la conduite en état d’ivresse, du vol, avec ou sans violence, au trafic de stups, en passant par l’accident sous l’emprise de substances, l’éventail est étendu. Il en est de même pour les condamnations qui, bien qu’elles s’aggravent au fil du temps, ne sont, paradoxalement, pas dissuasives pour les prévenus. Serait-ce parce que, dans le fond, toute consommation et toute pratique addictive passe par une phase de socialisation et de reconnaissance d’un plaisir partagé ? Les autorités du système, qui, dans leur vie privée ne sont pas sans avoir quelques accointances avec ces pratiques, affirment dans le cadre de leur fonction, que le sujet est sous emprise, et que, par conséquent, sa volonté en est altérée. Il est bien connu que toute personne sous l’emprise d’une drogue affirme qu’elle peut s’arrêter quand elle le désire. Seulement, la maîtrise s’évanouit dans l’illusion de la volonté comme mise en acte d’un désir. Néanmoins, alors que cet aspect de la dépendance est connu depuis la nuit des temps, nul ne semble officiellement se questionner sur cette autre facette de la logique de l’addiction qui, entre le dire et le faire, trace la ligne d’une responsabilité inaccomplie parce que d’une part, au niveau individuel, elle n’est jamais véritablement sollicitée et que, d’autre part, les discours politiques ne renforcent nullement cet effort de détachement ; bien au contraire ! Aussi longtemps qu’il était chez lui, sur son lieu de travail, ou inclus dans les échanges de la cité, le sujet n’était guère différent des autres. Il était normal. L’entrée dans la dimension institutionnelle pose les bases d’une emprise du sujet par un discours. Avant de passer ce seuil, il se sentait libre de ses choix. Il est désormais un malade qu’il faut soutenir et aider, parfois emprisonner. 

    Au dix-neuvième siècle, par exemple, l’opium, sous la forme de laudanum, était utilisé dans le cadre du traitement de la douleur et/ou de la neurasthénie. Ce n’était qu’une fois que le sujet devenait clairement dépendant de son traitement, que les médecins le considéraient comme un toxicomane, ou, du moins, un opiomane, autrement dit un maniaque de l’opium. Son traitement était, dès lors, considéré comme toxique. Dans ce cadre heuristique, le «maniaque» est celui qui trouve une satisfaction singulière à une pratique déclenchant en lui un arc réflexe de plaisir et de satisfaction, sans que son désir ou sa conscience y participent. Plus la conscience est inhibée, plus le désir est détourné plus la satisfaction et le ravissement seront amplifiés…. Hier comme aujourd’hui, on peut traduire cette situation ambivalente dans les termes suivants : «Se soigner oui : prendre du plaisir au traitement, non !» Le pharmakon, le remède ou le poison a, par définition, mauvais goût. Il est amer plutôt que doux, contraignant plutôt que de libre usage, licite plutôt qu’illicite, positif plutôt que négatif, scientifique plutôt qu’empirique, déplaisant plutôt que plaisant, portant vers la guérison plutôt que vers la maladie etc. Aussi longtemps que le produit est licite ou prescrit, le consommateur échappe au registre des addictions. En revanche, il peut entrer dans celui des «accoutumances pathologiques et/ou iatrogènes». Lorsqu’un sujet s’habitue à un psychotrope, comme dans le cas de toutes les drogues, les responsabilités sont partagées. Il y a les caractéristiques physico-chimiques du produit, le renouvellement des ordonnances et les patients eux-mêmes qui, désormais sous l’emprise continue du cycle de reconnaissance prescriptive et d’enfumage scientistes de leurs problématiques singulières ne se trouvent plus la force de s’arrêter. Comme la plainte vaut toujours mieux qu’une question, la solution est évidemment dans le traitement, la dissolution de la demande.

    Pour les usagers, l’enfer de leur existence paraît moins lourd à porter. Jour après jour, ils se sentent dans l’obligation de respecter ces prescriptions à la lettre. Ils sont prisonniers de leur lien au prescripteur qui soutient leur désir de ne rien entendre de leur souffrance et de la demande qui l’accompagne. L’objectif est de se sentir plus détendu, de se lâcher contre sa volonté, contre les barrières du refoulement ou de la honte. Le mélange des substances donne au sujet le sentiment qu’il garde la main sur son destin, même si sa conscience et sa résistance sont amoindries. L’aspect anxiolytique devient récréatif. Par la magie de la démocratisation d’une pratique, le psychotrope s’est transformé en adjuvent du lien social ainsi qu’aux pratiques amoureuses.

    C’est ainsi que de nos jours, le joint, le champagne, et la benzo pimentent certaines soirées en élevant le niveau de désinhibition. La perte de contrôle récréative est devenue in. Il est devenu «normal» de se lâcher plutôt que de se fâcher. La colère, la désobéissance à l’ordre moral et la révolte sont des émotions socialement péjoratives. Ces pratiques récréatives participent à l’illusion négativiste de l’un-dividu en opposition avec le positivisme ambiant. Ces émotions sont classées comme asociales et impertinentes dans  une ambiance d’obéissance généralisée ! Alors que la maîtrise de ses désirs et de ses pulsions stigmatisent, le lâcher prise, à l’opposé, ouvre le sujet au contrôle ainsi qu’à la maîtrise d’un grand Autre aussi terrible que complaisant. C’est ainsi que ces pratiques entrent dans le registre de la revendication de ceux dont les tensions quotidiennes les incitent à faire une pause, scander le temps, afin de créer une vacance dans la domination qu’ils imposent quotidiennement à leur corps et leurs affects. S’abandonner dans un groupe fait signe d’une implication sensible du sujet dans la société. Lorsqu’il se laisse dériver, flotter entre deux eaux, deux missions, deux objectifs, le sujet s’imagine exercer un droit sur son instance surmoïque, et la dimension sociale de ces pratiques. Accepter le jeu de l’addiction collective devient un acte politique transgressif nécessaire à l’équilibre psychique. Néanmoins, à travers cet abandon de lui-même dans la stupéfaction de ses sens, le sujet obéit aux impératifs du Pouvoir. Ces derniers l’invitent sans cesse à jouir de son travail, de sa fonction, de sa position, des autres, de son argent... A travers cette pulsion dérivante, le sujet abdique. Il accepte de littéralement se désinvestir… au profit de qui ou de quoi, au juste ? Il croit quitter le rivage sécurisant de la normalité. Il tente de s’effacer des circuits consensuels afin d’entrer dans des relations immédiates dont il ne gardera, peut-être, aucun souvenirs. «Nous avions toujours jusqu’ici une réserve d’imaginaire – or le coefficient de réalité est proportionnel à la réserve d’imaginaire qui lui donne son poids spécifique.»[2]. Dans un monde construit sur la technique, la dogmatique des faits machiniques et la propagande des pseudologoï (mensonges et théories falsifiantes), le coefficient de réalité s’effondre. Il est écrasé sous le poids d’un monde dénué d’imagination, uniquement préoccupé par le contrôle et la maîtrise.

    La modernité managériale de notre temps, se fonde sur les falsifications dogmatiques d’un pouvoir sans métaphores, composé de dispositifs méthodologiques (ou «boite à outils») et de recettes organisationnelles. Dans ce désert cognitif, le symbolique se perd en une série de signes accolés les uns aux autres par contiguïté. La création s’abîme dans la copie, le plagiat, la répétition des structures narratives. En terme de management des masses, il est préférable d’oblitérer l’imaginaire individuel par des stupéfiants que de lui laisser libre cours ; de crainte qu’il ne soit aussi contagieux que les méthodes et les pratiques auxquelles il serait susceptible de s’opposer, ne serait-ce qu’en rêve.

    Il ne s’agit pas d’autre chose que d’un objectif gouvernemental qui, comme tous ses analogues, se murmurent dans les alcôves des ministères et les coursives des assemblées. Au niveau du peuple, cet objectif de paralysie des fonctions cognitives est revendiqué comme une pratique de gauche ;autrement dit, comme l’expression d’une éthique de la désobéissance civile. La pensée syllogistique de la dogmatique managériale s’exprime ici dans toute sa puissance perverse. Paradoxalement, elle inscrit la transgression comme morale et l’adaptation au système comme pathologique. Dans ce registre, l’usage régulier des psychotropes constitue désormais un loisir bien mérité (parce que contrôlé par le discours). Il ne s’agit plus d’une conduite transgressive.

    La conception du bonheur contemporain se rapproche d’un état repoussant les fragiles frontières du contrôle individuel par le collectif. Ce bonheur dans l’adaptation au système, tamponne ce lâcher prise d’une amnésie rétrograde. Cet oubli, paradoxalement contrôlé, participe à l’évanouissement de la responsabilité. Il refoule l’acte et ses conséquences dans un temps sans mémoire, sans culpabilité ni regret. Comme avec toutes les pratiques qui jouent avec le regret et la culpabilité, ceux qui ne s’y adonnent pas sont évidemment ringardisés par leur absence de convivialité. Existerait-il donc, dans ce monde où l’on peut être responsable mais pas coupable, des transgressions innocentes, des plaisirs sans jouissance, des partages sans communauté, des collectifs sans singularité ?

    Autrefois, cette pulsion opposante consistait à s’abstenir de fumer ou de boire. De nos jours, faire la fine bouche devant un cocktail de substances psychoactives désocialise le sujet de groupes qui se reconnaissent à leur résistance physiologique aux produits. Eux, ils tiennent ! Mais les autres, les timides, les couards, les réticents, les hésitants, les indécis, les faibles, à quoi tiennent-ils au juste ? Comment font-ils pour tenir et se tenir alors que leurs prochains ne sentent pas d’autre choix que d’avoir recours à des substances addictives ? Dans ce cadre de forçage social, il ne s’agit plus tant de soulager l’angoisse existentielle que de répondre aux effets rebonds. Et puis, dans cette ambiance festive, les prises des psychotropes se diffusent comme un comportement normalisé autant que normatif. Comment, dans ces conditions paradoxales, expliciter la démocratisation de cet usage et son développement dans toutes les couches socio-économiques de la société ainsi que dans la pyramide des âges ? Quel est le sens de ce jeu institué dans lequel l’implicite est plus parlant que l’explicite et où les conséquences sociales et les effets individuels de l’usage des substances psychoactives sont condamnables, mais pas ce qui y pousse ?

    «Et quand la puissance du négatif se perd, quand les interdits, les contrôles, les inégalités, les différences disparaissent un à un, pour mieux s’intérioriser dans la sphère mentale, c’est alors que le Mal interdit de séjour, devient ventriloque[3]

    Par ailleurs, la question même de l’addiction rejoint aujourd’hui d’autres entités nosographiques en ceci qu’elle s’inclut désormais dans une variabilité d’intensités diverses. Les cyberaddictions aux jeux vidéo, au téléphone portable, ainsi qu’à la cyberpornographie, les addictions sexuelles et toutes les autres pratiques addictives entrent dans cette zone spectrale entre adaptation sociale et pathologies. L’éventail de ce spectre ne cesse de s’élargir avec la diffusion des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC). Cette diffusion par capillarité se fait par l’intermédiaire de présentations, des mises en scènes spectaculaires dans le récréatif et le divertissement. Dans cet esprit quoi de plus cohérent que de créer des séries télévisées accrocheuses ? Ces dernières ont pour objectif de river l’attention des téléspectateurs pendant des heures, des mois, voire des années, avant d’être aussi rapidement remplacées par d’autres qui, reprenant le flambeau de cette addiction télévisuelle, offrira des centaines d’heures de spectacle aux sujets sous emprise. De la même façon, la multiplication des jeux vidéo participe de la même démarche accrocheuse. Les enfants et les adultes pensent simplement y jouer. En réalité, ils sont littéralement happés par ces logiciels ludiques. L’ignorance dans laquelle est le joueur de son addiction cybernétique est très similaire à celle du fumeur et de l’alcoolique. Il a le sentiment, comme les autres, qu’il pourra décrocher, à volonté. En réalité, il est déjà prisonnier des circuits archaïques du stimulus-question et de la réponse satisfaisante-anxiolytique. Il est l’otage de l’objet technologique dont il use. Pourtant et par la raison même qu’il se prévaut de sa volonté, il s’imagine maîtriser l’objet qu’il utilise, sans aucune distance réflexive. Il prend sa position et celle de l’objet comme acquise et, par conséquent, indiscutable. Pourtant, la grande qualité des évidences est d’obscurcir la conscience par une littéralité de la présence totale. Les questions s’effondrent dans le fait de l’usage. Qu’y aurait-il à ajouter, à questionner ? L’énigme croule sous le poids de la réification du discours dans ses productions technologiques.

    Bientôt le sujet n’y passe plus quelques minutes, mais des heures. Le temps semble s’être suspendu pour laisser place à une temporalité de la progression dans l’univers exploré. Les mondes virtuels sont conçus afin de créer des effets de fascination sur le sujet. Et qui dit fascination dit pause du cours de la réflexion. La pensée s’arrête. Elle s’engramme dans une argile aussi solide qu’occlusive. Pour un sujet lorsque cesse la temporalité et que les actes se substituent à la production de signifiants, la subjectivité s’évanouit pour laisser place à une fonction corporelle aussi archaïque que limitée. Lorsque le sujet entre dans des univers virtuels, il accepte inconditionnellement le processus d’absorption qu’on lui propose, de la même façon que l’héroïnomane se laisse glisser dans le flash et l’oubli ou le cocaïnomane dans l’action ou le sentiment de toute puissance. Le danger n’est pas dans le jeu, cette activité non-productive destinée à être limité dans le temps, mais dans le fait que le joueur est à la fois le consommateur et le produit. Il est celui dont la distraction est synonyme d’enchaînement et d’emprise. Le sujet s’imagine libre de jouer. En réalité, il est appelé à ne jamais mettre fin au jeu aussi longtemps que sa progression n’aura pas été programmée. Il est obligé de se fondre dans la matrice du jeu, afin de quitter l’univers consensuel de la société des hommes.

    L’intérêt de cette emprise des joueurs pour l’économie marchande est évident. Plus les gens seront distraits par les jeux et leurs mises en scènes spectaculaires addictives, moins ils se consacreront à des activités créatrices ou intellectuellement productives. Dans les jeux, la pensée est limitée à la quête de solutions programmées pour permettre la progression du sujet dans le jeu et capter son attention. Par la suite, le jeu devient une mécanique basée sur une suite indéfinie de stimulus-réflexe donnant au jour l’illusion d’une progression sur une vis sans fin liant l’origine et l’aboutissement sur la limite d’un éternel recommencement. Dans les univers virtuels, la répétition infinie des mêmes modalités, des mêmes structures narratives crée une forme de pathologie psychique imitant la mécanique psychique elle-même. La psyché souffre de cette emprise parasitaire qui se sert du procédé de l’imitation (mimesis), de la semblance, pour se substituer à sa mécanique psychique traditionnelle, construit par et avec de l’usage du langage et de son expression dans la parole.

    La névrose cybernétique ainsi produite plonge le sujet dans une lutte quotidienne entre devoir pour lui-même et addiction à la réussite dans des mondes sans lien avec sa vie. Autant il se sent grand dans le virtuel, autant la réalité familiale et sociale, confirme la conflictualité dont il se sent être quotidiennement l’objet. La cause n’est pas le jeu, mais les parents, sa fratrie, son épouse, ses amis qui bientôt lui paraissent s’opposer à la satisfaction de son désir (alors que lui-même ignore la nature de ce désir). Le sujet souffre de ces interventions frustrantes. Il se sent inutilement culpabilisé alors qu’en ce qui le concerne, il ne fait «rien de mal». Il est présent, même si son esprit est ailleurs. Il ne participe plus au quotidien mais conçoit des empires ou bataille des armées de monstres. Le cybernévrosé répond à l’appel de la partie. Il tremble. La conflictualité s’intériorise. Il combat entre son principe de plaisir et son principe de réalité, tentation et satisfaction. Ses valeurs mutent. Le plus souvent, le sujet finit par se séparer de cette emprise des univers cybernétiques. Il peut en faire le deuil, abandonner sa jouissance à l’exercice de sa raison renouvelée. Mais il peut arriver qu’il en soit incapable. Dans ce cas, cette aliénation au numérique parasite ses mécanismes de défense. Jour après jour, ses descentes dans le virtuel se substituent à sa dynamique à son imaginaire. Ses ressources symboliques sont rongées par l »acide de cet imaginaire cybernétique. Bientôt, plus rien d’autre ne le tient. Le sujet ne délire pas. Il est simplement passé de l’autre côté de sa pensée, là où l’activité réflexe tue toute réflexion, là où la métaphore est écrasée par la métonymie et où la créativité s’effondre sous le poids des copies et des répétitions comportementales, on ne parle plus de névrose cybernétique, mais de psychose cybernétique ou de cyberpsychose.

    L’addict est un sujet voué à un usage qui fait de lui l’instrument d’une puissance Autre. Ce Pouvoir est produit par une articulation discursive se substituant en lieu et place de ses processus cognitifs. Il est sous emprise. Les liens symboliques qui lient son corps et sa pensée sont déplacés afin de laisser place à des liaisons imaginaires d’autant plus lâches qu’elles se nourrissent de satisfactions pulsionnelles. La parole ne fait plus question. Elle est devenue l’expression d’un ordre surmoïque plus obscène que féroce. Pour les cyberpsychotiques, comme pour les autres addicts, la parole est devenue une suite d’ordres, de commandes auquel le sujet cherche à échapper en se fondant dans les jeux. Qu’importe le scénario, l’essentiel est de gagner ailleurs, de gagner des points sans objet, de progresser sans bouger, d’évoluer en régressant, de vaincre sans combat, de gagner en perdant, de se socialiser sans rencontrer, d’aimer sans contact, de détester sans savoir… Les antagonismes participent à la création dimensions discursives exclusives. La cybernétique ne se lie jamais au réel. Elle le communique sans l’incorporer, jusqu’à la fiction. Pour son entourage, le sujet inquiète. Mais, en même temps, il satisfait avec plaisir aux exigences des systèmes dans lesquels il s’inscrit. Comment distinguer sa démarche singulière, d’une organisation systémique ? Comment repasse-t-on des liens symboliques aux liens charnels ? Comment l’utilisateur est-il désormais confondu avec l’objet qui l’utilise ?

    4 Ombres du langage et logique de système

    Quelle est donc cette logique de système qui, tout en condamnant certaines pratiques, favorise dans un mouvement antagoniste, d’autres circuits de dépendances ? Le fait que ces circuits licites participent d’un mouvement collectif n’enlève rien à leur toxicité. Aucune substance psycho-active n’est inoffensive. Elles ont toutes des effets secondaires plus ou moins gênant, plus ou moins handicapant à court, moyen ou long terme. Quoi que l’on en dise, quels que soient les euphémismes utilisés afin de minimiser leur impact, ces substances ne sont proches de leurs analogues chimiques ou de certaines pratiques sexuelles ou sportives ! Dans ce cadre, plusieurs hypothèses s’offrent à nous.

    La première est économique et systémique. Si l’usage des substances illicites est problématique, ne serait-ce parce que le circuit économique qui le sous-tend échappe à l’impôt, autrement dit au savoir comme aux pouvoirs institutionnels ? Selon cette hypothèse, ce n’est pas la substance qui pose problème, mais son mode de distribution et, parfois, d’administration. Charge au législateur de mettre en place les structures prometteuses d’un droit de regard sur les pratiques et éventuellement, les circuits de distribution afin de se refaire une santé budgétaire sur les dépenses de santé liées aux conséquences de ces usages ? Il ne s’agit plus ici d’une question de santé publique, mais bien de sauvegarde systémique, autrement dit de management des populations, de gouvernance.

    La seconde hypothèse imagine que la définition et la médicalisation de l’usage de substances psychotropes non-contrôlées met implicitement en péril les velléités de contrôle gouvernemental sur les populations. Dans cette hypothèse non plus, l’usage de drogues et la politique de la dépendance généralisée n’est pas une question, mais un fait.

    En revanche, le contrôle et la distribution de ces substances dans la population ainsi que leurs effets sur les comportements posent une énigme systémique. En effet, comment imaginer un système politique, avec toute son armada d’institutions citoyennes, ses organes de surveillance et de contrôle, incapable de repérer les addictions de ses sujets ainsi que les dérives et les délits qu’elles charrient dans leurs sillages ? Peut-on gouverner un peuple échappant peu ou prou à son contrôle ? La réponse est bien sûr, négative. Aucun état, digne de ce nom, ne peut se permettre une telle tolérance, à moins que, et ce serait pour le moins stupéfiant, ce soit l’état lui-même qui implicitement ferait la promotion de ces pratiques dans un objectif paradoxal de contrôle de sa population ? Cette thèse trouve dans le passé culturel de l’Occident d’étranges réminiscences.

    En effet, à y regarder de plus près, le signifiant «addiction» provient du latin addictus qui définissait l’esclave pour dette. Ce substantif appartient à la famille de dicere, «dire» et «raconter». Addico, pour sa part, signifie «dire pour approuver», mais aussi «confirmer la volonté des parties», «donner un juge et une formule», «adjuger», autrement dit «vendu aux enchères», «être voué à», «abandonné à la discrétion de chacun», «engagé», «conduit à»… En somme, l’addiction n’est pas fondamentalement, et contrairement à ce que laisse apparaître la vulgate contemporaine, une affection somatique, mais une dictée à laquelle le sujet obéit dans la mesure où elle donne sens à son destin d’objet subissant la domination d’un Autre dont la volonté ferait loi. Comme les mots nous parlent plutôt que nous les parlons, ils en disent forcément plus que nous y entendons. En ce domaine, nos contemporains sont encore plus démunis que les anciens.

    La doxa actuelle considère, en effet, qu’un sujet est un addict parce qu’il est attaché à une substance ou une pratique. En fait, il est sous le coup d’un esclavage pour une dette qu’il aurait contractée avec une personne physique ou morale. L’addictus ne s’appartient plus du fait même qu’il est endetté. Sa dette l’engage physiquement et psychiquement. L’identité ou la nature de cette personne est dans un flou herméneutique. S’agit-il d’un tiers symbolique, d’un membre de sa famille – père, mère, époux, épouse, enfant ? - ou de sa propre personne en tant qu’il serait essentiellement clivé d’avec lui-même ?

    L’esclave endetté est un corps dont un maître peut et doit faire usage jusqu’à ce que la dette soit honorée. Cette situation d’esclavage physique et moral, est un dû à vie par la vie, parfois même pour la vie. Dans ce registre heuristique, l’hypothèse selon laquelle un État pourrait produire une addiction se révèle dans une acception de gouvernance des corps par l’esprit. Si les citoyens sont des addicts, cela implique qu’ils sont les débiteurs de l’État dans lequel on les a aidés à venir au monde. Tous les citoyens, seraient donc les esclaves d’un système auquel ils devraient leur vie et le sens de cette dernière, jusqu’à leur trépas. Travailler, avoir des enfants, être soigné et éduqué est une dette contractée à l’égard de la collectivité. Elle implique, sans pourtant le dire, un prix à payer, ou du moins à honorer, aussi longtemps que le citoyen, réduit à une nature d’agent, participera par sa vie, son existence, sa force de travail et sa fécondité à la pérennité de cet État.

    La citoyenneté dans les démocraties contemporaines est vouée à l’acceptation d’une servitude volontaire. Bien sûr, nous sommes loin de l’époque antique. Néanmoins, de nos jours, discourir des consommateurs comme des usagers, autrement dit comme des personnes qui usent de biens et de services parce qu’ils participent au fructus de leur nation, ne peut-il mener à autre chose qu’à l’abusus, autrement dit l’abus, le déchaînement fantasmatique de l’objet de cette servitude qui l’aliène depuis sa conception Que se passe-t-il dans le cas de l’immigration ? Les immigrés sont-ils aussi endettés que les enfants nationaux ? Oui, par principe, sauf que leur dette est transférée de leur pays d’origine à leur pays d’accueil. Contrairement aux esclaves du passé, ceux des états modernes ne peuvent échapper à leurs chaînes, puisque la planète entière vit désormais sous un régime de domination qui endette les uns et les autres, les uns aux autres. Lorsqu’il donne sa vie à son travail, le sujet ne peut s’empêcher de chercher une échappatoire, un lieu, une substance, une pratique lui permettant de se sentir détaché, libéré de sa souffrance d’esclave ainsi que de sa dette qui l’attache à son Maître. Il est en quête d’un moyen d’évasion, à n’importe quel prix ! D’abord, il goûtte aux substances psychoactives les plus abordables ; celles qui provoquent les plus grandes dépendances. En confirmant son lien psychique et charnel à son dominus, l’esclave confirme sa situation de partie commune de la maison étatique. Il a toujours été ontologiquement dépendant. Désormais, son comportement addictif atteste qu’il est sous la dictée d’une jouissance à exister, soumise à la parole d’un Autre.

    L’homme postmoderne, pas plus que ses ancêtres, ne cherche à se défaire de ses chaînes. Il est bien trop accoutumé à sa servitude ! Tel est l’un des aspects de la pastorale romano-judéo-chrétienne qui fait de chacun une brebis égarée. Dans cette optique, aucune quête de liberté ne peut passer par la fuite dans une servitude systématiquement déplacée. En revanche, elle doit s’engager dans une quête des moyens pour s’acquitter ou, à défaut, sublimer sa dette au discours dogmatique qui n’a de cesse de mettre à jour, comme si son évidence pouvait être questionnée ? L’addiction est la religion du peuple.

    Elle est ce qui permet à la masse indiscriminée des citoyens de régulièrement prendre acte de son lien charnel au régime politique au sein duquel elle a vu le jour. A travers son usage et ses pratiques addictives, le citoyen s’offre, à son insu, en holocauste à domination de l’Etat. Les différentes drogues et leurs analogues récréatifs sont le meilleur moyen pour répondre à cet impératif systémique de jouissance. L’objectif d’un État n’est pas d’éduquer, de soigner ou d’accompagner l’existence de ses citoyens, mais de se perpétuer. A travers ses institutions. Elles sont ses organes vitaux. Sans elles, le discours de la dette devient inopérant. La fonction de l’État consiste à donner du sens, d’orienter afin de mieux contrôler les mouvements désirants de ses sujets. Dans ce cadre, les apories du discours sécuritaire, le combat acharné autour de la légalisation des substances psychoactives, participent d’une logique à double-face dont le versant officiel stigmatise et réglemente alors que son versant officieux porte le sens d’une fuite de la subjectivité dans un hors-sujet construit à partir d’une fusion de l’individu à l’imaginaire d’un corps social aussi maternel qu’incestueux. Ainsi, lorsque l’addict revendique sa liberté, il se fait l’objet d’une sourde culpabilité inconsciente. Il ne comprend pas très bien ses origines, mais elle est là, bien présente. Le sujet n’échappe, semble-t-il à cette culpabilité qu’en se réinscrivant dans le déchaînement et la répétition de sa consommation de substances, de corps, de jeux, de travail... Qu’importe l’objet, pourvu qu’on ait l’ivresse ! Or cette ivresse est thanatophilique. Elle est une recherche de (petite) mort à travers une jouissance dont l’apparence transgressive de surface exprime le désir d’une union fusionnelle. Le sujet cherche l’union avec l’Autre, le divin, le désir maternel, le produit, l’État. Ce faisant, il réaffirme son identité d’addictus. Dans le psychisme, cette dette imaginaire entretenue constitue un parasite à la structuration œdipienne. Dans le psychisme, l’État se substitue aux figures parentales, jusqu’à miner les liens intergénérationnels.

    La dette est nationalement ontologique dans la mesure où la notion même de nation implique que le sujet y soit né. Le sujet national est un élément de la production et de la pérennité de son pays d’origine. En tant que tel, et puisque son existence a été préservée d’une mort certaine par les agents de sa nation, il ne peut être que redevable de sa vie aux circuits institutionnels. De ce fait, lorsqu’il cherche à s’oublier, à échapper à ce qui le maintien dans l’existence, à son insu, ne tente-t-il pas de rejoindre un territoire de liberté sans chaîne ni dette, sans justice ni poursuite, dans lequel il pourrait enfin se trouver, à défaut de se retrouver ? Il s’agit là une terrible méprise. Cette dernière est alimentée par la thanatophilie systémique des structures institutionnelles. Elles ont été conçues sur le modèle des machines. Leurs rouages sont huilés par le sang, la force du travail et l’intelligence de leurs agents. Les institutions sont des montages illusoires (machina) destinées à mettre en œuvre et en mouvement les idéaux de la pastorale humaine. Les institutions constituent une réification des fantasmes de maîtrise de la classe gouvernante.

    La question, désormais, ne concerne plus l’addiction, comme mal, maladie ou comportement soi-disant transgressif, mais du sens que chacun peut apporter à sa nature politisée ? Comment un sujet de l’État peut-il se ré-accaparer ce dont on l’a privé à l’instant même de sa naissance ? Comment la subjectivité peut-elle d’abord se refonder en un zoon politikon, un animal politique avant de définitivement incarner un «bios politikos, c’est-à-dire la vie authentiquement humaine»[4] ? Telles sont les questions qui surgissent de notre réflexion, questions ontologiques, questions anthropologiques, questions psychodynamiques qui viennent désormais battre en brèche l’évidence des lumières et l’opacité des écrans, les réponses dogmatiques et les efforts de manipulation des masses. Car le citoyen, en tant qu’addictus, est psychiquement aliéné, enchaîné par des liens impalpables. Les mots, qu’il utilise appartiennent d’abord à ceux qui les maîtrisent et non à ceux qui les reçoivent ou s’en font les chambres d’écho. C’est aussi cela être un esclave de nos jours : c’est devoir plier sous le joug d’une folie qui se prétend être une Raison.

    La nuque est bien raide pour ceux qui tentent de relever la tête et de regarder le bleu du ciel. Pourtant, le silence des étoiles écoute leurs voix et leurs espoirs d’un jour se libérer de leurs chaînes imaginaires, symboliques et réelles.

    Bibliographie

    Agamben, Giorgio : Homo Sacer : Le pouvoir souverain et la vie nue (1995), Seuil, L’Ordre Philosophique, Paris, 1997.
    Agamben, Giorgio : Qu’est-ce que le commandement ?, Bibliothèque Rivages, Paris, 2013.
    Agamben, Giorgio : L’usage des corps : Homo sacer, IV, 2, Seuil, l’Ordre philosophique, Paris, 2015.
    Baudrillard, Jean : L’échange symbolique et la mort, Gallimard, Bibliothèque des Sciences Humaines, nrf, Paris, 1976.
    Baudrillard, Jean : Simulacres et simulation, Galilée, Paris, 1981.
    Baudrillard, Jean : Carnaval et cannibale, Carnets de l’Herne, Paris, 2008.
    Cicéron : Le bonheur, IVe et Ve Tusculanes, arléa, Paris, 1996.
    Gaffiot, F. : Dictionnaire Latin-Français, Hachette, Paris, 1934.

    Notes

    [1] Cicéron dans Le bonheur, IVe et Ve Tusculanes, arléa, Paris, 1996, p. 38.

    [2] Jean Baudrillard dans Simulacres et simulation, Galilée, Paris, 1981, p.181.

    [3] Jean Baudrillard dans Carnaval et cannibale, Carnets de l’Herne, Paris, 2008, p. 60. Souligné par l’auteur.

    [4] Giorgio Agamben dans L’usage des corps : Homo sacer, IV, 2, Seuil, l’Ordre philosophique, Paris, 2015, p.47. Souligné par l’auteur.



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